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Semur-en-Auxois

Semur-en-Auxois : cité médiévale

L'origine précise de la cité n'est guère documentée, mais celle-ci pourrait bien être gallo-romaine. On sait toutefois qu'au VIIIe siècle, à l'époque mérovingienne donc, c'était déjà un lieu de pouvoir, un castrum. C'est à Semur qu'en 719, un puissant du nom du Widerad fit rédiger son testament, par lequel il fonda et dota l'abbaye de Flavigny toute proche. Si l'existence d'un pagus ne fait pas de doute ensuite, autour d'une forteresse de bois (Xe siècle), puis de pierre aux XIe-XIIe siècles, ce comté fut absorbé dans le duché de Bourgogne dès la seconde moitié du XIe siècle et reçut une administration ducale. Semur devint une véritable ville autour du prieuré bénédictin Notre-Dame, une dépendance de l'abbaye voisine de Flavigny, fondé par Girard d'Arlebaud entre 1018 et 1040, et compte jusqu'à 600 feux (foyers) environ au XIVe siècle, autrement dit quelques milliers d'habitants. La nécessité d'un encadrement religieux des laïcs se fit tôt ressentir, si bien que l'église Notre-Dame obtint le statut paroissial dès 1154. Il existait cependant dès le haut Moyen Âge un autre prieuré, modeste comme le premier et dédié à Saint-Jean l'Évangéliste. C'était une fondation du monastère Saint-Maurice d'Agaune, dans le Valais (Suisse). Aux environs de 1350, des carmes s'installèrent également à Semur-en-Auxois.

Semur-en-Auxois - Enceinte et église Notre-Dame
Semur-en-Auxois - Enceinte et église Notre-Dame

Semur est donc au Moyen Âge donc une ville de moines et de clercs et un centre administratif ducal, mais aussi un foyer économique de première importance pour la région, avec ses marchés et surtout ses foires annuelles pour lesquelles existaient des structures permanentes et dont le clergé d'un côté, le duc de l'autre, se partageaient les revenus provenant des taxes. Le monde des marchands et des artisans s'organisa à la fin du Moyen Âge en corporations de métiers. Dans l'église collégiale Notre-Dame existent d'ailleurs toujours une chapelle des drapiers et une chapelle des bouchers. Ce petit monde pouvait être assez turbulent lorsqu'il s'agissait de revendiquer un peu d'indépendance. Le duc Robert II (1272-1306) accorda aux bourgeois une charte de franchise (1276), le maire restant nommé par le duc. Le château de Semur fut aussi reconstruit et le bourg fermé par une enceinte qui se révéla très utile lors des nombreux troubles occasionnés par les guerres aux XIVe-XVe siècles. Lors de l'intégration de la Bourgogne dans le royaume de France, Semur fut même assiégé par les troupes de Louis XI (1478). Outre la collégiale Notre-Dame, joyau de l'art gothique rayonnant bourguignon, le complexe défensif est d'ailleurs ce qui donne à Semur-en-Auxois son aspect médiéval et lui confère un intérêt exceptionnel comme témoin d'une époque.

Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Le chevet (v. 1225-1240)
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Le chevet (v. 1225-1240)
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Le chevet (v. 1225-1240)
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Le chevet (v. 1225-1240)

La collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle)

Cette église priorale et paroissiale, dont le plan au sol est en croix latine, est dotée d'une nef à trois vaisseaux de sept travées, d'un transept et d'un choeur à trois niveaux. C'est l'une des principales églises de style gothique rayonnant de la région. Elle fut commencée aux environs de 1225 selon la plupart des spécialistes et même peut-être dès les années 1218-1220, selon Anne Prache, puis terminée, pour l'essentiel, vers 1260, mais les travaux se poursuivirent jusqu'au XIVe siècle, avec, en particulier, la construction de la tour nord. Anne Prache distingue au moins deux phases de construction : l'une couvre les années 1220-1235 environ (le choeur et le transept au moins partiellement), la seconde, qui commence au mur ouest du transept et concerne la nef, s'étendant des années 1240 à 1260 environ. Le maître d'oeuvre s'est inspiré de la cathédrale Saint-Étienne d'Auxerre, dont le chevet était bien avancé vers 1225, pour construire celui de Semur, mais aussi de l'église Notre-Dame de Dijon. C'est notamment, comme le rappelle Denise Borlée, l'usage du délit qui traduit cette filiation. Toutefois, le maître d'oeuvre, comme souvent au Moyen Âge, ne s'est pas contenté de reproduire purement et simplement des édifices ou des plans déjà connus. De la sorte, les grandes dimensions des fenêtres hautes sont un marqueur original de l'église Notre-Dame de Semur. D'ailleurs le parti a semble-t-il été modifié au cours de la construction, puisque la nef ne compte que deux étages et que le caractère élancé de celle-ci ne laisse pas de surprendre, compte tenu de la faible largeur du vaisseau. On le voit aussi au niveau du triforium de la nef, qui ménage un passage devant les grandes baies, à la différence des monuments précédemment cités. La façade appartient quant à elle à une campagne de la fin du XIIIe siècle.

Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) : le narthex
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) : le narthex
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Narthex : portail central
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Narthex : portail central
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Narthex : arcatures trilobées aux ébrasements
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Narthex : arcatures trilobées aux ébrasements
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Narthex : arcatures trilobées aux ébrasements
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Narthex : arcatures trilobées aux ébrasements
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Narthex : base du trumeau ornée d'un chameau
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe-XIVe siècle) - Narthex : base du trumeau ornée d'un chameau

Du point de vue de la sculpture, on admirera certaines clés de voûtes illustrant le thème des arts libéraux représentés en jeunes hommes, en quoi l'artiste s'est écarté d'une tradition iconographique bien attestée pour se montrer original, lui-aussi. Denise Borlée décèle dans la sculpture du chevet, du choeur et d'une partie du transept une influence de la sculpture du portail central de Notre-Dame de Paris. La Porte des Bleds, qui donne accès à l'église au nord, est particulièrement remarquable aussi. Ce portail au tympan assez bien préservé est orné de scènes légendaires de la vie de saint Thomas, issues d'un texte apocryphe, les Actes de Thomas, qui narrent l'évangélisation des Indes par l'apôtre Thomas.

Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe siècle)
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe siècle)

Programme iconographique du Portail des Bleds

Au registre supérieur du tympan, le Christ, entre deux anges, bénit de la main droite tandis que, dans la main gauche, il tient le globe du monde. Au registre intermédiaire, à gauche, saint Thomas, dubitatif quant à la véracité de la résurrection, met son doigt dans la plaie du Christ entre les côtes (évangile de Jean 20, 24-29). La scène suivante montre Abanes, au service du roi des Indes, que ce dernier a envoyé trouver un architecte pour construire son palais. Le Christ lui suggère d'emmener Thomas avec lui. Finalement, la narration se termine à droite par une dernière scène montrant Abanes et saint Thomas embarqués sur un bateau pour se rendre aux Indes. Le registre inférieur est consacré à des épisodes qui se déroulent dans ce pays lointain. On y voit saint Thomas recevant l'argent du roi Gondofarus pour construire le fameux palais, la scène du mariage de la fille du roi où diverses péripéties, notamment le fait que saint Thomas ait distribué l'argent du roi aux pauvres, entraînent son incarcération, avant l'issue miraculeuse de l'histoire. Aux voussures des personnages placés sous des dais illustrent les travaux des mois. À la clé de la deuxième voussure, un ange tient deux couronnes. Le style du groupe de sculpteurs qui s'est illustré là se retrouve dans des églises importantes de la région, telles Rougemont et la Madeleine de Vézelay (dans la statuaire du pignon de la façade, vers 1250 également). Denise Borlée souligne la "forte individualité" des visages au Portail des bleds.

Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe siècle) : Portail des Bleds (v. 1250-1260)
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe siècle) : Portail des Bleds (v. 1250-1260)
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe siècle) - Portail des Bleds (v. 1250-1260) : le tympan
Semur-en-Auxois - Collégiale Notre-Dame (XIIIe siècle) - Portail des Bleds (v. 1250-1260) : le tympan

L'église Notre-dame abrite également un Arbre de Jessé, retable daté de 1454, et une belle Mise au Tombeau de 1490. Quatre lancettes du XIIIe siècle ont été conservées dans les verrières du XIIIe siècle. Ce sont de spanneaux situés dans la chapelle axiale (verrières de Marie-Madeleine et de saint Pierre). Notons tout l'intérêt aussi des panneaux des drapiers et des bouchers, datés de 1460 environ. Enfin le cloître de la collégiale, peut-être construit dès le XIIIe siècle, est en partie préservé.

Le "donjon" et le bourg fortifié (XIIIe-XIVe siècle)

En position de surplomb par rapport au méandre de l'Armançon, le site a été plusieurs fois fortifié. Vers 1270, le duc de Bourgogne ordonna la reconstruction du château que l'on appelle le "donjon". Il s'agit q'un quadrilatère doté d'une tour à chaque angle : la Tour Lourdeau (ou "de l'Orle d'Or") au nord-est, la Tour de la Géhenne au nord-ouest, la Tour Margot au sud-ouest et la Tour Solobert au sud-est. La Tour Lourdeau est particulièrement impressionnante avec ses 44 mètres de hauteur, ses murs de six mètres d'épaisseur à la base et de 2m50 au quatrième et dernier étage. La lézarde que l'on voit depuis le pont lui a été infligée lors du démantèlement des fortifications en 1602.

Semur-en-Auxois - Enceinte, tours et église Notre-Dame
Semur-en-Auxois - Enceinte, tours et église Notre-Dame

Le Bourg lui-même était fortifié. Le Bourg qui s'est développé autour de Notre-Dame, en particulier, comprenait six portes d'entrée. De cet ensemble de fortification achevé au XIVe siècle il reste encore deux portes et plusieurs tours. C'est par la Porte Sauvigny, construite au milieu du XVe siècle, qu'on entrait dans Semur.

Semur-en-Auxois - Barbacane protégeant la Porte Sauvigny (milieu du XVe siècle)
Semur-en-Auxois - Barbacane protégeant la Porte Sauvigny (milieu du XVe siècle)
Semur-en-Auxois - Porte Sauvigny (milieu du XVe siècle)
Semur-en-Auxois - Porte Sauvigny (milieu du XVe siècle)

Bibliographie et ressources en ligne

-Semur-en-Auxois, Actes du 58e congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés Savantes (15-17 mai 1987), Dijon, 1989.

-Anne Prache, "Notre-Dame de Semur-en-Auxois", Société française d'archéologie, Congrès archéologique de France, 144e session (1986) : Auxois - Châtillonnais, Paris, 1989, p. 291-301.

-Catherine Brisac, "Les verrières de l'église de Semur-en-Auxois", Ibid., p. 303-311.

-"Maisons médiévales de Semur-en-Auxois. Étude archéologique avant démolition de deux maisons médiévales dans le faubourg des Vaux", Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Ntaurelles de Semur-en-Auxois et des Fouilles d'Alésia, t. 5/2 (1992), p. 1-18.

-Denise Borlée, La sculpture figurée au XIIIe siècle en Bourgogne, Strasbourg, 2011.

-Jérôme Benet, "Châteaux, prieurés et développement urbain : le cas de Semur-en-Auxois", dans Hervé Mouillebouche, Vincent Tabbagh (dir.), Châteaux et prieurés. Actes du premier colloque de Bellecroix (Chagny), 15-16 octobre 2011, Chagny, 2012.

-Christian Sapin, Pierre Pinon (dir.), Les fortifications urbaines en Bourgogne, Auxerre - Semur-en-Auxois, 2015 (Actes du colloque de Semur-en-Auxois de 2011).

-Voir également le site de l'Office du tourisme de Semur-en-Auxois.

-Consulter la page du site de l'Association nationale des Villes et Pays d'Art et d'Histoire sur Semur-en-Auxois.