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Cluny : l’abbaye et le bourg

Cluny - Les bâtiments du XVIIIe siècle et le clocher de l'Eau Bénite
Cluny - Les bâtiments du XVIIIe siècle et le clocher de l'Eau Bénite

Cluny, aux origines d'un empire monastique...

Fondation

D'un point de vue matériel, Cluny n'est pas né de rien, un 11 septembre 909 ou 910. En ce même lieu existait en effet une villa, c'est-à-dire un grand domaine carolingien, que l'évêque de Mâcon Hildebald échange en 825 contre un autre domaine avec le comte de Mâcon Warin (ou Garin). Cette villa possède déjà une chapelle, dédiée à sainte Marie, des bâtiments seigneuriaux et d'exploitation ainsi que tout un domaine agricole. Des fouilles archéologiques récentes, dirigées par Anne Baud et Christian Sapin (2006-2013), ont permis de retrouver des substructions de bâtiments carolingiens de type aulique, des sépultures (l'une d'elles pouvant être celle du comte Guérin, mort en 869, et une autre celle d'Ava, soeur de Guillaume d'Aquitaine, fondateur du monastère) et même des fondations de la fameuse chapelle Saint-Marie élevée au VIIIe siècle et qui fut remplacée par un autre édifice sous la même dédicace, à l'est de Cluny II (la deuxième église abbatiale). L'archéologie a parlé : l'histoire de Cluny s'inscrit dans un continuum politique et religieux qui rattache le site aux siècles du haut Moyen Âge.

En 880, c'est Bernard Plantevelue, grand aristocrate carolingien lui aussi, qui reçoit la villa, mais sa fille Ava décide dès 893 de la léguer à son frère Guillaume à sa mort. Ce Guillaume n'est autre que Guillaume Ier (v. 875-918), duc d'Aquitaine, qui devait fonder l'abbaye de Cluny, ce qu'il fit avec l'accord de sa soeur (qualifiée d' "abbesse"), toujours en vie, le 11 septembre 909 ou 910. Le lien entre la famille des Guilhelmides, comme on appelle cette parentèle franque (famille élargie), et le monde monastique n'était pas une nouveauté. L'arrière-grand-père de Guillaume, Guillaume de Gellone (v. 750/5-v. 812/4), avait fondé le monastère de Gellone en 804, à proximité d'Aniane où son ami Witiza (connu sous le nom de Benoît d'Aniane), avait lui-même fondé un établissement en 784 après avoir étudié à l'école monastique de Saint-Seine-l'Abbaye en Bourgogne. Or, outre que Guillaume de Gellone était un cousin de Charlemagne, Benoît d'Aniane fut l'un des plus proches conseillers de ce dernier et d'ailleurs le principal en matière de réforme monastique. C'est dans le cadre de cette réforme décidée lors du synode (assemblée des grands de l'Empire, clercs et laïcs) d'Aix-la-Chapelle en 817 que fut prise la décision d'imposer aux monastères de l'Empire la règle de saint Benoît, rédigée par Benoît de Nursie en Italie vers 530/550 et appréciée pour son équilibre. Le but visé consistait à homogénéiser les pratiques monastiques : plus de trente règles ont en effet été pratiquées en Gaule entre le Ve et le Xe siècle. Précisément, la fondation de Cluny s'inscrit dans la droite ligne de la politique religieuse réformatrice carolingienne.

Bref, il faut surtout retenir de cela que les fondations monastiques sont à cette époque et durant l'essentiel du Moyen Âge l'affaire des puissants, de ceux qui sont en mesure de doter ces établissements et ont intérêt à ce que la prière des moines ou des religieuses entretienne la memoria (mémoire) familiale. Fonder un monastère, pour un noble Franc, renforce aussi l'assise territoriale et les liens politiques. Outre les motivations réellement spirituelles - et dans bien des cas il n'y a guère de raisons d'en douter -, cet acte est associé à la représentation sociale.

Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Clocher de l'Eau Bénite (XIIe siècle)
Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Clocher de l'Eau Bénite (XIIe siècle)

Un établissement original ?

Oui et non. Oui, dans le sens où le fondateur précise que l'élection de l'abbé sera libre : beaucoup d'abbés étaient alors mis en place par des familles aristocratiques qui possédaient les établissements religieux comme des biens familiaux ou bien nommés par le roi dans le cas des abbayes royales. En même temps, c'était du déjà vu. Girart de Roussillon avait prévu une telle disposition pour ses monastères de Vézelay et Pothières fondés vers 858 et il y avait ajouté l'exemption de l'autorité de l'ordinaire, donc de l'évêque dont dépendait l'établissement. Mais tandis que Pothières et Vézelay sont livrés aux apôtres et à leur représentant, le pape, Cluny est seulement en la possession des apôtres et défendu par le pape. La terminologie est importante, ici. Cependant, en 998, le pape Grégoire V accorde le privilège d'exemption de l'autorité de l'ordinaire à Cluny et le pape Jean XIX l'étend même à tous les moines clunisiens, où qu'ils se trouvent, en 1024. Les établissements clunisiens deviennent alors vraiment une "Église clunisienne" (Ecclesia Cluniacensis). Ce privilège d'exemption n'était d'ailleurs pas non plus une innovation, y compris dans le cas de Vézelay : le monastère de Fulda, fondé en Hesse (Germanie) par le moine Sturm sur l'ordre de saint Boniface en 744, obtint le premier ce privilège en 751. Mais alors que les  fondateurs de Vézelay continueront à être les représentants du monastère en matière judiciaire (ils sont avoués), Guillaume le Pieux renonce à tout droit de regard sur Cluny. Les moines disposeront donc vraiment du monastère. Cela est nouveau. Il n'empêche que les premiers abbés, de façon réaliste, n'ont de cesse de faire confirmer le privilège par les papes.

En outre, les Clunisiens se différencient de beaucoup d'autres moines par l'importance accordée à la liturgie : alors que la règle de saint Benoît demande la récitation quotidienne de 37 psaumes, à Cluny c'est presque le psautier complet (il en compte 150) qui est récité quotidiennement. Deux messes étaient chantées chaque jour, et dès le XIIe siècle, ce furent trois messes quotidiennes. Alors oui, du point de vue liturgique, Cluny est un cas à part autour de l'an mil, au point de privilégier nettement la liturgie aux dépens du travail manuel et de l'activité intellectuelle. Un travail sur l'écriture musicale à Cluny aux XIe-XIIe siècles est même perceptible à l'examen de certains manuscrits. La liturgie, c'est l'opus Dei, l'oeuvre de Dieu, mais un labeur en soi. Le moine clunisien s'y adonne complètement. Il est donc logique que l'architecture et les arts serviraient la liturgie et la magnifieraient.

Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Le linteau des Marguerites (XIIe siècle)
Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Le linteau des Marguerites (XIIe siècle)

Un essor largement conditionné par une succession d'abbatiats remarquables

Cluny n'est encore au Xe siècle qu'un petit monastère : une douzaine de moines lors de la fondation. On est encore loin des milliers de moines et des 1200 maisons clunisiennes à la fin du XIIe siècle ! Que s'est-il donc passé entre-temps, qui conditionne un tel essor ? On l'a vu, l'exemption générale accordée aux clunisiens faisait dépendre ces moines et ces moniales (le premier couvent féminin fut celui de Marcigny fondé en 1054) du pape directement. D'autre part, dès les débuts, les abbés reçoivent mission de réformer un certain nombre de maisons, que Cluny finit par assimiler, pour certaines d'entre elles. Des abbés exceptionnels vont ensuite, par leur autorité et surtout par leurs liens politiques, accroître le temporel de l'abbaye et étendre à l'Europe, voire à la Terre Sainte, les ramifications du réseau clunisien.

Le premier abbé est Bernon (v. 860-910-927), ancien moine de l'abbaye Saint-Martin d'Autun et fondateur vers 887/8 du monastère de Gigny (département du Jura), sur ses propres terres. Lui-même était en effet originaire du comté de Bourgogne et se vit au surplus attribuer par le roi Rodolphe Ier le monastère de Baume (Jura). Les raisons pour lesquelles Guillaume Ier d'Aquitaine fait appel à lui pour fonder Cluny sont moins claires, mais la réputation de fondateur et de réformateur que s'était taillée Bernon à Baume et à Gigny doit avoir joué un rôle majeur. En 917, un noble aquitain donne des terres à Bernon près de Châteauroux : c'est l'origine de l'abbaye de Déols (Indre). Vers la même époque, Bernon fonde également Souvigny (Allier) sur des terres qui lui ont été offertes par le premier des sires de Bourbon. Bernon est enseveli à Cluny. Avant de mourir, il répartit les maisons entre deux moines, en particulier Odon, qui lui succède à Cluny.

Avant d'entrer en religion, Odon (v. 879/80-942), d'extraction noble, avait servi le duc d'Aquitaine Guillaume Ier. Devenu chanoine à Tours, il avait ensuite étudié à Paris auprès de Remi d'Auxerre. Après avoir étudié les arts libéraux et la doctrine, il revint à Tours pour y recevoir la charge d'écolâtre, c'est-à-dire de maître principal de l'école rattachée à la cathédrale. En 905, il embrasse la vie monastique auprès de Bernon au monastère de Baume, dont il devient l'écolâtre, avant de gagner Cluny en 924. Odon est un lettré dans la plus pure tradition carolingienne : il place les arts libéraux au service de la compréhension de l'Écriture sainte, connaît bien les oeuvres de saint Augustin (354-430) et de saint Grégoire le Grand (540-604). Il rédige des Conférences (ses Collations), une Vie de saint Géraud d'Aurillac (855-909) et s'attache à dénoncer la violence des hommes de guerre de l'aristocratie franque. Il est très attentif à la morale, notamment sexuelle, et surtout à la liturgie. Il place des moines réformateurs à la tête d'établissements qui demandent à être réformés, comme Charlieu en 932. Il réforme ainsi des maisons aussi importantes que Saint-Pierre-le-Vif à Sens ou Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire). Odon accomplit trois voyages en Italie pour s'assurer de l'appui des papes. Les donations à Cluny s'accumulent, surtout en Mâconnais et en Bresse. Avec les lieux de culte, Cluny reçoit les dîmes, ces offrandes instituées vers 755 par le roi Pépin le Bref et généralisées par Charlemagne lors de l'assemblée de Herstal en 779.

Aymard (†963), d'origine modeste, est choisi par Odon lui-même pour lui succéder. Il accroît dans des proportions considérables le temporel de l'abbaye (250 donations). L'homme et son action sont cependant mal connus. Aymard démissionne en effet dès 954 et meurt vers 963. Mais dès 948, il avait, tout en en conservant le titre, confié la charge abbatiale à Mayeul. Déjà, un réseau clunisien se forme. Plusieurs maisons dépendent directement de Cluny, comme Souvigny, Sauxillanges et Charlieu.

Mayeul (v. 910-948-994) est un aristocrate provençal. Il étudie à Lyon et devient ensuite chanoine de Saint-Vincent de Mâcon, puis entre à Cluny dans les années 940. Il noue des relations avec Adélaïde, femme du nouvel empereur Otton le Grand (962). Le roi des Francs et le duc de Bourgogne le soutiennent aussi. Mayeul fut surnommé le "prince du monachisme". Désormais, les maisons qui font appel à Cluny pour être réformées se remettent (traditio) à Cluny, elles se donnent à ce monastère avec leurs membres, leurs bâtiments et surtout leurs possessions. Mayeul fait également tout pour que les puissants ne soient pas en mesure de revendiquer quoi que ce soit des donations qu'il reçoit d'eux. Le premier, il fait rédiger les coutumes (liste des usages) propres à Cluny, vers 950. Ce texte n'a malheureusement pas été conservé. C'est lui, Mayeul, qui fait édifier la seconde abbatiale, dite "Cluny II", de 948 à 981 (date de la consécration) pour l'essentiel, sans doute jusqu'au début du XIe siècle en réalité. C'est alors une église abbatiale de 75 mètres de longueur. Celle-ci possède une galilée (narthex), une nef de sept travées et un chevet à absides échelonnées. Pour la première fois, un chevet est entièrement voûté. C'est en effet durant cette période que la liturgie prend encore plus d'importance à Cluny et l'adoption de la voûte est liée aux performances acoustiques, outre l'intérêt que représente sa résistance au feu. Sous Mayeul, Cluny s'implante en Italie (Pavie) et l'abbaye reçoit en grand nombre des donations provenant de la vallée du Rhône et de Provence (Rosans, Ganagobie...). À sa mort, Cluny gouverne directement plus de trente maisons. On peut déjà un peu parler d'Ecclesia Cluniacensis. Le réseau est déjà solidement implanté. Mais en un temps où les structures carolingiennes, dans lesquelles l'épiscopat tient une place importante, s'effondrent, et où la violence et les empiètements des grands laïcs se multiplient, une mutation s'opère peu à peu. Cluny participe à la mise en place progressive de la société féodale sous Odilon de Mercoeur et surtout durant l'abbatiat de saint Hugues de Semur.

Odilon de Mercoeur (près de Brioude) est un Auvergnat né en 962 dans l'aristocratie. Mayeul l'a choisi pour lui succéder et le document par lequel il rend public ce choix a été visé par le futur empereur Otton III lui-même, le roi de Bourgogne et Provence Rodolphe III et le duc de Bourgogne Henri. Odilon a été chanoine à Saint-Julien de Brioude (Auvergne) avant d'entrer à Cluny (en 990). Mayeul avait déjà gouverné pendant 46 ans l'établissement. Odilon en fut l'abbé pendant 55 ans et son successeur Hugues pendant 61 ans ! Cette longévité des abbatiats a permis une continuité de l'action, et quelle action ! Odilon n'a pas été un écrivain très prolifique (des hymnes et des sermons surtout). Il n'en est pas moins un lettré de bon niveau. Odilon développe une théologie dans laquelle la Trinité et la Vierge ont une grande importance. La dévotion mariale, en particulier, va désormais marquer fortement la spiritualité clunisienne. Odilon est aussi un personnage dont l'envergure politique l'amène à entretenir des relations soutenues avec l'Empire germanique et avec les premiers rois de la dynastie capétienne.

Les maisons clunisienne se multiplient en Auvergne, surtout, et en Bourgogne (Paray-le-Monial en 999, Vézelay vers 1026), mais aussi en Germanie (Murbach vers 1000/1010), en Italie (Farfa en 1001) et en Espagne (San Juan de la Peña vers 1020). Jusque-là, Cluny réformait surtout ; désormais, il essaime. En 1049, Cluny compte soixante-dix maisons. Quatre-vingts moines vivent à Cluny même. Odilon soutient les mouvements de paix ("paix de Dieu") qui interdisent de s'attaquer aux pauvres désarmés (les inermes) ainsi que la "trêve de Dieu" (officialisée lors du concile d'Arles en 1041), qui prohibe l'usage des armes du mercredi soir au lundi matin. Déjà, les clunisiens incitent plutôt les seigneurs et les cadets de familles nobles à partir combattre les Sarrasins en Espagne plutôt que d'accabler les pauvres en Chrétienté. Des bornes et des croix fixent les limites de l'enclos sacré à l'intérieur duquel l'abbé de Cluny est lui-même un vrai seigneur et exerce son ban (droit d'ordonner, contraindre et punir) : c'est le ban sacré. Cluny tâche justement d'amadouer les seigneurs, un milieu particulièrement tumultueux. Ils deviennent, pour certains d'entre eux, les vassaux de l'abbé de Cluny et lui adressent de nombreuses donations. Évidemment, les jalousies s'expriment, les doutes aussi, quant à cet essor impressionnant : Adalbéron, évêque de Laon (v. 950-v.1030), critique la puissance du "roi Odilon" dans son Poème au roi Robert. Pour Adalbéron, la société se divise en trois ordres (tripartition fonctionnelle) : ceux qui prient (oratores), ceux qui combattent (bellatores) et ceux qui travaillent (laboratores). Mais alors que pour cet évêque, ceux qui prient sont d'abord les évêques et leur clergé, pour Odilon, ce sont les moines. Ce sont là deux visions ecclésiologiques concurrentes.

Dans les questions internes à Cluny, Odilon obtient l'extension de l'exemption à tous les clunisiens (1024), au grand dam de beaucoup d'évêques. Et même, seul le pape, désormais, sera en mesure d'excommunier un clunisien. L'épiscopat est donc dépossédé d'un droit qui relève normalement de sa compétence disciplinaire et juridictionnelle. Odilon fixe au 2 novembre la célébration du jour des morts (intégrée dans l'Église catholique universelle à la fin du XIe siècle). Il fait aussi rédiger les deux et peut-être même les trois plus anciens des cinq coutumiers conservés. Les deux premiers, appelés consuetudines antiquiores (vers l'an mil), sont axés sur la liturgie. Le troisième, le Liber tramitis (1027-1030 et après 1033), évoque déjà les autres activités monastiques. On sait ainsi qu'il y avait de nombreux enfants à Cluny. Les parents les avaient donnés parfois très jeunes au monastère pour qu'ils y deviennent moines : on les appelle des oblats. Il y a donc une école monastique ; Odilon la fait d'ailleurs reconstruire ainsi que le cloître et la bibliothèque. Avec Odilon, le bourg de Cluny se développe. Dès 955, Cluny est déjà "monastère, bourg et place forte". À la mort d'Odilon, fait nouveau, l'abbé de Cluny n'a pas désigné son successeur.

Cluny - Ecuries de saint Hugues (fin XIe-début XIIe siècle)
Cluny - Ecuries de saint Hugues (fin XIe-début XIIe siècle)

Hugues de Semur est donc élu librement par la communauté. Né en 1024 au château de Semur (en Brionnais), sans doute dans une tour de bois que le premier étage de la tour maîtresse encore visible soutenait, il est membre d'une puissante famille seigneuriale apparentée aux comtes de Chalon. Son arrière-arrière-grand-père Freelan de Chamilly était un proche du duc Richard le Justicier. Sa soeur Hélie (1016-1070) a épousé le duc de Bourgogne Robert Ier, celui qui assassina en 1048 son père Dalmase de Semur. Son propre frère Geoffroy II de Semur (v. 1025-1090) finit sa vie à Cluny. Son neveu Renaud de Semur devient abbé de Vézelay (un monastère clunisien), puis archevêque de Lyon et rédige une biographie en prose et une autre en vers de son oncle Hugues de Cluny. Pierre le Vénérable, lui-même abbé de Cluny (1122-1156), et son frère Ponce de Montboissier, abbé de Vézelay (1138-1161), sont également apparentés à Hugues. Hugues de Semur entretient des relations avec l'empereur : il est d'ailleurs le parrain d'Henri IV, qui a été humilié à Canossa en 1077 par le pape Grégoire VII. Il a aussi l'oreille des papes réformateurs comme Léon IX (1049-1054), Grégoire VII (1073-1085), Urbain II (1088-1099), un ancien moine clunisien, et Pascal II (1009-1118). Hugues fonde le premier couvent clunisien pour moniales, à Marcigny (1054). Sous son abbatiat, Cluny s'implante dans le Bassin parisien (Saint-Martin-des-Champs en 1077) et, fait nouveau, en Angleterre (Lewes en 1077). Hugues y rencontre d'ailleurs l'un des meilleurs théologiens du temps, Anselme de Canterbury (1033-1109), en 1097 et en 1100. Cluny progresse aussi dans la Péninsule ibérique : le roi de Castille Alphonse VI est un donateur précieux qui finance en partie la construction de l'abbatiale Cluny III. Hugues de Cluny travaille aussi au remplacement de la liturgie mozarabe par la liturgie romaine en Espagne chrétienne.

Vers 1100, on peut pratiquement parler d' "empire monastique" avec plus de 1100 maisons clunisiennes. Le chiffre n'augmentera d'ailleurs guère. En 1095, Urbain II définit plus précisément le ban sacré de Cluny, à l'intérieur duquel l'autorité de l'abbé est seule à s'exercer. Se mettent alors complètement en place les "cercles de la domination clunisienne" bien analysés par Didier Méhu (voir son article paru dans les Annales de Bourgogne en 2000). Depuis Robert le Pieux, vers l'an mil, une zone sans château avait été fixée dans un périmètre d'une trentaine à une quarantaine de kilomètres autour de Cluny, délimité par Chalon, Mont-Saint-Vincent, Charolles, Ajoux, Beaujeu, Mâcon et Tournus. En 1095, le ban sacré est défini dans une zone de quelques kilomètres autour de Cluny. Enfin, en 1107, le pape Pascal II désigne les routes qui, à l'intérieur du premier cercle (sans château), seront dépourvues de péages, au bénéfice de Cluny. C'est sous l'abbatiat d'Hugues qu'ont été rédigés de nouveaux coutumiers, par les moines Ulrich de Zell (v. 1070) et Bernard de Cluny (v. 1080). Grâce à ces documents, on connaît mieux les détails de la vie quotidienne au monastère de Cluny au XIIe siècle. Hugues fait aussi rédiger le catalogue de la bibliothèque de Cluny (vers 1090) : celui-ci compte 570 volumes, donc un fonds important pour l'époque. Il est bien dommage qu'un tel trésor n'ait pas été sauvegardé. Vers 1100 a été copié puis enluminé à Cluny un magnifique lectionnaire (livre contenant les textes bibliques et des sermons patristiques lus pendant la liturgie de l'office), aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France sous la cote nouv. acq. lat. 2246. Il n'est pas impossible qu'une scène de Pentecôte (f. 79v) et qu'une représentation du Christ triomphant, sur un feuillet détaché conservé à Paris au Musée national du Moyen Âge (installé dans l'ancien hôtel des abbés de Cluny construit à la fin du XVe siècle) et qui provient de ce lectionnaire, aient inspiré le sculpteur génial du grand Christ du portail de la nef de Vézelay vingt ou trente ans plus tard. Hugues fait construire le prieuré de Berzé-la-Ville, où il se retire de plus en plus durant sa vieillesse, et décorer sa chapelle. Surtout, il entame l'édification de ce qui fut la plus vaste église de la chrétienté jusqu'à la construction de Saint-Pierre de Rome au XVIe siècle, à savoir l'immense abbatiale Cluny III ou Maior Ecclesia.

Hugues meurt à 85 ans, en avril 1109, avant d'avoir pu voir la fin de cet énorme chantier, achevé seulement au début du XIIIe siècle. La dépouille du grand abbé fut accueillie dans un magnifique tombeau de 2,20 mètres de hauteur sur 2,30 mètres de longueur, dont on a retrouvé des fragments et qui fut sculpté vers 1125-1130. Ce tombeau était placé derrière l'autel matutinal, à proximité des colonnes du sanctuaire, au fond de l'abside. Hugues fut canonisé par le pape Calixte II dès 1120. L'abbé Hugues ne s'en est peut-être jamais douté, mais le temps de Cluny commençait à passer, au moment même où l'on construisait le symbole de la puissance clunisienne parvenue à son sommet : la Maior Ecclesia. En effet, dans une société en profonde évolution, le monachisme était lui-même en train de se diversifier. Bientôt, sans se détourner de ce réseau monastique, la papauté élargirait ses appuis et distribuerait aussi ses faveurs à d'autres. La grande époque de Cluny est le XIe siècle. Cluny devra partager le siècle suivant avec d'autres formes de communautés. Il est vrai que la papauté entendait aussi réaffirmer l'autorité de l'institution épiscopale et en rappeler le principe aux moines. Cluny allait en outre bientôt expérimenter une succession de crises, non sans avoir toutefois connu encore un abbatiat remarquable : celui de Pierre le Vénérable.

Les premiers soubresauts interviennent entre-temps avec l'abbatiat de Pons de Melgueil (1109-1122). Peu de contemporains ont parlé de lui de manière positive, mais lorsque c'est le cas, c'est à chaque fois pour souligner les qualités du lettré, de l'administrateur et de l'homme de charité. Il poursuit la construction de Cluny III. Il accueille le pape Gélase II, qui vient mourir à Cluny en 1109. Mais les conflits avec l'évêque de Mâcon sont relancés pour des questions de revenus temporels des églises. En 1122, des tensions éclatent au sein du monastère : un groupe de moines reproche à l'abbé sa mauvaise gestion. C'est à Rome que Pons va présenter sa défense. Le pape lui donne tort et le contraint à abdiquer. Pons est remplacé par Hugues II, très âgé, qui meurt peu après, puis par Pierre de Montboissier, un jeune moine d'environ trente ans. Pons part en pèlerinage en Terre Sainte, mais à son retour en 1125, il tente avec violence de reprendre sa charge abbatiale. Certains moines l'accueillent bien, d'autres non. Le parti de Pierre l'emporte. Pons est excommunié et finalement emprisonné à Rome, où il décède en 1126.

Au fond, Cluny n'a rien perdu au change, car sous de nombreux aspects, Pierre de Montboissier, dit le Vénérable (v. 1092/4-1156), fut un homme exceptionnel. D'origine auvergnate, il a été sous-prieur à Vézelay (1115-1120), ensuite prieur de Domène (1120-1122). C'est un fin lettré, un homme intelligent et mesuré qui tient compte des critiques que le tout nouvel ordre de Cîteaux adresse à Cluny au sujet de ses richesses et de son luxe ostentatoire. Ces critiques sont notamment exprimées par Bernard, abbé cistercien de Clairvaux, dans l'Apologie à Guillaume (de Saint-Thierry) vers 1124-1125. Pierre est l'homme de la doctrine. Il rédige un traité contre l'hérésiarque Pierre de Bruys (v. 1141) et critique les Juifs, à l'instar de nombreux contemporains (l'Église en général, pas seulement les clunisiens, "ordonne et exclut", pour paraphraser librement le titre d'un ouvrage de Dominique Iogna-Prat sur Cluny), mais il est aussi celui qui accueille charitablement Pierre Abélard (1079-1142), un dialecticien condamné par le concile de Sens, au prieuré de Saint-Marcel (1140). Il compose aussi vers 1150 le Liber miraculorum (Livre des Miracles) pour édifier les moines. L'auteur y raconte quarante miracles qui incitent à mettre sa confiance en Dieu. En outre, Pierre le Vénérable inscrit au calendrier clunisien la fête de la Transfiguration en 1132 ; celle-ci fut ensuite reprise dans toute l'Église catholique d'Occident (1457). Les clunisiens ont décidément innové en matière de théologie de la commémoration. Ce n'est en effet pas un hasard si l'un des tympans romans de La Charité-sur-Loire traite ce thème de la Transfiguration. Pierre le Vénérable commande même à des lettrés en Espagne une traduction de parties significatives du Coran (1142). C'est la première traduction latine de ce texte.

Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Musée du Farinier : le cellier (XIIIe siècle)
Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Musée du Farinier : le cellier (XIIIe siècle)

Du point de vue institutionnel, à présent, Pierre réunit une sorte de chapitre général des maisons clunisiennes pour réformer l'ordre : davantage d'austérité, de modestie vestimentaire et de silence, une liturgie plus sobre, moins d'enfants et de vieillards accueillis sont requis (1132). Il réorganise la gestion du temporel de l'abbaye, notamment celle des prieurés-doyennés (ou obédiences) qui ravitaillent le monastère. Cela donne lieu à une "mise en ordre du patrimoine" (dispositio rei familiaris) en 1147-1148. Ce document cite dix-sept obédiences. Berzé-la-VilleMalay, Mazille et Bézornay en font partie. Pierre de Montboissier bénéficie en cela des conseils d'Henri, évêque de Winchester, qui s'est retiré à Cluny. Au milieu du XIIe siècle, sous l'abbatiat de Pierre le Vénérable, le monastère nourrit cinquante pauvres chaque jour. En même temps, l'abbé termine vers 1130 l'édification de la nef de Cluny III et commence dans la foulée la construction du narthex ou "galilée", puis de l'atrium, qui ne sera terminé que vers 1220. L'expansion de Cluny, ralentie, se poursuit sous son abbatiat, tandis que certaines maisons veulent au contraire recouvrer leur indépendance : Vézelay notamment, qui y parvient en 1162, en un temps où Cluny, qui a fait de mauvais choix, est affaibli. Sous Pierre le Vénérable, les tensions avec les évêques et avec les cisterciens s'apaisent. Pierre, homme de dialogue, y aura beaucoup contribué. C'est probablement sous son abbatiat que fut déposé l'exceptionnel trésor monétaire mis au jour en 2017 à Cluny et qui témoigne d'un développement économique important.

Après l'abbatiat de Pierre le Vénérable, qui meurt le 25 décembre 1156, Cluny connaît une crise sous le pape Alexandre III (1159-1181), car l'abbé de l'époque avait pris position pour l'antipape Victor, que soutenait aussi l'empereur Frédéric Barberousse, alors que le roi de France et une bonne partie de la noblesse du sud de la Bourgogne avaient choisi Alexandre. Vézelay en profita pour arracher à Cluny son indépendance. La deuxième partie du XIIe siècle voit le développement de nouveaux ordres, dont les cisterciens. Au XIIIe siècle la papauté s'appuie surtout sur les ordres mendiants (franciscains, dominicains...). Cluny n'est plus la figure de proue du monachisme et le fer de lance de la réforme de l'Église, mais l'ordre prospère encore, puis souffre comme beaucoup d'ordres religieux à partir du XIVe siècle du système de la commende (le pape nomme les abbés), tandis que l'élection abbatiale est de plus en plus contrôlée puis dirigée par le roi. L'ordre survit malgré tout. Les abbés des XIIIe-XVe siècles ne manquent généralement pas de qualités, mais ils sont confrontés à d'importants problèmes financiers. Le concordat de Bologne (1516) avalise le rôle du roi dans les nominations abbatiales. Les maisons ferment en Angleterre avec la réforme d'Henry VIII (1534). Le temps est à la fermeture de nombreuses petites maisons. Cluny est ravagé lors des guerres de Religions (1563). Les abbayes étrangères prennent leur indépendance. C'en est fini de l'ordre de Cluny dans sa dimension au minimum européenne.

Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Façade dite "du pape Gélase" (bâtie entre 1295 et 1308)
Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Façade dite "du pape Gélase" (bâtie entre 1295 et 1308)

Les XVIIe et XVIIIe siècles verront se succéder des tentatives de réforme. Mais le monde bénédictin est divisé entre plusieurs congrégations (Cluny, Saint-Maur, Saint-Vanne). Entre 1740 et 1760 les bâtiments conventuels et le cloître sont reconstruits en lieu et place de la plupart des bâtiments romans et gothiques, dont ne subsistent guère que les écuries de saint Hugues (1095-1107), le Farinier (2e moitié du XIIIe siècle), quelques éléments de l'enceinte, dont les bases de la tour dites "des Fèves", puis "des Fromages", et l'hôtellerie ou palais dit "du pape Gélase" (v. 1300). Puis la Révolution mit fin à une vie conventuelle qui s'était épanouie depuis près de neuf-cents ans à Cluny (1791) : il y avait encore 35 moines. L'immense abbatiale devient entre 1798 et 1823 une carrière de pierres vendue par lots à des marchands de biens. L'équivalent de 8% de Cluny III échappe au désastre. C'est trop peu, mais encore grandiose. Les nouveaux bâtiments classiques sont occupés dès 1866 par l'École normale supérieure, puis par l'École des Arts et Métiers en 1901.

Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Chapelle Jean de Bourbon (1456-1485)
Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Chapelle Jean de Bourbon (1456-1485)

Une "seconde Rome" au coeur de la Bourgogne : la Maior Ecclesia

Il faut se rappeler que le monastère était dédié aux saint apôtres Pierre et Paul et que, d'autre part, dès 981, des reliques de ces apôtres seraient parvenues à Cluny, sous l'abbatiat de Mayeul. Se rendre en pèlerinage sur ce site pouvait donc apparaître comme un substitut au grand pèlerinage à Rome. C'est un premier point. Ensuite, étant donné l'importance de l'Ecclesia cluniacensis sous Hugues de Semur, seul un miracle pouvait justifier le projet et, finalement, le résultat architectural tout aussi miraculeux que constitua aux yeux des contemporains l'abbatiale Cluny III. C'est donc d'un rêve que serait né le grand projet, le rêve du vieux Gunzo, ancien abbé de Baume retiré comme moine. Gilon, biographe de saint Hugues de Cluny, raconte ainsi vers 1120 que l'apôtre Pierre serait apparu à Gunzo pour lui demander l'érection d'une nouvelle abbatiale aux mesures, évidemment, de celle qui fut construite dans la foulée. Le contenu du rêve fut bien-sûr communiqué à l'abbé Hugues, qui s'exécuta. Quoi qu'il faille penser de cet épisode, l'abbé Hugues fit appel à un moine architecte principal, Hézelon de Liège, qui mit en oeuvre ce chantier gigantesque dès 1088.

Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Vestiges du narthex (1135-v. 1220)
Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Vestiges du narthex (1135-v. 1220)

Celui-ci devait aller bon train, puisque le chevet, les petit et grand transepts et la nef étaient terminés vers 1130, le chantier ayant seulement été retardé par l'effondrement des voûtes de la nef en 1125. On construisit ensuite une avant-nef, vers 1135-1155, et un atrium, le tout achevé au début du XIIIe siècle seulement. C'était un édifice de 187 mètres hors oeuvre, des tours des Barabants (tours du narthex) jusqu'à l'extrémité est, 172 mètres dans oeuvre, 90 mètres de largeur au niveau du grand transept, avec une nef de cinq vaisseaux voûtés longue de 75 mètres et large de 38,50 mètres, d'une hauteur sous voûte exceptionnelle : 29,50 mètres. Une telle surface, pour une église, ne serait plus atteinte avant la construction de Saint-Pierre de Rome au XVIe siècle. C'est aussi un édifice extrêmement coûteux qui aura été partiellement financé par les subsides des rois de Castille Ferdinand Ier (1037-1065) et son fils Alphonse VI le Vaillant (1065-1109). Il est d'ailleurs à noter que l'épouse d'Alphonse VI, Constance de Bourgogne, était fille du duc de Bourgogne Robert Ier et d'Hélie de Semur, la propre soeur d'Hugues de Semur. Une telle construction n'aurait évidemment pas été possible sans le secours des souverains et du réseau nobiliaire.

L'architecte-archéologue Kenneth-John Conant, qui a travaillé à Cluny de 1927 à 1970, pensait que l'édifice avait été construit par tranches verticales, mais Francis Salet a ensuite démontré de manière convaincante que ces tranches s'étaient développées horizontalement, depuis le transept jusqu'au chevet, avant la construction de la nef, ce qui signifie que le plan d'ensemble, dans ses dimensions principales, avait été imaginé dès la fin des années 1080. En empruntant un répertoire à l'Antiquité (pilastre cannelé, arcatures aveugle, chapiteaux corinthiens, bandes décoratives horizontales soulignant la caractère processionnel...), le principe d'une nef à cinq vaisseau à des basiliques romaines et en utilisant l'arc en berceau brisé, mais aussi la pile cruciforme et la technique du délit (retrait de maçonnerie à chaque étage), l'architecte cherche non seulement à édifier comme une seconde basilique de Rome, mais également à traduire dans cette réalisation une réflexion particulièrement audacieuse sur le rôle des supports. Celle-ci se prolongerait de manière assez logique par l'adoption de l'arc-boutant, puis de l'ogive de façon précoce, dès les années 1130 dans le narthex, selon Arnaud Timbert. Les supports doivent répercuter les poussées pour permettre d'ouvrir des baies et favoriser ainsi au mieux la diffusion de la lumière, une lumière symboliquement de plus en plus intense au fur et à mesure que l'on progressait de l'avant-nef jusqu'au sanctuaire en passant par la nef.

Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Bras sud du grand transept (v. 1100-1120)
Cluny - Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul - Bras sud du grand transept (v. 1100-1120)

Église abbatiale, Cluny III est aussi une église de pèlerinage. L'importance de la liturgie et la circulation des pèlerins, mais aussi la réunion de deux-cents à trois-cents moines à l'époque de Pierre le Vénérable justifiaient de telles proportions, outre les aspects symboliques déjà évoqués. On pénétrait dans la nef par un portail central surmonté d'un tympan représentant le Christ entouré des symboles des évangélistes, du Tétramorphe et sans doute des Vieillards de l'Apocalypse, reposant lui-même sur un linteau montrant la Vierge, les apôtres et des anges, vaste composition théologique hautement doctrinale, tandis que la voûte en cul-de-four de l'abside était ornée d'une immense fresque figurant le Christ en gloire cerné par les évangélistes. Particularité à la fois romaine et clunisienne, les symboles des évangélistes ne sont pas disposés dans la composition comme le voulait une certaine tradition occidentale. Au registre inférieur on trouve à droite le lion (saint Marc), à gauche le taureau (saint Matthieu). Au registre supérieur figurent l'aigle (saint Jean) à droite, l'homme ailé (saint Luc) à gauche. Des enduits, sur les murs, étaient aussi recouverts d'un décor peint largement marqué par l'art byzantin. De cet ensemble roman proprement extraordinaire, ne restent plus en élévation que le bras sud du grand transept, la chapelle gothique du petit transept (fin du XVe siècle), quelques murs et les bases des piles du narthex. Pendant la démolition (1798-1823), il fallut recourir à la mine pour faire exploser le grand portail ! Ainsi disparut un chef d'oeuvre d'architecture savante conçue au service du chant monastique, de la lumière et des reliques des saints apôtres, splendide allégorie de pierres et de couleurs, unique et inégalée. Des ateliers qui s'illustrèrent sur le chantier de Cluny sortirent les artistes qui travaillèrent ensuite au portail ouest de la priorale d'Anzy-le-Duc, aux portails de la nef de Vézelay, à ceux de Perrecy-les-Forges et de Montceaux-l'Étoile, sans doute aussi à Saint-Pierre-le-Moûtier.

On ne peut pas pour autant dire que Cluny ait cherché à imposer des modèles iconographiques ou un répertoire architectural précis aux maisons de l'ordre, même au temps de sa splendeur. Si dans les prieurés, les solutions adoptées tiennent très souvent compte des traditions locales (on le voit bien à la collégiale Saint-Hilaire de Semur-en-Brionnais où coexistent un parti local et des caractères de l'architectonique et de la plastique clunisiennes), on peut en revanche trouver la meilleure copie de Cluny III, mais en modèle réduit, comme cela a souvent été écrit, à la priorale (aujourd'hui basilique) de Paray-le-Monial. L'église abbatiale Sainte-Madeleine de Vézelay (notamment le narthex) dans une certaine mesure, les nefs de la cathédrale Saint-Lazare d'Autun et de la collégiale Notre-Dame de Beaune, celle de la cathédrale Saint-Vincent de Chalon-sur-Saône également, résultent en partie de l'expérimentation et des résultats obtenus sur le chantier de Cluny III.

Voici une vidéo qui propose une reconstitution brièvement commentée de la Maior Ecclesia en 3D :

Pour prolonger les lectures sur la Maior Ecclesia :

-Ce site propose des plans de Cluny III et des reconstitutions de Cluny III en 3D : http://strabic.fr/Cluny-III-en-3D
-On peut compléter avec cette page du site romanes.com

Les chapiteaux du rond-point

Fragments infiniment précieux de la sculpture clunisoise à son plus haut niveau, rescapés du naufrage que réserva le XIXe siècle à ce qui fut la plus vaste église d'Occident au Moyen Âge, les huit chapiteaux du rond-point de l'abbatiale ont été maintes fois étudiés. Leurs relations entre eux ou avec le reste de l'abbatiale du point de vue thématique, l'existence ou non d'un schéma global préconçu, leur datation, leur insertion dans l'histoire régionale de la sculpture romane : rien ne fait consensus. Le seul point, sans doute, sur lequel les spécialistes s'accordent, c'est leur réalisation à peu près concomitante, dans un cadre cohérent. Certains historiens de l'art ont pensé que ces chefs-d'oeuvres ne pouvaient que s'inscrire dans la continuité d'autres expériences régionales (Anzy-le-Duc, Charlieu, Vézelay...) pour expliquer la maîtrise qu'ils démontrent. D'autres tiennent le raisonnement inverse, et c'est plutôt la position dominante. De toute manière, que ces chapiteaux aient été sculptés à la fin du XIe siècle, vers 1105 ou 1120, leur auteur ou l'atelier qui les a produits n'en fut pas moins tributaire d'une formation reçue au XIe siècle. À quelque époque que ce soit, le génie ne peut s'exprimer sans accuser la différence avec d'autres réalisations plus ou moins contemporaines et cela, sans qu'il résulte d'une évolution qui prendrait appui sur l'état insatisfaisant de réalisations antérieures. Certes on ne saurait nier qu'il y ait évolution de la maîtrise de la sculpture, mais certaines mains ont manifestement fait assez tôt la différence et n'ont pas toujours trouvé de postérité immédiate. D'où le maître principal tirait-il son inspiration et son savoir-faire ? De l'enluminure ? De l'art du stuc ? De l'orfèvrerie qui s'épanouissait alors avec beaucoup de bonheur en terre d'Empire ? Toutes ces hypothèses, soigneusement passées en revue par Sébastien Biay dans une thèse récente, sont vraisemblables. En tout cas, on ne se trompera guère en plaçant autour de 1100, à quelques années près, l'exécution de ces huit chapiteaux exposés dans le Musée du Farinier et très inspirés des chapiteaux corinthiens classiques. Un seul d'entre eux porte un décor strictement végétal. Les autres illustrent des quaternités comme les saisons, les vents, les huit tons du plain-chant répartis en deux chapiteaux, les fleuves du paradis, les vertus cardinales et les Arts libéraux. Certains portent des tituli (inscriptions) en hexamètres. Placés là où ils se trouvaient, à quelque dix mètres du sol et coiffant les fines colonnes de marbre du sanctuaire, à l'endroit le plus saint de l'église, ils venaient en quelque sorte magnifier cet espace au terme d'un rythme professionnel qui débutait aux portes de la nef. Symboliquement, leurs thèmes permettent d'associer décor, communauté priante et cosmos. La musique des mots et du monde vient clore l'espace éminemment sacré du sanctuaire où est célébré l'eucharistie. Il faut noter que de nombreux autres fragments de sculpture sont également exposé au Musée Ochier de Cluny.

Cluny - Détail d'un chapiteau du rond-point (v. 1110) : les tons de la musique
Cluny - Détail d'un chapiteau du rond-point (v. 1110) : les tons de la musique

Bibliographie sur les chapiteaux du rond-point :

-Sébastien Biay, Les chapiteaux du rond-point de la troisième église abbatiale de Cluny (fin XIe-début XIIe siècle). Étude iconographique. Thèse soutenue à l'Université de Poitiers en 2011. Texte en ligne.

 

Le Bourg

Cluny - Ancien hôpital Saint-Marcel et Saint-Blaise (XIVe-XVe siècle)
Cluny - Ancien hôpital Saint-Marcel et Saint-Blaise (XIVe-XVe siècle)

Une abbaye et un bourg fortifiés

Dès 955, le monastère est jouxté par un bourg, encore très modeste certes, dont il a manifestement suscité la naissance, puis l'essor, sous la forme de plusieurs petits pôles qui ont fini par constituer un ensemble continu. Le succès de l'Ecclesia cluniacensis et la tenue régulière de marchés contribuent au développement de la ville dans des proportions importantes dès le XIe siècle. Vers 1180 d'importants travaux permettent de doter la ville d'une enceinte (voir le plan interactif de la ville sur le site de l'Office de tourisme de Cluny). Si la Tour du Moulin, la Tour des Fèves (ensuite appelée Tour des Fromages), la Tour ronde (début du XIIIe siècle) et la Tour Fabry (XIVe siècle) font partie du dispositif de défense de l'abbaye, d'autres tours d'une enceinte urbaine plus vaste sont encore visibles : la Porte Saint-Mayeul (XIIIe-XIVe siècle) et la Porte Saint-Odile (pour Saint-Odilon, XIVe-XVe siècle). Dès 1147 les moines ont en effet dû faire appel à une milice constituée de bourgeois pour se prémunir contre les violences de quelques seigneurs de la région, notamment le comte de Chalon et les sires de Berzé ou de Brancion.

Cluny - Abbaye : Tour des Fromages (XIe et XIIIe siècles)
Cluny - Abbaye : Tour des Fromages (XIe et XIIIe siècles)

Les églises paroissiales et les chapelles du bourg

En dehors de l'abbaye, il y avait quatre églises dès XIe siècle : Saint-Mayeul, Sainte-Marie, Saint-Odilon et Saint-Odon (devenu Saint-Marcel en 1159). Il subsiste aujourd'hui certaines parties du XIe siècle en élévation des églises Saint-Mayeul et Saint-Odilon, mais prises dans des demeures privées. L'église Saint-Marcel (seconde moitié du XIIe siècle) conserve notamment de très belles stalles de la fin du XVe siècle). Toutes ces églises, sauf Saint-Odilon, sont paroissiales dès le XIIe siècle. L'église Notre-Dame fut quant à elle reconstruite en style gothique (la chronologie n'est guère fixée, les spécialistes hésitant entre première moitié et seconde moitié du XIIIe siècle) ; elle n'en conserve pas moins un équilibre encore roman et a perdu son porche gothique à la Révolution. C'est sans doute la toute première église paroissiale de Cluny, dans son état roman antérieur. Son  portail occidental est très mutilé. Elle est bâtie sur un plan très simple : une nef de trois vaisseaux (assez sombres pour les collatéraux, baigné de lumière en ce qui concerne le vaisseau central), un transept non saillant doté d'une croisée que surmonte une tour-lanterne et un choeur à pans coupés dont les murs sont percés de hautes verrières. Les grandes arcades de la nef sont surmontées d'une galerie courant devant les baies à l'étage supérieur. L'ornementation sculptée se déploie de manière très fine dans cette belle église gothique : corbeilles à feuillages, bandeaux décoratifs, nombreux masques, dont le fameux Pidou Berlu qui réunit trois visages sous une seule couronne près de la pile sud-ouest de la croisée, à l'étage) et visages humains très expressifs...Dans le collatéral sud a été gravé l'étalon de la tuile mâconnaise, trace matérielle de l'activité artisanale du bourg et de la règlementation des métiers dans cette dernière partie du Moyen Âge. Il existait ainsi un quartier des tanneurs, un peu excentré à cause des odeurs associées à cette activité.

Cluny - Eglise Notre-dame (XIIIe siècle)
Cluny - Eglise Notre-dame (XIIIe siècle)
Cluny - Eglise Notre-Dame (XIIIe siècle) - étalon de la tuile mâconnaise, bas-côté sud
Cluny - Eglise Notre-Dame (XIIIe siècle) - étalon de la tuile mâconnaise, bas-côté sud
Cluny - Eglise Notre-Dame (XIIIe siècle) - Cuve baptismale gothique
Cluny - Eglise Notre-Dame (XIIIe siècle) - Cuve baptismale gothique

Le bâti civil à Cluny : un patrimoine considérable (XIe-XVe siècle)

Le bourg de Cluny se développe en effet d'un point de vue économique. Dépendants de l'abbaye, les bourgeois sont parfois tentés d'exprimer leurs revendications. En 1451 certains d'entre eux veulent des institutions communales. Ils acquièrent une maison dans Cluny pour y tenir leurs réunions. Les moines leur font un procès, qu'ils perdent. Les Clunisois n'obtiennent un hôtel de ville que dans le courant du XVIIe siècle. Cluny conserve de très nombreux témoins de maisons civiles en pierres, parmi les plus anciennes de France. Plus de 120 maisons des XIIe-XIVe siècles sont en effet conservées en élévation, ce qui fait de Cluny l'une des villes françaises dotées du patrimoine le plus riche en matière d'architecture médiévale civile. En particulier, ce sont quelque quarante maisons romanes qui ont été conservées. Plusieurs d'entre elles sont dotée d'une claire-voie (baies juxtaposées donnant sur la rue) à l'étage. La Place Notre-Dame est cernée de maisons appartenant aux époques romane et gothique. Rue d'Avril, rue du Merle, rue de la Barre, rue de la République et Petite rue Lamartine, d'intéressantes maisons romanes ont été étudiées par Pierre Garrigou Grandchamp et Jean-Denis Salvèque. On notera entre autres l'hôtel des Monnaies, rue d'Avril, qui rappelle (mais sans rapport avec la maison elle-même) que l'abbaye de Cluny a battu monnaie au Moyen Âge central. D'abord, les maisons sont construites en retrait par rapport à la rue ; c'est le cas de la maison situé 9 rue du Merle, datée de 1091 par la dendrochronologie. Puis elles se situent ensuite en front de rue dès la première moitié du XIIe siècle, témoignage du développement de l'activité économique et artisanale associée à l'ouvroir, la pièce du rez-de-chaussée donnant sur la voie publique. Un escalier intérieur en pierre (extérieur dans un premier temps) dessert le premier étage les étages. Ce sont des maisons-blocs, puis parfois des maisons dotées d'une cour centrale plutôt sobre à l'époque gothique (XIIIe siècle). Pas de cave à Cluny. La nappe phréatique est trop proche.

Cluny - Hôtel des Monnaies, rue d'Avril (v. 1200)
Cluny - Hôtel des Monnaies, rue d'Avril (v. 1200)
Cluny - Maison romane : claire-voie (XIIe s.) et baie géminée (fin XIIIe siècle)
Cluny - Maison romane : claire-voie (XIIe s.) et baie géminée (fin XIIIe siècle)

Un confort bourgeois précoce

Des analyses dendrochronologies (réalisées à partir des cernes du bois) ont été effectuées sur une maison sise 20 rue du Merle. Elles ont révélé une structure de l'extrême fin du XIe siècle, ce qui la rend contemporaine de saint Hugues de Semur ! Il faut en tout cas réviser les datations proposées par Anke Halbach (Wohnbauten des 12. bis 14. Jahrhunderts in Burgund, Cologne, 1984) en ce qui concerne les maisons de Cluny à partir du style des baies. Pour Anke Halbach en effet, les maisons romanes de Cluny ne sont pas antérieures à 1159. La preuve du contraire a été apportée. Peu de cheminées, très peu de latrines, mais celles-ci sont tout de même attestées. Les coussièges (bancs de pierres aménagés près des fenêtres) et des espaces prévus pour les placards font leur apparition à la fin du XIIe siècle. La recherche de confort est donc bien présente chez ces bourgeois clunisois dès le XIe siècle. Pourquoi chercher ailleurs que dans les ateliers des bâtisseurs de l'abbaye les artisans et artistes qui sculptèrent les chapiteaux et les linteaux de ces maisons bourgeoises ? La comparaison des styles y invite.

Cluny - Maison romane (XIIe siècle)
Cluny - Maison romane (XIIe siècle)
Cluny - Maison romane : baie géminée (XIIe s.)
Cluny - Maison romane : baie géminée (XIIe s.)

Bibliographie chronologique générale et sélective sur l'ordre monastique, l'abbaye et le bourg de Cluny

-Francis Salet, "Hézelon de Liège, architecte de Cluny III", dans Mélanges offerts à René Crozet, I, Poitiers, 1966, p. 345-358. Compte rendu dans Bulletin Monumental, 125/1, 1967, p. 81-82. Voir le compte rendu en ligne.
-Marcel Pacaut, L'Ordre de Cluny  : 909-1789, Paris, 1986.
-Jean-Pierre Torrell, Pierre le Vénérable et sa vision du monde : sa vie, son œuvre, l'homme et le démon, Louvain, 1986.
-Dominique Iogna-Prat, 'Agni immaculati'. Recherches sur les sources hagiographiques relatives à Saint Maieul de Cluny (954-994), Paris, 1988.
-Le gouvernement d'Hugues de Semur à Cluny. Actes du colloque scientifique international, Cluny, septembre 1988, Cluny, 1990.
-D. Iogna-Prat. (dir.), Saint Maïeul, Cluny et la Provence : expansion d'une abbaye à l'aube du Moyen Âge, Mane, 1994.
-Id., Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l'hérésie, au judaïsme et à l'islam, 1000-1150, Paris, 1998.
-Id., Études clunisiennes, Paris, 2002.
-Jean-Denis Salvèque, Pierre Garrigou Grandchamp, L’architecture des XIIe, XIIIe et XIVe siècles à Cluny et Tournus, dans Saint-Philibert de Tournus : histoire, archéologie, art. Actes du Colloque International d’Études romanes. Tournus, 15-19 juin 1994, Tournus, 1995, p. 347-375.
-Dominique Iogna-Prat, Michel Lauwers, Florian Mazel et Isabelle Rosé (dir.), Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, Rennes, 2013.
-Armin Kohnle, Abt Hugo von Cluny (1049-1109), Sigmaringen, 1993. L'ouvrage fait notamment le point sur la généalogie des Semur.
-Francis Salet, Cluny et Vézelay. L'oeuvre des sculpteurs, Paris, 1995.
-Pierre Garrigou Grandchamp et alii, La ville de Cluny et ses maisons, Paris, 1997.
-Jean-Denis Salvèque, Pierre Garrigou Grandchamp, "Cluny, un bourg monastique exceptionnel", Archéologia, 341 (Jan. 1998), p. 54-65.
-Pierre Garrigou Grandchamp, Jean-Denis Salvèque, Les décors peints dans les maisons de Cluny, XIIe-XIVe siècles, dans Bulletin du Centre des Études Clunisiennes réalisé à l’occasion de l’exposition "Décors peints dans les maisons de Cluny, XIIe-XIVe siècles" tenue à Cluny du 16 au 28 septembre 1999, Autun, 1999.
-Jean-Denis Salvèque, Pierre Garrigou Grandchamp, "Un plafond peint du XIIIe siècle", Archéologia, 376 (Mars 2001), p. 40-47.
-Didier Méhu, "Les cercles de la domination clunisienne", Annales de Bourgogne, tome 72 (2000), p. 337-396. Article en ligne.
-Id., Paix et communauté autour de l'abbaye de Cluny, Xe-XVe siècle, Lyon, 2001.
-Denyse Rich, L'Ordre de Cluny à la fin du Moyen âge : le vieux pays clunisien : XIIe-XVe siècles, Saint-Étienne, 2000.
-Jean Vigier, Stéphane André (éds.), Odilon de Mercoeur, l'Auvergne et Cluny. La paix de Dieu et l'Europe de l'an mil. Actes du colloque de Lavoûte-Chilhac des 10, 11 et 12 mai 2000, Nonette, 2002.
-Anne Baud, Cluny, un grand chantier médiéval au coeur de l'Europe, Paris, 2003.
-Anne Baud et Christian Sapin, L'abbaye de Cluny, Paris, 2016.
-Arnaud Timbert, "L'abbatiale de Cluny III et l'architecture gothique. Hypothèses sur l'accident de 1126", Annales de Bourgogne, t. 78, 2006, p. 255-277.
-Isabelle Rosé, Construire une société seigneuriale. Itinéraire et ecclésiologie de l'abbé Odon de Cluny (fin du IXe-milieu du Xe siècle), Turnhout, 2008.
-Hugues de Semur, 1024-1109 : lumières clunisiennes. Exposition : Paray-le-Monial, basilique, cloître, musée du Hiéron, 11 juillet-11 octobre 2009, Cluny, 2009.
-Cluny : archéologie d'une Abbaye, Archéologie en Bourgogne, 19, DRAC Bourgogne, 2010.
-"Cluny et son influence en Europe", Dossiers de l'archéologie, hors-série 19 (Août 2010).
-Daniel-Odon Hurel, Cluny : de l'abbaye à l'ordre clunisien, Xe-XVIIIe siècle, Paris, 2010.
-Cluny. Onze siècles de rayonnement (dir. Neil Stratford), Paris, 2010. Ce livre est une référence majeure.
-Giles Constable, "L'avenir des études clunisiennes", Études et Travaux, BUCEMA, 15, 2011, p. 169-181. Article en ligne. L'article propose cinq pistes de recherches pour approfondir encore notre connaissance du mouvement clunisien.
-Frederick S. Paxton, The death ritual at Cluny in the central Middle Ages, Turnhout, 2013.
-Frédéric Gross, o.s.b., "Reprise et réinterprétation de la tradition carolingienne dans la charte de fondation de Cluny", Revue Mabillon, n.s., t. 25, 2014, p. 45-78.

Ressources en ligne

-Voir également la page consacrée à Cluny sur bourgogneromane.com.