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Saint-Bris-le-Vineux

L'Église Saint-Prix-et-Saint-Cot de saint-Bris (XIIIe-XVIe s.)

Des récits hagiographiques rapportent qu'au IIIe siècle, deux soldats de l'armée romaine convertis au christianisme, Priscus et Cottus, furent décapités dans le cadre d'une persécution près d'Auxerre. Plus tard, les évêques d'Auxerre Germain (418-448) et Didier (605-621) firent l'inventio (la découverte) de la tête de Priscus, puis de celle de Cottus, respectivement. Ce serait l'origine du lieu de culte à Saint-Bris. Il est vrai que l'on peut encore y voir le sarcophage supposé de saint Cot, déposé dans la chapelle des seigneurs de Mello qui jouxte le collatéral sud de l'église paroissiale. Il s'agit d'un sarcophage de la fin du VIe ou du VIIe siècle. Priscus donna son nom au village ; Prix est devenu Bris, d'où Saint-Bris, à quoi la Révolution ajouta "le Vineux". Saint-Bris fut aussi dès 1180 une fondation templière. Ce temple dont il ne reste rien était situé un peu à l'extérieur du village actuel, mais une maison du Temple occupait aussi l'emplacement de la poste. Les Hospitaliers de la commanderie de Pontaubert administrèrent cette ancienne maison templière après la dissolution de l'ordre du Temple (1312).

Saint-Bris-le-Vineux : église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.)
Saint-Bris-le-Vineux : église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.)

L'église actuelle semble avoir été édifiée à partir du XIIe siècle, à en juger d'après les vestiges de l'ancienne tour romane au sud-est, à proximité de la Chapelle des Seigneurs (XIVe s.) dont la clé de voûte pendante, à l'entrée, est ornée des armoiries des Mello et Coligny à sa base. Rappelons que la famille seigneuriale de Mello, principalement implantée en Picardie, était possessionnée dès le XIIe siècle dans l'Auxerrois. On connaît un Dreux de Mello (1110-1153), seigneur de Saint-Bris, dont le fils (v.1138-1218), également seigneur de Saint-Bris et qui portait le même prénom, fut fait connétable de France par le roi Philippe-Auguste en 1183. Ce lignage a aussi donné un abbé de Vézelay, Guillaume de Mello (1161-1171), qui impulsa vers 1165 la construction du chevet gothique de l'abbatiale, venu remplacer un premier massif roman. Pour revenir au bâtiment lui-même, édifié à partir de 1200 environ, la nef de cinq travées et ses collatéraux simples datent de la première moitié du XIIIe siècle. Le collatéral nord est notamment doté de très belles clés de voûtes. Cependant, l'édifice est composite. Il témoigne en particulier d'une grammaire architecturale appartenant déjà à la Renaissance au niveau du sanctuaire.

Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : chapiteaux de la nef, collatéral sud
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : chapiteaux de la nef, collatéral sud
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : chapiteaux de la nef, collatéral sud
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : chapiteaux de la nef, collatéral sud

L'église est dépourvue de transept et si le déambulatoire a été profondément modifié aux XIVe et XVe siècles (c'est également à cette époque qu'ont été bâties les chapelles latérales), le choeur a quant à lui été construit à la Renaissance, au milieu du XVIe siècle. Dans une chapelle, au nord-est, un remarquable plafond à caissons décoré d'étoiles de David (à six branches) montre, parmi tant d'autres détails, l'ampleur des adjonctions du XVIe siècle. Les verrières du sanctuaire et des chapelles, réalisées par les ateliers de la cathédrale d'Auxerre dans les années 1550, illustrent des thèmes particulièrement variés, extraits de la Bible et de l'histoire des saints : Tentation d'Ève, Sacrifice d'Isaac, Joseph dans la citerne, le Passage de la mer Rouge, Moïse et le Serpent d'Airain, les épisodes de la vie des saints Prix et Cot, les scènes de la vie de la Vierge, traitées en grisaille, tout comme celles de la vie de saint Jean-Baptiste. Signalons aussi les scènes de la vie de Denys l'Aréopagite, de celle de saint Marcoul, de saint Roch, lui-même également objet d'un magnifique triptyque allemand du XIVe siècle installé dans une chapelle donnant sur la collatéral sud, de saint Pierre, saint Paul, saint Christophe, les saints Joseph, François, Philibert, Reine d'Alésia et surtout Hubert n'étant pas oubliés.

Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : triptyque du XIVe siècle (l'Annonciation, saint Roch, un évêque)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : triptyque du XIVe siècle (l'Annonciation, saint Roch, un évêque)

Il convient de ne pas omettre non plus, évidemment, la magnifique chaire du prédicateur (XVe s.) dont les panneaux sont ornés d'un décor végétal et de scènes de la vie populaire de l'époque, pas plus que l'extraordinaire peinture murale du sanctuaire, un Arbre de Jessé peint en 1500, de 8m de hauteur sur 5m de largeur et dont le couple de commanditaires, Edme Escorchot et sa femme Deline, se sont faits représenter à genoux en bas de la scène, à gauche et à droite, respectivement. Au total, ce sont cinquante personnages vêtus comme on pouvait l'être dans la région au XVe siècle qui ont été figurés. Étienne Madranges rappelle que cette tradition iconographique de l'Arbre de Jessé (l'arbre généalogique de Jésus), qui s'appuie sur Isaïe 11, 1 ("Un rejeton sortira  de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines", trad. Bible de Jérusalem), est attestée dès le XIe siècle dans la peinture de manuscrits en Germanie et en Bourgogne même, mais aussi dans le vitrail, à Saint-Denis et à Chartres au XIIe siècle, et qu'elle concerne encore de nombreux supports, comme la peinture murale ici. Le thème a été souvent traité jusqu'au XVIe siècle. Étienne Madranges signale l'existence de 440 oeuvres de ce type dans 27 pays.

Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : détail de la chaire (XVe s.)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : détail de la chaire (XVe s.)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : l'Arbre de Jessé (1500)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : l'Arbre de Jessé (1500)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : clotures à balustres du sanctuaire (milieu du XVIe s.)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : clotures à balustres du sanctuaire (milieu du XVIe s.)

L'extérieur de l'église n'est pas moins intéressant. Le portail ouest, dotés de vantaux du XVe siècle, est en effet décoré d'éléments végétaux ou animaux et de masques très symboliques : le poisson, l'escargot, le cochon, l'agneau, une tête humaine, une main brandissant un lys, le sanglier, une main saisissant une cupule, une chimère ornent les linteaux. Le portail nord, dit "des initiés", date du XVIe siècle et le clocher est une fort belle réalisation gothique du XIIIe siècle.

Enfin, côté nord, la frise du déambulatoire présente de curieux masques dotés de cornes de bélier, représentant divers habitants du monde (tête d'un roi d'Occident, l'Indien des Indes, le musulman, un masque faisant penser à la Chine, un autre à un Amérindien, puis le Soleil et la Lune personnifiés. Dans un triangle, le sculpteur de la Renaissance, imprégné de mythologie gréco-romaine, a voulu représenter la naissance d'Aphrodite.

En fait, cette surprenante église, qui mériterait une étude universitaire complète, recèle encore nombre de curiosités qui ancrent la tradition des bâtisseurs et des sculpteurs dans une culture médiévale que prolonge le rappel de l'Antiquité et l'ouverture sur le monde chers à la Renaissance. Sa visite s'impose, notamment en été où, le 24 juin, lors du solstice, les taches de lumière projetées depuis les hautes baies gothiques viennent tracer un sillon au beau milieu de la nef, comme dans l'abbatiale de Vézelay : c'est bien là une architecture toute de symboles, qui s'approprie le ciel et le monde terrestre dans une étonnante construction léguée à la postérité.

On ne quittera pas Saint-Bris-le-Vineux sans avoir visité le village, qui possède de belles maisons civiles de la fin du Moyen Âge et du XVIe siècle et dont certaines d'entre elles surmontent des caves à vin remontant au XIIe siècle.

Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : pierre tombale (XIIIe s. ?)
Saint-Bris-le-Vineux - église Saint-Prix-et-Saint-Cot (XIIIe-XVIe s.) : pierre tombale (XIIIe s. ?)

Bibliographie

-Abbé Bonneau, "Les verrières de l'église de Saint-Bris", Bulletin de la Société de sSciences historiques et naturelles de l'Yonne, 2e semestre 1898, Auxerre, 1899.

-Robert Branner, Burgundian gothic architecture, Londres, 1985, p. 169.

-Saint-Bris-le-Vineux et son église (brochure illustrée)

-Le patrimoine de Saint-Bris-le-Vineux, brochure réalisée par Michel Pincemin pour l'Association "Les Amis de l'église et de l'orgue".

-Étienne Madranges, L'arbre de Jessé. De la racine à l'esprit, Paris, 2007.