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Vézelay

Vézelay : une merveille d'architecture médiévale religieuse, civile et militaire classée au Patrimoine mondial de l'UNESCO.

Vézelay - Le village
Vézelay - Le village

LES ORIGINES DE VÉZELAY

L'hypothèse selon laquelle la colline de Vézelay aurait été occupée au moins dès l'époque gallo-romaine est probable. Des découvertes archéologiques plaidant en ce sens auraient en effet été effectuées dans le bas de la ville, près de l'entrée principale, rue Saint-Étienne, dans les fondations de l'église romane du même nom, aujourd'hui transformée en magasin. Il se serait agi de vestiges d'un temple de Bacchus, dieu de la vigne, de la fête et du vin, mis au jour par l'abbé Guenot en 1689. De fait, la culture de la vigne est attestée en Bourgogne depuis au moins le IIe siècle et l'on peut admirer dans le musée d'Escolives-Sainte-Camille, près d'Auxerre, sur le site des thermes, des sculptures gallo-romaines représentant la vigne. Celles-ci proviennent d'un édifice local (IVe siècle). En tout cas, l'hypothèse d'une implantation celtique puis romaine sur la colline est possible, mais reste à documenter.

Vézelay - La colline depuis les vignes de Fontette
Vézelay - La colline depuis les vignes de Fontette
Vézelay - Vue depuis le hameau de la Goulotte
Vézelay - Vue depuis le hameau de la Goulotte

L'histoire médiévale proprement dite de Vézelay commence réellement au IXe siècle. L'établissement bénédictin fondé vers 859 par le comte Girart de Roussillon, comte de Paris (Girard II) puis régent du royaume de Provence, et par sa femme Berthe dans leur villa de Saint-Père, sur les bords de la Cure, fut placé sous le patronage des saints apôtres Pierre et Paul. Par la volonté du fondateur, le monastère ne dépendrait que de l'autorité pontificale, à laquelle il paierait chaque année une livre d'argent en échange de sa protection contre toute tentative d'ingérence d'un autre pouvoir. L'élection de l'abbesse serait libre. Le pape Nicolas Ier reconnut en mai 863 ce privilège d'exemption. L'établissement dut cependant être transféré peu après au sommet de la colline proche par crainte des menaces que faisaient peser sur lui les incursions des Vikings (887). D'ailleurs, la communauté, féminine à ses débuts, rassemblait des moines dès avant 878. Leur premier abbé fut Eudes (v. 878-v. 907/11). Ce dernier fit bâtir une enceinte autour des bâtiments conventuels pour les protéger. Il n'en reste rien en élévation. Certains vestiges découverts par les équipes de l'archéologue Christian Sapin (Université de Bourgogne) sous la place de la Basilique (2012), notamment des fondations bâties en opus spicatum, peuvent toutefois faire penser à des aménagements contemporains de l'installation des moines sur la colline, d'après les datations réalisées (887). Les origines de cette seconde implantation sortent donc un peu des ténèbres de l'ignorance, d'autant que lesdites substructions se rapportent à des constructions carolingiennes qui concernent les bâtiments réguliers situés au sud de l'église primitive, qui semble elle-même avoir été dotée d'un chevet plat.

Vézelay - Auxerre, Bibliothèque municipale, f. 22r (miniature, v. 1170) : le comte Girart et sa femme Berthe, fondateurs du monastère de Vézelay (autorisation : Bibliothèque municipale d'Auxerre)
Vézelay - Auxerre, Bibliothèque municipale, f. 22r (miniature, v. 1170) : le comte Girart et sa femme Berthe, fondateurs du monastère de Vézelay (autorisation : Bibliothèque municipale d'Auxerre)

La ferveur monastique semble s'être d'ailleurs rapidement affadie durant cette époque passablement troublée, quand bien même celle-ci était déjà marquée par les prodromes de la réforme clunisienne, qui ne tardèrent pas à toucher Vézelay. Une négligence d'un moine, si l'on en croit Odon, un abbé de Cluny (927-942) qui raconte le fait dans ses Collationes (livre II), serait même à l'origine d'un incendie destructeur lorsque l'abbé Aimon dirigeait l'abbaye (v.907-v.933). La discipline régulière paraît avoir décliné et le monastère a végété jusque vers 1037. Peut-être même avant cette date, cependant, le bruit avait couru, selon lequel l’invocation à Marie-Madeleine en ces lieux obtenait des miracles. L’abbé Geoffroy (1037-1052) ne fit rien pour le contredire et en tira même parti dans le cadre de sa tentative de réforme de l’établissement. Les foules se mirent en marche et l’abbé obtint par une bulle du pape Léon IX (27 avril 1050) le droit d’ajouter Marie-Madeleine au patronage de l’abbaye, qui désignait jusqu'alors la Vierge et les saints Pierre et Paul. Et le pape Étienne IX de proclamer dès 1058 que le corps de Marie-Madeleine "reposait" à Vézelay. Auparavant le monastère n'était dépositaire que des reliques des saints Pontien et Andéol, reçues en 863. Comment l'on passa de l’efficacité de l’invocation magdalénienne à l’invention (découverte) des reliques de la sainte sur la colline, c’est ce que des récits entreprirent bientôt d’expliquer.

Vézelay - Abbatiale Sainte-Marie-Madeleine
Vézelay - Abbatiale Sainte-Marie-Madeleine

Il est vrai que l’époque carolingienne fut celle où la piété magdalénienne prit son essor en Occident. Des homélies et des hymnes furent rédigées en l’honneur de la sainte myrophore entre le IXe et le XIe siècle. Le développement de la tradition vézelienne s’insère donc dans le contexte natif de cette tradition hagiographique et liturgique. Victor Saxer l’a bien montré dans son Dossier vézelien de Marie-Madeleine (Bruxelles, 1975). L’existence de reliques de Marie-Madeleine n’était d’ailleurs pas une invention des moines vézeliens. Au Xe siècle, l’allusion à de telles reliques existait déjà à la cathédrale d’Exeter (Angleterre) et à Halberstadt (Germanie). Puis la dévotion à Marie-Madeleine se mit soudain à enfler. Elle se manifeste à Verdun en 1024, à Reims peu après, enfin à Besançon avant 1050. Des récits de malheureux délivrés de leurs chaînes par la sainte, justement à cette époque, font écho au "climat d’exaltation religieuse" (Victor Saxer, Le dossier vézelien…, p. 191) lié au mouvement de réforme de la Paix de Dieu et de la Trève de Dieu soutenu par Cluny. On voit bien ici comment un culte rendu à des reliques peut s’expliquer par un contexte politique et social donné. Plusieurs sanctuaires dédiés à Marie-Madeleine virent donc le jour. Vézelay ne fut que l’un d’eux, mais il a mieux réussi que les autres, du moins pendant deux siècles. Les moines auront de toute évidence "surfé sur la vague". Les légendes du transfert des reliques de Marie-Madeleine depuis la Terre-Sainte ou depuis le sanctuaire de la Sainte-Baume, en Provence, jusqu'à Vézelay par les soins du comte Girard et par l'intermédiaire du moine Badilon pouvaient en tout cas se mettre en place. Il faut accessoirement rappeler ici que la confusion en Occident entre ces trois personnages évangéliques : Marie de Magdala (ou Marie-Madeleine), Marie de Béthanie, soeur de Lazare, et la Pécheresse repentie (évangile de Luc, VII, 36-50) peut être mise au crédit du pape Grégoire le Grand (590-604) dans les Homélies sur Ezéchiel VIII, 2, 21 et les Homélies sur les évangiles 33, 1. L'Orient chrétien a quant à lui toujours maintenu la distinction entre les trois personnages.

Vézelay - La colline depuis le hameau de Fontette
Vézelay - La colline depuis le hameau de Fontette

L'ABBAYE DE VÉZELAY

L'abbatiale

Le premier choeur (roman)

L'annonce de la présence des reliques de Marie-Madeleine à Vézelay provoque l'arrivée en masse de pèlerins, le développement économique et celui d'un bourg conséquent autour du monastère. Certes, l'établissement avait été doté de domaines dès sa fondation. Il possédait ainsi quatre dépendances au IXe siècle en plus du domaine de Vézelay même, mais celles-ci se multiplient pendant le XIIe siècle, en particulier dans le nord de la France, jusqu'à atteindre une centaine environ en 1198, tandis que le monastère abrite soixante à quatre-vingts moines. L'enrichissement permet d'envisager de nouvelles constructions. Dans ce contexte, l'abbé Artaud (1096-1104/6) entreprend la reconstruction de l'abbatiale dès le début de son abbatiat. L'alourdissement consécutif des impôts provoque une révolte des habitants du bourg et l'abbé est assassiné. Ce choeur roman, on en connaît le plan : deux bras de transept reliés par une tour au centre, qui s'ouvrait sur un sanctuaire terminé par une unique abside à conque. Il en reste encore les piles d'entrée de la croisée du transept, la niche-reliquaire de la crypte où se trouvent aujourd'hui les reliques supposées de Marie-Madeleine, et quelques arrachements au dessus des voûtes de la dernière travée est des collatéraux de la nef). L'ensemble a été consacré par le pape Pascal II en 1104. Le successeur d'Artaud, Renaud de Semur, neveu du grand abbé Hugues de Cluny, à qui l'on doit l'extraordinaire projet de Cluny III (1088), poursuit l'oeuvre. Depuis Hugues de Semur, chaque génération de cette famille seigneuriale fournissait d'ailleurs un contingent à l’Église. Trois sœurs de Renaud de Semur : Aélis, Agnès et Cécile, prennent le voile au prieuré clunisien de Marcigny. À la génération suivante, Ponce de Montboissier, abbé de Vézelay (1138-1161), est le propre frère de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny (1122-1156), Jordan, abbé de la Chaise-Dieu (1146-1157), Armand, abbé de Manglieu (milieu du XIIe siècle) et Héraclius, archevêque de Lyon (1153-1163). On ne saurait mieux illustrer la fréquence des liens étroits entre hiérarchie ecclésiastique ou monastique et noblesse au XIIe siècle.

Vézelay - Nef de l'abbatiale (1120-1140)
Vézelay - Nef de l'abbatiale (1120-1140)
La nef romane (v. 1120-v.1140)

L'abbatiat de Renaud, relativement long (il quitte Vézelay en 1128 pour prendre sa fonction d'archevêque de Lyon avant de mourir l'année suivante), lui permet sans doute de terminer le massif oriental et d'entamer l'édification de la nef encore en élévation, que ce soit un peu avant un grave incendie qui a détruit l'ancienne nef carolingienne (1120) ou un peu après. C'est peut-être d'ailleurs à ce drame que fait référence un médaillon sculpté sur une arcade de la troisième travée de la nef, au sud, et qui montre une femme assise dont la représentation est accompagnée d'une brève inscription (sum modo fumosa sed ero post haec speciosa : "je suis encore fumante, mais serai bientôt triomphante"). Celle-ci offre un écho évident au "nigra sum sed formosa" ("je suis noire, mais belle") prononcé par la Sulamite, amante de Salomon (Cantique des cantiques I, 4). L'inscription peut certes autoriser une interprétation spirituelle, puisqu'elle suggère une métaphore de l'Église, épouse du Christ, mais aussi une interprétation matérielle et rappeler cet accident évoqué par les Annales ("Anno MCXX") copiées dans le même codex (Auxerre, Bibliothèque municipale 227) que le cartulaire de l'abbaye et la Chronique d'Hugues le Poitevin édités en 1976 par R.B.C. Huygens (éditions Brepols, collection Corpus christianorum, continuatio mediaevalis, 42).

Vézelay - médaillon
Vézelay - médaillon

Le fait est qu'au moment du départ de Renaud de Semur, cette partie de l'édifice était loin d'être achevée. Elle le fut probablement sous la vigilance de l'un de ses successeurs, Albéric (1131-1138), voire Ponce de Montboissier, abbé de Vézelay (1138 à 1161) et propre frère de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny (1122-1156). Il faut d'ailleurs rappeler que Pierre le Vénérable lui-même connaissait bien Vézelay pour y avoir exercé la fonction de prieur claustral entre 1115 et 1120. Est-ce à ce dernier ou à quelque penseur de son entourage que l'on doit le programme très érudit qui est traité au tympan central de la nef ? On ne sait. De toute manière, il y avait déjà au XIe siècle une école monastique à Vézelay, donc des maîtres. Renaud de Semur lui-même est un lettré : il rédige deux biographies de son oncle Hugues de Cluny, l'une en prose, l'autre en vers. Quelques décennies plus tard, vers 1150, le moine Julien de Vézelay y prononce des Sermons remarquables, édités par Damien Vorreux (Sources Chrétiennes 192 et 193, Éditions du Cerf), et un autre moine, Hugues le Poitevin, y rédige une chronique, interrompue en 1167. Vézelay est alors un milieu intellectuel certes infiniment moins productif que les fameuses écoles de Chartres ou de Laon, pour peu que l'on sache, mais dont les références savantes étaient globalement les mêmes.

Vézelay - Abbatiale (XIIe-début du XIIIe siècle) : la nef
Vézelay - Abbatiale (XIIe-début du XIIIe siècle) : la nef

D'un point de vue architectural, le parti adopté dans la nef est différent de celui de la nef de la grande abbatiale Cluny III, elle aussi en cours de construction à cette époque (v. 1110-1130). Contrastant avec le gigantisme de l'élévation clunisienne (des voûtes en berceau jetées à 29 mètres), le maître d'oeuvre opte à Vézelay pour un vaisseau (62 mètres de longueur) à deux étages scandé de dix travées couvertes de ce qui ressemble à des voûtes d'arêtes, mais qui auraient plutôt à voir avec ce que l'on appelle un berceau à lunettes, dans lequel on trouve deux berceaux latéraux transversaux (ici assez développés pour alimenter la ressemblance avec la voûte d'arêtes) et non un berceau transversal continu formant une véritable voûte d'arêtes par le croisement entre deux berceaux.

Vézelay - Abbatiale - nef : collatéral nord
Vézelay - Abbatiale - nef : collatéral nord

Cette formule de la voûte d'arêtes jetée sur une nef centrale large de 12 mètres s'inspire de l'exemple de la priorale d'Anzy-le-Duc, antérieure d'une dizaine d'années par rapport à la nef de Vézelay. Il ne faut pas oublier que Renaud fait partie de la famille nobiliaire des Semur et qu'Anzy-le-Duc n'est situé qu'à quelques kilomètres de Semur-en-Brionnais. Ce parti architectural a été repris à Saint-Lazare d'Avallon vers 1140 et dans l'église de la commanderie hospitalière de Pontaubert à partir de 1167. Il concerne aussi un groupe d'églises du Charolais et de l'Autunois, à Toulon-sur-Arroux, Gourdon, Saint-Vincent-Bragny et Issy-l'Évêque. On doit cependant en pareil cas se contenter de hauteurs sous voûtes moins ambitieuses, car il faut contrebuter celles-ci. La voûte a été jetée à 18,50 mètres à Vézelay et l'équilibre a été renforcé par des tirants de fer (comme à Cluny) dont on aperçoit encore les crochets de fixation à la base de certains arcs-doubleaux dans la nef, puis rapidement par des arcs-boutants. On notera la présence d'un bandeau longitudinal qui contourne les piliers au moyen de bagues et qui souligne à la fois la dynamique professionnelle et le double étagement. Les collatéraux sont quant à eux également voûtés d'arêtes.

Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.)
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.)
Vézelay - La nef vue depuis le choeur
Vézelay - La nef vue depuis le choeur
Vézelay - Mur ouest de la nef et chapelle Saint-Michel à l'étage du narthex
Vézelay - Mur ouest de la nef et chapelle Saint-Michel à l'étage du narthex
L'avant-nef (v. 1140-v.1155)

La construction de l'abbatiale se prolonge avec celle d'une avant-nef fermée, comme à Cluny également, édifiée sous l'abbatiat de Ponce de Montboisier entre 1140 et 1150 environ. Il semble qu'il y ait eu un changement de parti au niveau de la conception de cette avant-nef, initialement prévues plus basse et sans doute ouverte sur l'extérieur, comme à Perrecy-les-Forges (Saône-et-Loire). Le maître d'oeuvre s'est ravisé et cette partie de l'édifice a reçu des proportions plus ambitieuses. Fermée, elle maintient une pénombre où l'on devait seulement distinguer le grand Christ du tympan central, lui-aussi rehaussé, du même coup, pour s'insérer dans les nouveaux volumes. L'église romane est alors achevée, même si, déjà, commence à poindre la tentation de jeter des ogives sous les voûtes d'arêtes. Celle que l'on voit à l'étage du narthex, décorative et non point portante, date des années 1145/1151 ou 1170, selon les spécialistes. C'est en tout cas l'une des plus anciennes de Bourgogne (Sens  où l'on commençait alors à construire la cathédrale gothique faisant partie du domaine royal au XIIe siècle), en tout cas depuis la destruction de l'avant-nef de Cluny lors de la transformation de Cluny III en carrière de pierres (1798-1823). Comment comprendre le lien entre Vézelay, bien ancré dans les traditions romanes, et les techniques de construction nouvellement importées d'Île-de-France ?

Vézelay - Le narthex (ou avant-nef)
Vézelay - Le narthex (ou avant-nef)

Albéric, abbé de Vézelay entre 1131 et 1138, avait été prieur de Saint-Martin-des-Champs (Paris) où l'on adopte le parti d'un chevet dont les masses sont encore romanes, mais où l'ogive est présente dès 1135 environ. Seulement, Albéric n'y est déjà plus à cette date. Il quitte ensuite Vézelay dès 1138 pour devenir évêque de Langres. La proximité de Saint-Denis, dont l'abbatiale est construite en gothique dès 1130, et de son abbé Suger, n'y est en revanche peut-être pas étrangère. Ponce de Montboissier, qui adopte l'arc brisé dans le narthex, à l'imitation de Cluny III, peut là aussi s'être inspiré d'un usage attesté à Cluny, puisque l'ogive semble y avoir été introduite dans le narthex dès les années 1140 également, d'autant qu'avant de mourir (1161), c'est très certainement cet abbé qui a initié la construction de la salle capitulaire actuelle, dont les voûtes quadripartites appartiennent au premier gothique. Mais on verra plus loin que l'introduction délibérée des structures gothiques doit bien plus encore à Guillaume de Mello, successeur de Ponce.

Vézelay - Les voûtes du choeur, de la croisée du transept et de la nef depuis le déambulatoire
Vézelay - Les voûtes du choeur, de la croisée du transept et de la nef depuis le déambulatoire

Le massif oriental gothique

Francis Salet (1909-2000) avait jadis émis l'hypothèse d'une construction du choeur et du transept entre 1185 et 1215 (La Madeleine de Vézelay, Melun, 1948). L'auteur s'appuyait certes sur des critères stylistiques, mais en tenant compte également de la puissance politique, des finances équilibrées et de la bonne gestion des abbés Guillaume de Mello (1161-1171) et Girart d'Arcy (1171-1198) et, a contrario, de la mauvaise gestion de l'abbé Hugues (1198-1207). Ce dernier en aurait retardé l'achèvement, assuré par son successeur Gauthier (1208-1216). Toutefois, Arnaud Timbert a récemment livré des arguments décisifs en faveur d'une datation plus haute (A. Timbert, Vézelay. Le chevet de la Madeleine et le premier gothique bourguignon, Rennes, 2009). Une ostension de reliques en 1164 pourrait, selon l'auteur, avoir été motivée par un besoin de subsides en vue de rebâtir le massif oriental de l'abbatiale. En 1165, un incendie détruit une partie de la crypte aménagée par l'abbé Artaud vers 1100. Celle-ci est remise en chantier, des éléments romans et gothiques s'y mêlant désormais, sous un choeur dont l'édification débuta sous l'abbatiat de Guillaume de Mello, avant 1170.

Vézelay - Le sanctuaire
Vézelay - Le sanctuaire

Guillaume de Mello, originaire du Beauvaisis, où sa famille était proche du roi, avait reçu sa formation à Vézelay et à Cluny, puis assumé la charge d'abbé de Saint-Martin de Pontoise, où c'est probablement lui qui entreprit la reconstruction du chevet gothique de l'abbatiale. Ses liens personnels étroits avec Pontoise, mais aussi avec l'abbaye Saint-Germain-des-Prés, plus précisément avec ses abbés Thibaut de Montceaux (1155-1162) et Hugues de Montceaux (1162-1182), tous deux anciens moines de Vézelay, offrent un contexte qui permet de comprendre la proximité entre le plan du chevet de la Madeleine de Vézelay et celui des chevets de Saint-Martin de Pontoise et de Saint-Germain-des-Prés. L'inspiration de ce chevet est en tout cas nettement francilienne, picarde également (chevet encore peu avancé de la cathédrale de Noyon), même si sa réalisation s'est faite selon une interprétation bourguignonne tributaire des traditions locales encore romanes.

Vézelay - Le chevet (3e tiers du XIIe siècle)
Vézelay - Le chevet (3e tiers du XIIe siècle)

La première campagne (chapelles rayonnantes contiguës), entamée sans doute dès 1165 environ, se serait achevée vers 1180, et une seconde (déambulatoire et sanctuaire), assez brève, un peu après 1190. Les premières années du XIIIe siècle furent consacrées à l'achèvement du transept et à l'édification de la tour Saint-Antoine. Dans la foulée, les quatre dernières travées de la nef, près du choeur, avaient été revoûtées en gothique, mais les travaux se sont arrêtés là. Eugène Viollet-Le-Duc (1814-1879), qui restaura l'abbatiale entre 1840 et 1861 pour répondre aux voeux de Prosper Mérimée en ce sens (1834), leur restitua le voûtement roman d'origine. Deux maîtres d'oeuvre semblent s'être succédés dans la réalisation du chevet, exécutant un projet d'architecte globalement respecté durant la longue durée du chantier, moyennant seulement quelques adaptations. Ainsi, alors que le premier maître d'oeuvre (magister operis), peut-être bourguignon, paraît avoir envisagé l'emploi d'arcs-boutants, le second y a renoncé. Une inscription extérieure, du XIIe siècle, gravée au dessus d'une autre (du XIVe siècle celle-ci) sur une assise de la chapelle axiale, évoque un Thebal(dus) qui, selon Arnaud Timbert, pourrait être ce premier maître d'oeuvre du chevet, selon une tradition funéraire concernant les maîtres d'oeuvre (A. Timbert, Vézelay..., p. 243 et note 17).

Vézelay - Abbatiale - Inscription de la fin du XIIe siècle : Hic Jacet Thebal(dus), qui surmonte une épitaphe du XIVe siècle
Vézelay - Abbatiale - Inscription de la fin du XIIe siècle : Hic Jacet Thebal(dus), qui surmonte une épitaphe du XIVe siècle

Si les indices de tâtonnements et l'influence de formules déjà anciennes ne manquent pas (élévation à trois niveaux, utilisation de la voûte sexpartite, galerie de triforium à l'étage du sanctuaire pour contrebuter la voûte centrale, profil encore très roman des arcs en plein cintre du triforium...), le maître d'oeuvre du déambulatoire maîtrise par exemple fort bien la voûte d'ogives jetée sur un plan circulaire (déambulatoire). L'une des principales innovations du chevet de la Madeleine est l'ouverture des chapelles rayonnantes contiguës, où la lumière peut circuler, car ces murs de séparation sont de faible hauteur ; cela confère à l'ensemble une impression de décloisonnement et d'intégration au service d'un éclairage largement diffus et parfois d'une lumière presque aveuglante à l'aube des plus belles journées, puis sereine et enveloppante l'après-midi.

Vézelay - Lever de soleil dans la basilique
Vézelay - Lever de soleil dans la basilique

Le chevet de la Madeleine inspire par certains aspects la conception du choeur de la cathédrale d'Auxerre (v. 1215), celui de l'église Notre-Dame-de-l'Assomption de Villeneuve-sur-Yonne (v. 1215) et le chevet de Saint-Étienne de Caen. Peut-être cette influence s'est-elle également étendue, mais discrètement, au chevet de Saint-Martin de Chablis. De manière plus étonnante, c'est avec le chevet de la cathédrale San Salvador d'Avila (v. 1180) que celui de Vézelay entretient le rapport le plus direct, selon Arnaud Timbert. Rappelons à ce titre que les relations entre la Bourgogne et la Castille ont été très étroits à partir de la fin du XIe siècle par l'intermédiaire d'Hugues de Cluny et des ducs capétiens de Bourgogne et que l'affirmation de Vézelay comme centre de pèlerinage a placé ce lieu sur l'un des itinéraires menant à Saint-Jacques de Compostelle (Galice). Dans le cadre de l'Opération Grand Site concernant dix-huit communes du Vézelien, le chevet a récemment fait l'objet d'une très belle restauration, qui a désormais atteint la façade de l'abbatiale.

Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : marque lapidaire dans le déambulatoire gothique (XIIe s.)
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : marque lapidaire dans le déambulatoire gothique (XIIe s.)

L'entreprise gothique ne s'est pas arrêtée là. Si la Tour Saint-Antoine qui surmonte la dernière travée du collatéral sud de la nef a encore des allures romanes, la façade du narthex a été reprise vers 1250 : une galerie ajourée a été construite et ornée de statues que Denise Borlée rapproche de l'oeuvre des sculpteurs de l'église priorale de Rougemont (Côte d'Or). La tour Saint-Michel qui coiffe cette même façade, au sud, a été édifiée à ce moment-là, mais celle qui aurait normalement dû lui être adjointe au nord, afin d'assurer la symétrie, n'a jamais été bâtie. Il faut dire que c'est justement l'époque où le pèlerinage de Vézelay périclite. À partir des années 1260, en effet, le monastère subit la concurrence du pèlerinage magdalénien de la Sainte-Baume, en Provence : les pèlerins et les aumônes se partagent alors. Le pèlerinage vézelien devient régional et végète encore en plein XVe siècle.

Vézelay - Abbatiale : Tour Saint-Antoine, reprise par Viollet-le-Duc au XIXe siècle
Vézelay - Abbatiale : Tour Saint-Antoine, reprise par Viollet-le-Duc au XIXe siècle
Vézelay - Abbatiale : façade de l'ancienne abbatiale (XIIe-XIIIe et XIXe siècle)
Vézelay - Abbatiale : façade de l'ancienne abbatiale (XIIe-XIIIe et XIXe siècle)
Vézelay - Abbatiale : le fronton gothique (v. 1250)
Vézelay - Abbatiale : le fronton gothique (v. 1250)

Arithmologie sacrée et chemin de lumière

Que le Moyen Âge, héritier des traditions pythagoriciennes, platoniciennes et néoplatoniciennes, mais aussi bibliques, ait été particulièrement sensible à la puissance d’évocation du symbole, en particulier celui du nombre et de la forme, des éléments, de l’animal et des planètes, est évident. Qu’en outre le microcosme (l’homme) et le macrocosme (l’univers) se répondent dans toutes leurs parties n’était alors pas moins admis. L’homme médiéval veut percevoir et décrypter les correspondances les plus subtiles entre les réalités et entre les degrés du réel, lui-même savamment hiérarchisé chez des auteurs comme le pseudo Denys l’Aréopagite (fin du Ve siècle), dont la Hiérarchie céleste et la Hiérarchie ecclésiastique, en particulier, se diffusent en Occident à l’époque carolingienne avant de faire l’objet de commentaires plus nombreux à partir du XIIe siècle.

Mais encore plus tôt, au crépuscule de l’Antiquité, puis durant les premiers siècles du Moyen Âge, tandis que l’urgence était à la conservation des savoirs bien plus qu’à leur renouvellement, des manuels et des compendia voient le jour dans la plupart des disciplines. Macrobe (v. 370-v. 430), auteur du Songe de Scipion, Marianus Capella (v. 420) et ses Noces de Philologie et de Mercure, saint Augustin (354-430) lui-même avec le livre II de sa Doctrine chrétienne, qui est un guide de lecture de la Bible, tout comme le sénateur Cassiodore (v. 480-v. 580) et les deux livres de ses Institutions, Isidore de Séville (v. 570-636) et ses Étymologies, puis Raban Maur (v.783-856) et son Traité sur l’Univers (De universo), pour ne donner que les principaux exemples, convoquent le savoir antique païen et chrétien, soigneusement sélectionné, et le réunissent sous une forme encyclopédique afin de le diffuser utilement. On justifie la démarche par l’épisode des « dépouilles des Égyptiens » que l’on récupère (Exode 3, 21-22 ; 11, 2-3 ; 12, 35-36) ou par le thème du transfert (translatio) des savoirs de Jérusalem à Athènes, puis d’Athènes à Rome. On reçoit, on trie, on admire ou pas, mais on réfléchit, surtout. Car quoi qu’aient pu dire ou écrire de tout temps certains chrétiens radicaux, le savoir est au moins indispensable pour comprendre cette religion du Livre qu’est le christianisme, et le Livre lui-même. C’est bien la doctrine de saint Augustin et ce fut celle de nombreux éléments du clergé régulier et séculier durant tout le Moyen Âge.

Vézelay - Eglise abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe-XIIIe s.)
Vézelay - Eglise abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe-XIIIe s.)

À ce titre, le XIIe siècle connaît une véritable explosion de la production écrite. Il s’empare de traditions nouvelles, sans nécessairement innover sur le fond. Le renouveau des structures scolaires liées à la cathédrale, aux monastères et à des maîtres privés conditionne cette effervescence. Il en est aussi le résultat. Au fond de son cloître bénédictin, un Hervé du Bourg-Dieu (ou de Déols) peut vers 1140 commenter la dernière vision du prophète Ézéchiel (chapitre 40 à 48) en s’efforçant d’élucider le mystère des nombres et des formes révélés par le texte sacré. C’est aux fondamentaux de l’arithmologie sacrée et du symbolisme en tout genre qu’il puise pour expliquer ce que signifient les dimensions du Temple, sachant que de subtiles relations s’établissent entre le Temple de pierre, le Temple de l’Esprit-Saint qu’est l’homme et le Temple éternel en construction, la Jérusalem céleste. Bernard Silvestre (v. 1100-v.1165) ne s’exerce pas à autre chose dans son Traité sur l’Univers (De mundi universitate sive Megacosmus et microcosmus) ou bien Hugues de Saint-Victor (1096-1141), lorsqu’il cherche à établir les règles générales de l’application de l’interprétation des nombres à la lecture biblique dans le chapitre 15 de son Traité sur l’Écriture (De Scripturis).

Comment donc être surpris qu’à la même époque, les maîtres d’œuvre romans et gothiques de l’abbatiale de Vézelay aient eu en tête de telles ressources ? Comment auraient-ils d’ailleurs seulement pu négliger l’enseignement des auteurs inspirés qui leur déclaraient : "[Dieu] a tout réglé avec mesure, nombre et poids" (Sagesse 11, 20) ou bien encore : "…des réalités visibles vers les réalités invisibles" (épître aux Romains 1, 20), puis : "Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu ?"  (première épître aux Corinthiens 3, 16) ?

Vézelay - Abbatiale - piédroits de droite du tympan central de la nef - base de colonne : un buste d'enfant inséré dans un triangle équilatéral formé par les trompes d'éléphants affrontés qui peuvent aussi, vus de face, évoquer un oiseau de nuit (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - piédroits de droite du tympan central de la nef - base de colonne : un buste d'enfant inséré dans un triangle équilatéral formé par les trompes d'éléphants affrontés qui peuvent aussi, vus de face, évoquer un oiseau de nuit (v. 1130)

Il s’ensuit que l’abbatiale de Vézelay est imprégnée d’une pensée symbolique, mais qui n’en a pas moins une logique interne impossible à ranger dans la catégorie d’un ésotérisme fumeux. Le réel est ici pensé sans qu’à aucun moment, l’imaginaire n’outrepasse ses fonctions pour enfermer l’esprit humain dans un subjectivisme impénétrable. Distinguer sans confondre, gravir les marches de la signification par la polysémie du symbole (resolutio), tel est le labeur du théologien des Écoles et du Cloître. La dualité est cependant toujours présente : l’ombre et la lumière, la chair et l’esprit, le vice et la vertu, l’ordonnance processionnelle et la verticalité. Des combats acharnés se livrent dans le silence de l’avant-nef enténébrée, à laquelle succèdent les travées lumineuses de la nef, puis, au terme, la lumière enveloppante d’un sanctuaire évidemment pensé pour obtenir un tel effet, le maître d’œuvre espérant sans doute que "si les voix se taisent, les pierres crieront" (évangile de Luc 19, 40).

Vézelay - La nef : de la pénombre à la lumière
Vézelay - La nef : de la pénombre à la lumière

L’avant-nef comporte trois travées. Faut-il insister sur le sens trinitaire du chiffre ? La géométrie du portail central elle-même est évocatrice : le carré des portes fait référence au chiffre 4 (les quatre éléments, les quatre humeurs du corps humain, les quatre vents, les quatre évangiles). Il est surmonté par le demi cercle du tympan, la forme circulaire évoquant l’éternité, et l’ensemble est structuré par une croix immense que forment le trumeau prolongé par le grand Christ et le linteau où cheminent les peuples de la Terre. Les dix travées de la nef sont le fruit, probablement, d’une volonté d’impressionner par les dimensions, certes, mais il faut bien garder à l’esprit que 10 renvoie aux dix commandements, aux dix plaies d’Égypte, aux dix vierges, cinq d’entre elles imprévoyantes et cinq sages (évangile de Matthieu 25, 1-13). En outre, l’orientation et les dimensions internes de l’édifice ont été concues pour qu’au solstice d’été, la lumière du soleil à son zénith vienne frapper directement l’axe central de la nef, traçant ainsi un chemin de lumière et pour qu’au solstice d’hiver, ces même rayons éclairent les chapiteaux les plus hauts de la nef, au nord. Aux équinoxes, ils s’arrêtent à mi hauteur. Manifestement, le biseau des allèges des baies romanes a aussi été calculé en fonction de cet effet désiré. Le premier architecte du chœur n’est pas davantage ignorant de la portée des symboles. Damien Vorreux l’a bien montré dans une hypothèse tout à fait recevable. Au lieu de prévoir dix colonnes dans le sanctuaire, le maître d’œuvre a dédoublé l’une d’elles, ce qui fait onze, comme les onze apôtres réunis au Cénacle dans l’attente de la Résurrection. De même, huit groupes de trois colonnettes (soit 24 colonnettes) sont portés par les grosses colonnes du sanctuaire et rejoignent la voûte à sa naissance, comme les vingt-quatre Vieillards de l’Apocalypse. Les 144 colonnettes des chapelles rayonnantes font probablement écho aux 144 000 élus de l’Apocalypse. Et ce ne sont que quelques exemples. On ne peut guère douter non plus que la suppression des murs de séparation entre les chapelles rayonnantes, au delà d’une certaine hauteur, n’ait eu pour objectif de favoriser la pénétration de la lumière dans le chevet. C’est d’ailleurs à tel point que le contraste lumineux, à l’aube, entre la nef et le chœur, complique fortement la tâche du photographe.

Si l'on veut, les marques lapidaires que l'on repère sur les blocs dans l'ensemble de la basilique, parties romanes et gothiques confondues, relèvent du symbolisme, puisqu'elles désignent en les identifiant des équipes de tailleurs de pierres, peut-être parfois des artisans particuliers. Pas moins de 225 marques ont été relevées par Arnaud Timbert au niveau du chevet gothique. Elles sont aussi très nombreuses et très variées dans l'avant-nef et dans la nef, comme l'illustrent les exemples suivants, photographiés dans la nef :

Bibliographie sur le symbolisme au Moyen Âge

-Vincent Foster Hopper, Medieval Number Symbolism. Its sources, meaning, and influence on thought and expression, New York, 1938 ; traduction française parue sous le titre suivant : La symbolique médiévale des nombres. Origines, signification et influence sur la pensée et l'expression, Paris, 1995.

-Marie-Madeleine Davy, Initiation à la symbolique romane, Paris, 1977.

-Hanne Lange, Les données mathématiques des traités du XIIe siècle sur la symbolique des nombres, Copenhague, 1979.

-Damien Vorreux, « Le symbolisme arithmétique du chœur de la basilique de Vézelay », dans Jacques d’Arès (éd.), Vézelay et saint Bernard, Croissy-Beaubours, 1985, p. 91-100.

-Jean-Pierre Brach, La symbolique des nombres, Paris, 1994.

Le décor sculpté 

Les trois portails de la nef

Si frustrant que cela soit, nous ignorons à quel esprit nous devons d’avoir conçu le programme sculpté aux portails de la nef de Vézelay. Les liens entre le grand tympan et une miniature d’un lectionnaire représentant la Pentecôte et provenant de Cluny, où il a été copié et enluminé vers 1100, ont été évoqués comme une source probable. C’est là chose possible, car les rapports entre sculpture et peinture de manuscrits sont bien démontrés par ailleurs. Cependant, une telle hypothèse ne suffit pas à expliquer l’effort de synthèse doctrinale nécessaire à l’élaboration de ce programme, dont la lecture doit prendre en compte les trois portails de la nef.

Vézelay - Tympan central de la nef (v. 1130)
Vézelay - Tympan central de la nef (v. 1130)

Il convient en effet de bien comprendre que la vision théophanique et eschatologique du tympan central, montrant la mission de l’Église et la récapitulation dans la Jérusalem céleste suppose une référence à l’Incarnation du Christ, illustrée aux tympans latéraux, et qui est le fondement ainsi que l’instrument de l’œuvre divine. On a pu évoquer la personnalité de Pierre le Vénérable, prieur claustral de Vézelay entre 1115 et 1120, pour l’invention de ce programme, mais sans certitude. On sait également que l’abbé de l’époque, Renaud de Semur (1106-1128), écrivit deux biographies de son grand-oncle Hugues de Semur, abbé de Cluny (1049-1109). C’était un lettré. Seul un lettré expert dans les Arts libéraux du trivium (grammaire, rhétorique, dialectique), du quadrivium (arithmétique, musique, géométrie, astronomie) et dans ceux de la doctrine théologique put concevoir un tel programme. Mieux vaut finalement, semble-t-il, faire son deuil d’une telle information. D’ailleurs, un autre problème se pose : quelles sont les sources théoriques de ce programme ? On a évoqué l’importance très probable des textes liturgiques en usage à Vézelay. Jérôme et Bernard Poulenc, dans un livre convaincant, ont ainsi développé l’hypothèse très vraisemblable selon laquelle la Vision du prophète Habacuc aurait en grande partie inspiré cet ensemble. Il faut de toute évidence évoquer aussi l’Apocalypse et les Actes des apôtres, complétés par des descriptiones, les livres de géographie et d’ethnologie antiques et du haut Moyen Âge. Il se trouve que l’exégète Haymon d’Auxerre (v. 850) avait justement commenté les Petits Prophètes et l’Apocalypse. L’inventeur du programme aura donc sans doute puisé dans ses classiques carolingiens une partie de son inspiration pour construire cette ambitieuse synthèse. Bien sûr, on ne peut en être certain, puisque la bibliothèque de Vézelay a été en très grande partie dispersée dès le XVIe siècle.

Vézelay - Chapiteau de la nef : le rapt de Ganymède (v. 1130)
Vézelay - Chapiteau de la nef : le rapt de Ganymède (v. 1130)

En revanche, les études stylistiques approfondies réalisées notamment par Francis Salet permettent de dire que, pour l’essentiel, cet ensemble est dû à deux sculpteurs, le Maître et son disciple, issus du chantier du chevet de Cluny III. Quelques marqueurs les distinguent : le drapé des vêtements "soufflés en cloche", le col replié ainsi que la complexité des spirales de la tunique du grand Christ, notamment. Le Maître principal du grand tympan de Vézelay se serait d’abord illustré aux chapiteaux du déambulatoire de Cluny III. Il aurait été assisté par un collaborateur - appelons-le un disciple – qui se serait pour l’essentiel illustré au portail sud, celui de l’Enfance du christ, avant de partir travailler aux portails de Perrecy-les-Forges et de Montceaux-l’Étoile, dans le sud de la Bourgogne, où son style, plus lourd que celui de son Maître, est reconnaissable. C’est l’hypothèse de Francis Salet. Il faudrait sans doute aussi attribuer au Maître principal plusieurs chapiteaux de la nef : le Moulin mystique, Moïse et le Veau d’Or, l’Ange exterminateur qui tue le fils de Pharaon et la Contruction de l’Arche pour le moins. Entre cinq et dix autres sculpteurs - mais certains spécialistes en dénombrent une quinzaine - se seront partagés la réalisation des autres chapiteaux de la nef et de l’avant-nef.

Vézelay - Chapiteau de la nef : Moïse et le Veau d'Or (v. 1130)
Vézelay - Chapiteau de la nef : Moïse et le Veau d'Or (v. 1130)

Quoiqu’il en soit, nous sommes bien en présence, principalement, de deux personnalités exceptionnelles, demeurées anonymes : le concepteur du programme sculpté et le Maître principal du grand tympan. Ils ont atteint à l’époque romane un sommet que l’on ne peut guère comparer qu’aux grands tympans d’Autun et de Moissac, aux styles cependant différents.

Le portail central

Aux voussures : le cycle cosmique et terrestre de l'année humaine (29 médaillons et demi).

De gauche à droite se déroulent les signes du zodiaque et les travaux des mois, non sans quelques particularités intéressantes. Le mois de février montre un homme emmitouflé auquel un autre personnage, tête nue, tourne le dos, transition entre l'hiver et le printemps. Les deux poissons du signe zodiacal correspondant portent l'un des écailles, l'autre pas. Le bélier possède bizarrement une queue de poisson. Des chèvres sont représentées sur le médaillon de mars-avril, un détail que l'on ne retrouve qu'à Autun dans les tympans romans. Le taureau, comme le bélier, a lui aussi une queue de poisson. Le faucheur du mois de juillet porte un couteau à la cheville, alors qu'ordinairement le couteau est placé à la ceinture.

Entre le cancer et le lion, un demi médaillon représente sans doute une grue, à laquelle font suite trois autres médaillons figurant, de gauche à droite, un canidé enroulé sur lui-même, un personnage faisant la roue (un acrobate ?) et une femme sirène, circulaire elle aussi. Bien des lectures ont été faites de ces trois médaillons sommitaux. On y a parfois vu le caractère inexorable et vain du temps cyclique, auquel seul le Christ peut donner sens. Mais en 1993, l'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt a fourni une interprétation bien différente en rapprochant ce zodiaque des zodiaques égyptiens d'époque gréco-romaine. L'emplacement de ces médaillons entre le cancer et le lion désigne la période la plus chaude de l'année qui est aussi celle de la crue du Nil, qu'annonce la réapparition dans le ciel vers le 18 juillet de l'étoile Sothis (Sirius), traditionnellement représentée sous la forme d'une petite chienne. Le zodiaque de Vézelay, comme celui d'Autun, pourrait avoir emprunté à d'anciennes traditions du zodiaque égyptien un symbolisme solaire et aquatique qui, puisque symboliquement associé au début de l'année égyptienne (juillet), viendrait souligner le renouveau apporté par le Christ, lumière du monde et eau vive, selon l'évangile de saint Jean.

Continuons la lecture de ce cycle zodiacal. La vierge est signifiée à Vézelay sous la forme d'une femme nue brandissant des végétaux, non au moyen d'une palme ou d'une balance, contrairement à l'habitude. Le paysan du médaillon d'août est également unique : il verse du grain dans un coffre. Le signe de la balance est figuré par un homme désarticulé et dans lequel rien n'est symétrique (il n'a qu'une chaussure, par exemple). La curiosité de ce zodiaque culmine avec le scorpion, une sorte de dromadaire à huit pattes et à queue en forme de noeud. L'un des derniers médaillons à droite, en bas et donc à la fin du cycle, après le sagittaire, montre un homme barbu portant une femme : c'est peut-être l'ancienne année qui porte la nouvelle. Autour du dernier médaillon complet à droite, on discerne l'inscription suivante : "omnibus in membris désignat imago decembris", l'homme assis une coupe à la main traduisant la pause hivernale.

Les premières nations évangélisées

Progressant vers le centre, toujours de gauche à droite autour du tympan, huit caissons montrent des peuples qui rappellent la première prédication apostolique : ce sont les premiers peuples atteints par l'évangile, selon les Actes des apôtres et certains textes apocryphes.

Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : un auteur et son scribe (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : un auteur et son scribe (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : les juifs (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : les juifs (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : possédés (affectés de maladies ?) : v. 1130
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : possédés (affectés de maladies ?) : v. 1130
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : malades et cynocéphales (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : malades et cynocéphales (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : malades et Ethiopiens (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : malades et Ethiopiens (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : un Phrygien et des malades (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : un Phrygien et des malades (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson (v. 1130) : les Byzantins ?
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson (v. 1130) : les Byzantins ?
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : Arméniens et Arabes ? (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Tympan central - caisson : Arméniens et Arabes ? (v. 1130)

Il faut ensuite diriger son regard vers les deux blocs du linteau. À gauche, d'antiques processions religieuses grecques et romaines, où l'on reconnaît diverses offrandes, le taureau, la hache sacrificielle et l'eau lustrale se déploient, mais le cortège est en quelque sorte arrêté par saint Jean-Baptiste, le Précurseur. Le socle de la statue présente encore une inscription latine qui atteste clairement de l'identité du personnage : "Agnoscant omnes quia dicitur iste Johannes convertet (?) populum demonstrans indice Christum".

Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine - Portail central de la nef - Linteau et partie gauche du tympan (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine - Portail central de la nef - Linteau et partie gauche du tympan (v. 1130)
Vézelay-Abbatiale Sainte-Madeleine-Portail central de la nef - Saint-Jean-Baptiste (v. 1130)
Vézelay-Abbatiale Sainte-Madeleine-Portail central de la nef - Saint-Jean-Baptiste (v. 1130)

À droite, au contraire, se succèdent divers peuples exotiques, imaginés d'après les naturalistes de l'Antiquité et certains auteurs du haut Moyen Âge, et qui semblent rejoindre les apôtres Pierre (avec ses clés) et Paul, intermédiaires entre ces peuples et le grand Christ aux bras ouverts. De droite à gauche, on reconnaît les habitants des îles des Fanésiens (Pline, Histoire naturelle IV, 27), aux très grandes oreilles, également appelés Panotii par Isidore de Séville au VIIe siècle (Étymologies XI, 3). Puis viennent des Pygmées et des Macrobii, géants des Indes, enfin des guerriers dont plusieurs en cottes de mailles. Jean-Baptiste est accompagné par l'apôtre Jean à gauche, aux jambes croisées, et à droite par le prophète Isaïe sans doute, car il tient le rouleau de la prophétie.

Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine - Portail central de la nef - Linteau et partie droite du tympan (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine - Portail central de la nef - Linteau et partie droite du tympan (v. 1130)

À la gauche et à la droite du Christ, au tympan, les apôtres paraissent animés d'un dynamisme suscité par les rayons qui sortent de la main du Christ (Habacuc 3, 4), par le "fleuve de Vie" que l'on aperçoit à la gauche du Christ et par les feuillages des arbres de Vie, à la droite du Christ, qui "peuvent guérir les païens" (Apocalypse 22, 1-2). Le Christ, immense (2,80 mètres), est assis sur un trône : sa tête est cernée par un nimbe crucifère. Telle est cette vision qui associe le temps des hommes, celui de la prédication ecclésiale impulsée par l'effusion de l'Esprit-Saint au jour de la Pentecôte et le rappel de la finalité bienheureuse et réconciliée de la Jérusalem céleste, vers laquelle l'humanité est en marche, selon l'eschatologie chrétienne.

Vézelay - Christ en Gloire : tympan central de la nef (v. 1130)
Vézelay - Christ en Gloire : tympan central de la nef (v. 1130)
Vézelay - Tympan : le Christ
Vézelay - Tympan : le Christ
Vézelay-Abbatiale - Portail central de la nef - chapiteaux du piédroit nord : Adam et Eve chassés du Paradis terrestre et Faunesse chassant un oiseau fabuleux (v. 1130)
Vézelay-Abbatiale - Portail central de la nef - chapiteaux du piédroit nord : Adam et Eve chassés du Paradis terrestre et Faunesse chassant un oiseau fabuleux (v. 1130)
Vézelay-Abbatiale - Portail central de la nef - chapiteaux : Adam et Eve et faunesses (v. 1130)
Vézelay-Abbatiale - Portail central de la nef - chapiteaux : Adam et Eve et faunesses (v. 1130)

La vidéo suivante, en anglais, présente de manière intéressante les différentes interprétations qui ont été données du tympan central de la nef de Vézelay :

Les portails latéraux de la nef

Le grand portail central, illustration magistrale et synthétique de ce que les théologiens appellent l'économie du salut, ne prend son sens qu'en référence à l'Incarnation, c'est-à-dire à la vie terrestre du Christ évoquée ici à travers ses débuts et son terme. Deux voussures occupées par un décor de rosaces et de rinceaux encadrent les deux tympans. Les thèmes traités au niveau inférieur sont sans rapport avec les tympans. Les épisodes de la vie du Christ surmontent ainsi des chapiteaux illustrant le combat spirituel entre le bien et le mal. On notera en particulier la présence du basilic, être hybride démoniaque, au piédroit de gauche du portail nord, Ulysse tentant de résister au chant maléfique d'une curieuse sirène mâle et l'appel au combat enthousiaste du bel Ange à l'Olifant aux piédroits du portail sud.

Vézelay - Abbatiale - Chapiteau représentant le basilic : piédroit du portail nord de la nef (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau représentant le basilic : piédroit du portail nord de la nef (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau du portail sud de la nef : Ulysse et la sirène barbue (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau du portail sud de la nef : Ulysse et la sirène barbue (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau du portail sud de la nef : l'Ange à l'Olifant (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau du portail sud de la nef : l'Ange à l'Olifant (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau du portail sud de la nef : un faune vise un démon (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau du portail sud de la nef : un faune vise un démon (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau du portail sud de la nef : un ange armé monte la garde (v. 1130)
Vézelay - Abbatiale - Chapiteau du portail sud de la nef : un ange armé monte la garde (v. 1130)
Le portail sud

Les scènes représentées ici sont bien reconnaissables. Leur lecture se fait à partir du linteau où l’on voit, de gauche à droite : l’Annonciation, la Visitation et la Nativité, puis il faut ensuite regarder le tympan pour y découvrir l’Adoration des Mages. Selon Francis Salet, il convient d’attribuer la réalisation de ce tympan au Second Maître du portail, qu’il nomme le "Sculpteur de l’Enfance du Christ". Certaines maladresses y sont en effet perceptibles et s’avèrent selon lui incompatibles avec l’art du maître principal du grand tympan central.

Portail sud de la nef tympan et voussures (v. 1130)
Portail sud de la nef tympan et voussures (v. 1130)
Le portail nord

De la même manière, la narration proposée au tympan nord se lit à partir du linteau qui traite l’histoire des Pèlerins d’Emmaüs (évangile de Luc 24, 13-35). Ces derniers, dans un premier temps, ne reconnaissent pas le Christ ressuscité rencontré en chemin. Pendant le repas, que le Christ partage avec ces deux disciples et qui est figuré au centre du linteau, leurs yeux s’ouvrent. La joie les pousse à partir immédiatement apprendre la nouvelle aux apôtres demeurés à Jérusalem. La scène qui surmonte le linteau, au tympan, révèle sans doute l’art du Maître principal du grand tympan. On y retrouve ainsi le traitement des vêtements "en plis soufflés", comme dans le grand Christ et sur les hauts-reliefs des apôtres aux piédroits et au trumeau du tympan central. Cette scène du tympan nord représente la Dernière apparition aux Onze, rassemblés au Cénacle (évangile de Jean 20, 19-29).

Portail nord de la nef tympan et voussures (v. 1130)
Portail nord de la nef tympan et voussures (v. 1130)
Les chapiteaux

Le premier niveau de l’avant-nef, la tribune de celle-ci et la nef abritent au total une collection de 187 chapiteaux, dont 99 pour la nef seule. Sur ces 99 chapiteaux de la nef, 90 datent des années 1120-1140. Ceux de la tribune ont pratiquement tous été refaits par Viollet-le-Duc, les œuvres anciennes étant déposées au Musée lapidaire tout proche. C’est là, assurément, un ensemble sculpté exceptionnel en France et même à l’échelle de l’Europe. Après d’autres spécialistes, Marcello Angheben s’est interrogé sur l’hypothèse d’un certain ordre dans la disposition de ces chapiteaux, en particulier dans la nef. On peut en effet percevoir que ceux des premières travées traitent des thèmes moraux. Leur font suite des chapiteaux historiés reprenant des épisodes tirés de l’Ancien Testament, puis du Nouveau, et des scènes hagiographiques familières aux moines. Cette logique relativement respectée s’arrête toutefois aux piles situées près de la croisée du transept, où dominent surtout des chapiteaux à décor végétal qui sont des remplois de l’ancien chœur roman de l’abbé Artaud, dans lesquels on reconnaît l’œuvre de l'atelier de sculpteurs du chevet d’Anzy-le-Duc, selon Matthias Hamann.

Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral nord : Adam et Eve, le péché originel (v. 1100 ; chapiteau de réemploi)
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral nord : Adam et Eve, le péché originel (v. 1100 ; chapiteau de réemploi)

Ce programme sculpté complète le combat spirituel angélique figurant aux piédroits des portails de la nef par le thème du combat spirituel du croyant et par le rappel des vertus évangéliques adaptées à une progression efficace vers la lumière. Ici prévaut un contraste binaire, parfois d’ailleurs avec une insistance imaginative débridée et en s'appuyant sur des ressources culturelles dont témoignent par exemple les Sermons de Julien de Vézelay, prononcés en salle du chapitre sous l'abbatiat de Ponce de Montboissier (1138-1161) devant un auditoire nécessairement averti. Çà et là, des personnages placés dans une mandorle ne sont pas sans rappeler des chapiteaux du déambulatoire de Cluny. Les sculpteurs, à commencer par le Maître du tympan de Vézelay, semblent rejeter la notion même de vide et créer un environnement végétal dans lequel s’inscrit une histoire, parfois très réaliste, en tout cas toujours imprégnée d’émotion et de sensibilité. Avec Gislebertus à Autun, le style unique du Maître de Vézelay parvient à créer des chefs d’œuvre.

Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral sud : la luxure et le désespoir
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral sud : la luxure et le désespoir

C’est le cas du Moulin mystique, bien connu (n° 20 sur le plan). Cette extraordinaire allégorie typologique concentre l’explication des rapports entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. On peut en outre se demander avec Robert Pirault si ce chapiteau ne constitue pas un "discours de la méthode" (R. Pirault, L’école du Moulin, p. 19). Le moulin ne joue-t-il pas en effet le rôle même du symbole, qui permet d’exprimer une réalité complexe à partir d’une matière ou d’un élément simple. Il faut peut-être comprendre ainsi que le texte sacré ne devient Parole vivifiante qu’à cette condition d’être lue à travers le Christ. Ce serait alors tout l’enjeu de l’exégèse biblique. Toutefois, même cette étape paraît transitoire, car l’intelligence du Verbe dispose encore à une autre finalité : l’identification au Sauveur, le salut. On peut également interpréter le Moulin comme une allégorie sacramentelle associée à l’eucharistie qui transmute le croyant dans la personne même du Christ, ou bien comme une évocation de la prédication qui éclaire les intelligences, sinon comme une allégorie de la Passion du Christ et de la souffrance, voie d'une possible catharsis intérieure, selon l’hypothèse de Michel Zink, formulée dans un bel article paru en 1976 dans les Annales.

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Vézelay - Basilique Sainte-Madeleine - Chapiteau de la nef - Le Moulin mystique : Moïse et saint Paul (v. 1130)
Vézelay - Basilique Sainte-Madeleine - Chapiteau de la nef - Le Moulin mystique : Moïse et saint Paul (v. 1130)

Un tel pluralisme, voire une telle complexité dans l’interprétation, ainsi que la localisation de certains chapiteaux à plus de quinze mètres de hauteur - ce qui rend les détails indiscernables depuis le sol - interdisent de réduire la sculpture romane à un simple programme didactique destiné à la communauté priante. D’ailleurs, la plupart des laïcs et bien des moines sont des illiterati : ils ignorent l’essentiel de la production littéraire antique, religieuse ou profane, et patristique, et ils ne savent même pas même lire. Si quelques œuvres accessibles au regard pouvaient constituer une catéchèse visuelle, il faut quand même admettre qu’au delà de cette utilité pratique, s’imposait dans l’esprit de l'architecte une conception du temple de pierre similaire à celle que l’auteur sacré prête à Salomon, à qui il fait dire : "Tu m’as ordonné de bâtir un temple sur ta montagne sainte et un autel dans la ville où tu as fixé ta tente, imitation de la Tente sainte que tu as préparée dès l’origine" (Livre de la Sagesse 9, 8).

Distribution spatiale des chapiteaux du narthex (étage inférieur) et de la nef. 

Vézelay - Abbatiale - Chapiteaux
Vézelay - Abbatiale - Chapiteaux
Chapiteaux de l'avant-nef (sélection)

: Joseph et la femme de Putiphar (v. 1140) ; : Bénédiction de Jacob par Isaac (v. 1140) ; : les apôtres Pierre et Paul ressuscitent un jeune homme (v. 1140) ; 11 : Tentation de saint Benoît (aussi traité dans la nef, n° 31), v. 1140 ; 12 : Mort de Caïn (v. 1140) ; 13 : repas des saints Antoine et Paul Ermite (aussi traité dans la nef, n° 75), v. 1140 ; 14 : des hommes mangent du raisin (v. 1140) ; 16 : combat de Samson contre le lion (v. 1140) ; 17 : feuillages (v. 1140) ; 18 : derniers moments de la vie de saint Jean-Baptiste (v. 1140) ; 19 : le prophète Nathan adresse des reproches au roi David après que ce dernier a pris la femme d’Urie, Bethsabée (v. 1140) ; 20 : saint Benoît ressuscite un enfant décédé (v. 1140) ; 21 : Marie rend visite à sa cousine Élisabeth (v. 1140)

Chapiteaux de la nef (sélection)

Le sigle Po désigne ici les chapiteaux du portail de la nef.

Po2 : guérison d'un paralytique par le Christ à la piscine probatique (v. 1130) ; Po3 : êtres fantastiques, notamment l'oiseau tricéphale et des hybrides (v. 1130) ; Po4 : le sacrifice de Saül (v. 1130) ; Po5 : Saül possédé et onction de David (v. 1130) ; Po6 : sirène barbue (représentation fort rare dans l'art roman), v. 1130 ; Po7 : ange équipé d'un olifant (v. 1130) ; Po8 : ange portant une bannière (v. 1130) ; Po9 : des faunes, par nature maléfiques (v. 1130) ; Po10  : oiseau monstrueux (la basilic ?) , v. 1130 ; Po11 : un ange combat un démon (v. 1130) ; Po12 : encore un ange qui combat un démon (v. 1130) ; Po13 : musiciens équipés du monocorde et du tintinnabulum (v. 1130) ; 3 : un centaure et un homme chassent ensemble (Achille et le centaure Chiron ?), v. 1130 ; 4 : scène de conseil et peut-être de dispute, difficile à identifier  (v. 1130) ; 5 : personnages dans des mandorles, sujet indéterminé (v. 1130) ; 6 : musique profane et musique sacrée (v. 1130) ; 7 : des personnages occupent trois mandorles (v. 1130) ; 8 : les quatre fleuves du paradis (v. 1130) ; 11 : combat fantastique (v. 1130) ; 12 : l'enlèvement de Ganymède par Zeus (v. 1130), scène provenant de l'Énéide de Virgile, condamnation de l'homosexualité (v. 1130) ; 14 : des guerriers combattent entre eux (duel judiciaire ou plutôt évocation de la discorde ?), v. 1130 ; 15 : luxure et désespoir (v. 1130)  16 : feuillage, pomme de pin (v. 1130) ; 17 : saint Eustache se convertit lors d'une partie de chasse en apercevant une croix entre les bois d'un cerf (v. 1130) ; 19 : la balance et les gémeaux (v. 1130) ; 20 : le Moulin mystique (v. 1130) ; 21 : morts du pauvre Lazare et du mauvais riche, parabole extraite du Nouveau testament (v. 1130) ; 22 : mort de Caïn (v. 1130) ; 23 : allégorie des quatre vents (v. 1130) ; 24 : Le combat de David avec le lion (v. 1130) ; 26 : saint Martin détruit un arbre sacré des païens (v. 1130) ; 27 : Daniel dans la fosse aux lions (v. 1130) ; 29 : lutte de Jacob et de l'Ange, au terme de laquelle Jacob est boiteux (v. 1130) ; 30 : bénédiction de Jacob par son père Isaac, obtenue par fraude au détriment d'Esaü  (v. 1130) ; 31 : tentation de saint Benoît de Nursie, face à une femme (v. 1130) ; 32 : feuillage (v. 1100, remploi) ; 33 : feuillage (v. 1100, remploi) ; 35 : têtes humaines et lions affrontés (v. 1100, remploi) ; 36 : feuillage (v. 1100, remploi) ; 37 : feuillage (v. 1100, remploi) ; 38 : feuillage (v. 1100, remploi) ; 42 : femme nimbée au milieu d'hommes nus (v. 1130) ; 43 : personnages, chapiteau abîmé (v. 1130) ; 45 : le péché de la langue (médisance) est châtié (v. 1130) ; 48 : l'été et l'hiver (v. 1130) ; 49 : Moïse tue un Égyptien qui avait maltraité un Hébreu (v. 1130) ; 50 : le combat de David contre Goliath (v. 1130) ; 53 : la mort d'Absalom, fils du roi David, dont la longue chevelure reste prise dans des branches, ce qui permet à un assaillant de le tuer (v. 1130) ;  54 : éléphants affrontés (v. 1130) ; 55 : démons (v. 1130) ; 56 : Moïse et le Veau d'Or (v. 1130) ; 57 : l'ange exterminateur met à mort le fils de Pharaon (v. 1130) ; 59 : légende de sainte Eugénie, cette femme qui s'était faite passer pour un homme afin de vivre comme un moine et qui est obligée de dévoiler sa féminité pour mettre un terme à une calomnie dont elle est victime de la part d'une certaine Mélanie. Celle-ci avait tenté de la séduire, mais, essuyant un refus, elle avait tenté de se venger d'Eugénie, qu'elle croyait être un homme, en l'accusant faussement du péché de chair, ce qui oblige Eugénie à révéler sa vraie nature (v. 1130) ; 60 : Le meurtrier du roi Saül est exécuté (v. 1130) ; 61 : des oiseaux mangent du raisin, symbole de l'eucharistie (v. 1130) ; 62 : des moines prient pour que des démons cessent de torturer un homme (v. 1130) ; 65 : Adam et Ève (v. 1100, remploi) ; 65 : Adam et Ève (v. 1100, remploi) ; 67 : saint Pierre délivré de sa prison par un ange (v. 1130) ; 70 : oiseaux, dont certains picorent la tête d'un personnage (v. 1130) ; 72 : le repas plantureux du mauvais riche et le pauvre Lazare torturé par la faim (v. 1130) ; 74 : le basilic, animal monstrueux et au regard qui tue, combat ce qui pourrait être un autre démon (v. 1130) ; 75 : les saints Paul Ermite et Antoine du désert, pères du monachisme égyptien (IIIe-IVe siècle), prennent leur repas ensemble (v. 1130) ; 77 : des guerriers qui ont des lions pour montures (v. 1130) ;  78 : des ours et un personnage (v. 1130) ; 79 : la pendaison de Judas (v. 1130) : 80 : meurtre de Joas, roi de Juda (royaume du sud) ; 81 : construction de l'Arche par Noé (v. 1130) ; 83 : martyre de saint André (v. 1130) ; 84 : épisodes de la vie du patriarche Joseph (v. 1130) ; 85 : Joseph et la femme de Putiphar (v. 1130) ; 87 : des adultères font pénitence (v. 1130) ; 90 : pélicans (v. 1130) ; 91 : sujet indéterminé : une femme se tient face à un homme (v. 1130) ; 93 : le péché originel (même thème que le chapiteau de la nef n°65), v. 1130 ; 94 : les sacrifices de Caïn et d'Abel, deux frères, fils d'Adam (v. 1130) : 96 : un homme armé combat un animal démoniaque (v. 1130) ; 97 : un abbé exerce ses prérogatives de justice ; 98 : feuillages et acrobate  (v. 1130) ; 100 : médaillon occupant un claveau d'une grande arcade, montrant une femme se déclarant enfumée, mais bientôt belle de nouveau, probable référence à l'incendie du 21 juillet 1120 dans l'église abbatiale.

Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral sud : le diable tente saint Benoît en lui présentant une femme
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral sud : le diable tente saint Benoît en lui présentant une femme
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral nord : David et Goliath
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral nord : David et Goliath
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral nord : la mort d'Absalom
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral nord : la mort d'Absalom
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral nord : la légende de sainte Eugénie
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral nord : la légende de sainte Eugénie
Vézelay - Chapiteau de la nef - collatéral sud : Isaac et Jacob
Vézelay - Chapiteau de la nef - collatéral sud : Isaac et Jacob
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral sud : Daniel dans la fosse aux lions
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral sud : Daniel dans la fosse aux lions
Vézelay - Chapiteau du collatéral sud - L'éducation d'Achille par le centaure Chiron
Vézelay - Chapiteau du collatéral sud - L'éducation d'Achille par le centaure Chiron
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral sud : les quatre vents
Vézelay - Chapiteau de la nef - Collatéral sud : les quatre vents
Vézelay - Chapiteau de la nef - Balance et Gémeaux
Vézelay - Chapiteau de la nef - Balance et Gémeaux
Chapiteau de la nef - Collatéral sud : la mort du mauvais riche à droite et celle du pauvre Lazare à gauche (Luc 16, 19-31)
Chapiteau de la nef - Collatéral sud : la mort du mauvais riche à droite et celle du pauvre Lazare à gauche (Luc 16, 19-31)
Vézelay - Chapiteau de la nef : les ermites du désert égyptien Antoine et Paul partagent leur repas (v. 1130)
Vézelay - Chapiteau de la nef : les ermites du désert égyptien Antoine et Paul partagent leur repas (v. 1130)
Vézelay - Chapiteau de la nef : scène de conseil, sujet non identifié (v. 1130)
Vézelay - Chapiteau de la nef : scène de conseil, sujet non identifié (v. 1130)
Vézelay - Chapiteau de la nef : la musique profane séductrice des sens (v. 1130)
Vézelay - Chapiteau de la nef : la musique profane séductrice des sens (v. 1130)

La sculpture gagne aussi les bases de colonnes où se déploient des motifs végétaux et animaux très variés, comme le montrent les exemples suivants, prélevés dans la nef :

La crypte

À la fin du XIe siècle, l'abbé Artaud (1096-v. 1106) entreprit la reconstruction de l'abbatiale. La confession où sont encore conservées des reliques de Marie-Madeleine date de cette époque. En 1165, un incendie se déclara dans la crypte. Celle-ci, conservant la niche-reliquaire et les deux premières travées ouest appartenant à l'état roman des années 1096-1104, fut reconstruite et agrandie, approfondie de 65 centimètres, pour lui donner les dimensions du sanctuaire gothique dont le projet était déjà fixé. Elle est couverte de voûtes d'arêtes et les chapiteaux qui coiffent les colonnes appartiennent pour certains à l'époque romane, pour d'autres au premier gothique. Il n'y a donc rien de carolingien dans cette crypte, comme l'a bien démontré Christian Sapin, et ce, contrairement à ce qui a pu être souvent écrit sur le sujet. Le tombeau à fenestella déposé dans le bras sud du transept date du XIIIe siècle. Il ne s'agit donc pas du tombeau de la sainte placé dans la crypte à l'époque carolingienne, ou même à l'époque romane. Une belle restauration effectuée récemment a révélé dans la crypte de nouvelles peintures murales, sans doute réalisées dans les années 1260.

Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : la crypte (v. 1165)
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : la crypte (v. 1165)
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : la crypte (v. 1165), décor peint d'une clé de voûte (XIIIe s.)
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : la crypte (v. 1165), décor peint d'une clé de voûte (XIIIe s.)
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : la crypte (v. 1165), décor peint d'une clé de voûte (XIIIe s.), Christ bénissant
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : la crypte (v. 1165), décor peint d'une clé de voûte (XIIIe s.), Christ bénissant
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : la crypte (v. 1165), détail
Vézelay - Abbatiale Sainte-Madeleine (XIIe s.) : la crypte (v. 1165), détail

Bibliographie sur l'église abbatiale et le culte à Marie-Madeleine

-René Louis, Girard, comte de Vienne (...819-877) et ses fondations monastiques, Auxerre, 1946.

-Francis Salet, Jean Adhémar, La Madeleine de Vézelay, Melun, 1948.

-Victor Saxer, Le culte de Marie-Madeleine en Occident des origines à la fin du Moyen Âge, Auxerre-Paris, 1959.

-Id., Le dossier vézelien de Marie-Madeleine. Invention et translation des reliques en 1265-1267. Contribution à l'histoire du culte de la sainte à Vézelay à l'apogée du Moyen Âge, Bruxelles, 1975.

-Peter Diemer, Stil und Ikonographie der Kapitelle von Ste. Madeleine, Vézelay, Heidelberg, 1975. Voir la recension de l'ouvrage par les soins de Jacqueline Gréal et Lydwine Saulnier sur Persée.

-Id., "Das Pfingstportal von Vézelay : Wege, Umwege und Abwege einer Diskussion", Jahrbuch des Zentralinstituts für Kunstgeschichte, I, 1985, p. 77-114.

-Michel Zink, « Moulin mystique. À propos d’un chapiteau de Vézelay : figures allégoriques dans la prédication et dans l’iconographie romane », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 31/3 (1976), p. 481-488. Article en ligne sur Persée.

-Lydwine Saulnier, Neil Stratford, La sculpture oubliée de Vézelay, Catalogue du Musée Lapidaire, Genéve, 1984.

-Robert Pirault, L'école du Moulin. essai sur le message d'un chapiteau de Vézelay, Paris, 1986.

-Christiane Desroches Noblecourt, "Le zodiaque de Pharaon", Archéologia, 292 (juillet-aout 1993), p. 20-45.

-Francis Salet, Cluny et Vézelay. L'oeuvre des sculpteurs, Paris, 1995.

-Kristin Sazama, The Assertion of Monastic Spiritual and Temporal Authority in the Romanesque Sculpture of Sainte-Madeleine at Vézelay (thèse), Evanston, 1995.

-Viviane Huys-Clavel, La Madeleine de Vézelay. Cohérence du décor sculpté de la nef, Chambéry, 1996.

-Jérôme et Bernard Poulenc, Le tympan de Vézelay, Paris, 1996.

-Véronique Rouchon-Mouilleron, Vézelay, livre de pierre, Paris, 1997.

-Ead., Image et discours au XIIe siècle. Les chapiteaux de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, Paris, 2009.

-Marcel Angheben, "Apocalypse XXI-XXII et l'iconographie de portail central de la nef de Vézelay", Cahiers de civilisation médiévale, 1998, 41-163, p. 209-240. Texte en ligne.

-Id., Les chapiteaux romans de Bourgogne : thèmes et programmes, Turnhout, 2003.

-Christian Sapin (dir.), Bourgogne romane, Dijon, 2006.

-Id., "Les origines de l'abbaye de Vézelay et les débuts de son organisation claustrale (IXe-XIIe siècle)", Archéologie médiévale, 45 (2015), p. 59-84.

-Le patrimoine de la basilique de Vézelay, ouvrage collectif, Charenton-le-Pont, 1999.

-Élise Haddad, "Sémiologie de la symbolique romane - problématisation à partir de l'exemple de Vézelay", Communication à l'EHESS, octobre 2009, Archives-ouvertes HAL. Consulter le texte sur cette page.

-Bruno Phalip, "Marie-Madeleine à Vézelay, ou l'hospitalité non représentée", dans : Marthe et Marie-Madeleine. deux modèles de dévotion et d'accueil chrétien, dir. Bruno Phalip, Céline Pérol et Pascale Quincy-Lefebvre, Clermont-Ferrand, 2009, p. 28-39.

-Arnaud Timbert, Vézelay. Le chevet de la Madeleine et le premier gothique bourguignon, Rennes, 2009.

-Id., Restaurer et bâtir. Viollet-le-Duc en Bourgogne, Villeneuve-d'Ascq, 2013.

-Sébastien Biay, Les chapiteaux du rond-point de la troisième église abbatiale de Cluny (fin XIe-début XIIe siècle). Étude iconographique. Thèse soutenue à l'Université de Poitiers en 2011. Cette thèse consacrée aux chapiteaux du rond-point de Cluny III exploite certaines données relatives à la sculpture des portails de la nef de Vézelay. Texte en ligne.

-Raphaëlle Taccone, Marie-Madeleine en Occident, les dynamiques de la sainteté dans la Bourgogne des IXe-XVe siècles, thèse préparée sous la direction de Guy Lobrichon et la co-direction de Daniel Russo, soutenue à l'Université d'Avignon le 11 décembre 2012. Texte en ligne.

-Maï Le Gallic, Le tympan de Vézelay. Les peuples de la terre dans la pensée et l'art roman : traditions iconographiques et littéraires, thèse soutenue le 16-07-2012 à l'Université de rennes II sous la direction de Xavier Barral i Altet.

-Guy Lobrichon, Bourgogne romane, Lyon, 2013.

-Angélique Ferrand, "Le zodiaque dans la décoration ecclésiale médiévale : une autre manière de penser le temps et l'espace", BUCEMA, 19.1, 2015. Texte en ligne.

 

Les bâtiments conventuels

Le complexe monastique, grâce aux fouilles réalisées depuis les années 2000, est mieux connu dans ses états successifs, cinq au total. On est même désormais capables de décrire le plan très simple de ce que fut la première abbatiale, qui occupait à peu près les cinq dernières travées de la nef, se composait d'une nef unique terminée par une abside à conque dans un chevet plat. Une courte avant-nef a été ajoutée dans le courant du Xe siècle. Un cloître existe sans doute déjà au XIe siècle au sud de l'abbatiale. En ce qui concerne les bâtiments conventuels, reste notamment la salle capitulaire commencée sous l'abbé Ponce de Montboissier à la fin des années 1150 et modifiée sous Girard d'Arcy vers 1175 au niveau de la façade de communication avec le cloître. Il s'agit d'une très belle salle rectangulaire reposant sur deux colonnes surmontées de gros chapiteaux à décor floral des années 1160 et dont le plan est le même que celui de la salle capitulaire de l'abbaye Saint-Germain d'Auxerre, strictement contemporaine. Les voûtes de cette salle appartiennent au premier gothique. On notera en particulier les très belles clés de voûtes représentant l'Agneau de Dieu, les quatre symboles des évangélistes, l'archange saint Michel, Samson terrassant le lion, des animaux comme l'aigle, le lion, le singe ou le cheval, des monstres hybrides (un centaure et un basilic) et des personnages, dont saint Théodore.

Vézelay - Ancienne abbaye - salle capitulaire (v. 1160- v. 1175) : arcatures de l'entrée (v. 1175)
Vézelay - Ancienne abbaye - salle capitulaire (v. 1160- v. 1175) : arcatures de l'entrée (v. 1175)
Vézelay - Ancienne abbaye : salle capitulaire (v. 1160- v. 1175)
Vézelay - Ancienne abbaye : salle capitulaire (v. 1160- v. 1175)
Vézelay - Ancienne abbaye : salle capitulaire (v. 1160- v. 1175)
Vézelay - Ancienne abbaye : salle capitulaire (v. 1160- v. 1175)

Le cloître médiéval roman a été vite remplacé par une construction gothique, qui n'existe plus, mais les fouilles de Christian Sapin ont permis de dégager des substructions du cloître roman, puis du cloître gothique (2012). Le cloître actuel a été remonté par les équipes de Viollet-le-Duc en 1854. Sous la place de la Basilique existe une citerne voûtée (XIIe siècle) qui n'est pas accessible au visiteur, mais avec laquelle communique le puits central. Au-dessus de la salle capitulaire, la salle couverte de voûtes d'arêtes qui abrite aujourd'hui les collections du Musée lapidaire était peut-être le dortoir. Elle date de la deuxième moitié du XIIe siècle (v. 1170). La fonction, au Moyen Âge, de la salle (XIIe siècle) qui le précède et qui est située au-dessus de la sacristie, n'est pas connue.

Vézelay - Abbaye - Salle romane au-dessus du cloître (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Salle romane au-dessus du cloître (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Chapiteau dans la première salle romane au-dessus du cloître (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Chapiteau dans la première salle romane au-dessus du cloître (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Ancien dortoir ou ancien scriptorium (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Ancien dortoir ou ancien scriptorium (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Ancien dortoir ou ancien scriptorium (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Ancien dortoir ou ancien scriptorium (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Chapiteau dans l'ancien dortoir ou scriptorium (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Chapiteau dans l'ancien dortoir ou scriptorium (v. 1170)
Vézelay - Abbaye - Ancien dortoir ou scriptorium : chapiteau et traces de décor peint
Vézelay - Abbaye - Ancien dortoir ou scriptorium : chapiteau et traces de décor peint

On peut aussi voir les ruines dans bâtiment qui a longtemps été assimilé, mais à tort, à l'ancien réfectoire, sur l'esplanade au sud, derrière la maison du doyenné dans laquelle logeait le doyen du chapitre au XVIIIe siècle. En fait, il s'agit d'un mur très épais, ouvert de baies, qui appartient à un bâtiment dont l'affectation n'est pas précisément connue et qui se prolongeait depuis l'abbatiale vers le sud (v. 1180). Le château des abbés se situait derrière le chevet de la Basilique, sur la terrasse, au XIIe siècle. Il a été reconstruit par l'abbé Berthier en 1762, puis détruit peu après, lors de la Révolution. Il n'en reste que les marches d'escaliers.

Vézelay - Abbaye - Ruines de l'ancien réfectoire (XIIe siècle)
Vézelay - Abbaye - Ruines de l'ancien réfectoire (XIIe siècle)
Vézelay - Abbaye - Ruines d'un bâtiment conventuel (XIIe siècle)
Vézelay - Abbaye - Ruines d'un bâtiment conventuel (XIIe siècle)
Vézelay - Cloître du XIXe siècle et salles romanes à l'étage (Musée lapidaire et ancien scriptorium ?)
Vézelay - Cloître du XIXe siècle et salles romanes à l'étage (Musée lapidaire et ancien scriptorium ?)

La chapelle Sainte-Croix de La Cordelle

Cet édifice, peut-être bâti sur ordre du roi de France Louis VII à l'époque de l'abbé Ponce de Montboissier, autour de 1150, commémore la prédication de la Seconde croisade par Bernard de Clairvaux en mars 1146 au même endroit devant une foule de chevaliers. De style roman, elle comporte un petit choeur de plan carré et voûté d'ogives (XIIIe siècle). Le style des chapiteaux rappelle celui des sculpteurs du narthex de l'abbatiale, contemporain de la chapelle. La crypte située au-dessous (inaccessible au public) date du XIIe siècle. Auprès de cette chapelle sont venus s'installer avec la permission de l'abbé bénédictin les premiers franciscains envoyés en France par François d'Assise. C'était en 1217. Les franciscains construisirent juste à coté un petit couvent qui fut entièrement détruit durant les guerres de Religions (1569).

Vézelay - Chapelle de la Cordelle (v. 1150)
Vézelay - Chapelle de la Cordelle (v. 1150)
Vézelay - Chapelle de la Cordelle (v. 1150)
Vézelay - Chapelle de la Cordelle (v. 1150)

Pour comprendre les facteurs qui ont entraîné les croisades et connaître les principaux jalons de cet épisode de l'histoire médiévale de l'Occident, voici une émission extraite de la série Des religions et des hommes de l'historien Jean Delumeau :

Bibliographie

Sur la Cordelle, voir :

-l'article de Christian Sapin publié dans le Bulletin du Centre d'études médiévales d'Auxerre, 7 (2003), accessible en ligne sur cette page.

Concernant la prédication de la croisade, lire :

-Jean Flori, Prêcher la croisade, XIe-XIIIe siècle : communication et propagande, Paris, 2012.

Vézelay - La colline boisée depuis le hameau de Fontette
Vézelay - La colline boisée depuis le hameau de Fontette

LE VILLAGE DE VÉZELAY

L’histoire du village, mais il vaudrait mieux parler de ville de Vézelay au Moyen Âge, car le bourg comptait plusieurs milliers d’habitant au faît de son développement, aux XIIe-XIIIe siècles, est indissociablement liée à celle de l’abbaye. Il faut toutefois noter que les bourgeois, comme ailleurs, tentèrent de s’extirper de l’autorité de l’abbé, parfois vécue comme un joug. C’est l’histoire seigneuriale de Vézelay, celle de la pôté, un terme qui vient du mot latin potestas (le pouvoir) et qui désigne souvent une seigneurie ecclésiastique à cette époque. L’abbé y a droit de haute et de basse justice et perçoit dîmes et autres taxes sur les productions et transactions des bourgeois. Il leur demande aussi d’héberger les pèlerins. On voit d’ailleurs encore dans Vézelay des salles enterrées ou semi enterrées, voûtées et dotées de cheminées, que l’on peut associer à cette fonction d’accueil. On pense évidemment à la salle romane Maurice Clavel du Centre Sainte-Madeleine (fin du XIIe siècle), mais aussi aux caves de l’hôtel de ville (même époque), qui se visitent.

Vézelay - Centre Sainte-Madeleine : salle Maurice Clavel : salle semi enterrée de la fin du XIIe siècle
Vézelay - Centre Sainte-Madeleine : salle Maurice Clavel : salle semi enterrée de la fin du XIIe siècle

Les réactions contre le pouvoir abbatial ont parfois été tumultueuses chez les bourgeois, qui tentent en juillet 1152 d’établir une commune avec l’appui du comte de Nevers, lui aussi en délicatesse avec l'abbaye depuis le début du siècle. L’affaire rebondit en 1155 et il fallut que le roi Louis VII donne raison à l’abbé Ponce de Montboissier et condamne les bourgeois à l’amende pour qu’un répit s’installe. Mais un répit seulement. Vézelay compte alors deux paroisses, Saint-Pierre et Saint-Étienne, ce qui démontre l’essor démographique de la ville. Deux foires annuelles, à Pâques et à la fête de sainte Madeleine (22 juillet), y constituaient un pic d'activité.  Les noms de Blanchard, le tailleur, Hugues de Saint-Pierre, "expert en arts mécaniques" (artisanat non précisé par la source), Pierre, le Boulanger, Pierre, le Marchand, et Simon, le changeur, livrés par les chartes ou la Chronique (1157-1167) d’Hugues le Poitevin, donnent une certaine idée de la variété des activités du bourg du Vézelay au XIIe siècle. Le métier de changeur est particulièrement bien attesté à Vézelay aux XIIe et XIIIe siècles. En 1230, par exemple, le duc de Bourgogne Hugues IV emprunte de l’argent à quatre changeurs de cette ville. La population de Vézelay au XIIe siècle pouvait s'établir entre 2000 et 3000 habitants au maximum, selon une hypothèse crédible émise par Jean Lestocquoy dans un article (1952). La réputation de Vézelay est telle que le lieu est choisi par saint Bernard pour y prêcher la deuxième croisade (31 mars 1146).

Vézelay - Les remparts sud (XIVe siècle) et, à l'arrière-plan, le clocher de l'église Saint-Pierre (milieu du XIIe siècle)
Vézelay - Les remparts sud (XIVe siècle) et, à l'arrière-plan, le clocher de l'église Saint-Pierre (milieu du XIIe siècle)

La seconde moitié du siècle, après 1168, est bien plus calme. Vézelay s’était entre-temps libéré de la tutelle de Cluny (1162). Après un nouveau désaccord en 1165 entre le nouvel abbé Guillaume de Mello et certains moines alliés au comte de Nevers Guillaume IV, conduisant à la révolte contre l’abbé, Louis VII intervient encore et impose le rétablissement de ce dernier (1166). Puis l’abbé et le comte se rapprochèrent. Il est vrai que l'aliénation de certains droits ("libertés" dans les textes) de l'abbaye aurait eu pour conséquent d’aliéner du même coup les droits de saint Pierre dont dépendait l'établissement en vertu du privilège d’exemption confirmé par le pape Nicolas Ier (mai 863) puis par son successeur Jean VIII (19 septembre 878) et qu’un esprit aussi légaliste, ombrageux et tâtillon que celui d’un Ponce de Montboissier se câbrait face à une telle perspective. En tout cas, Girart d’Arcy (1171-1198) continua la politique d’apaisement de son prédécesseur Guillaume de Mello. C'est sans doute Girart qui accorda qui accorda aux habitants de Vézelay une charte de franchises, imitée en 1222 par celle de Mont-Saint-Jean. Le pape Lucius III lui accorda le droit de porter les episcopalia, les insignes épiscopales (mitre, anneau, sandales et gants), ce qui entérinait l’indépendance de l’abbaye à l’égard de l’évêque d’Autun, avec lequel l’abbaye s’était aussi souvent querellée, notamment à l’époque de l’évêque Norgaud (1098-1112). C'est aussi sous Girart d'Arcy que les armées de Philippe-Auguste et de Richard Coeur de Lion se donnèrent rendez-vous à Vézelay pour partir à la troisième croisade (1189). Pendant ce temps, le pèlerinage à sainte Madeleine se développait, Vézelay devenant non seulement un centre de pèlerinage très actif, mais aussi une étape sur l’un des chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Les revenus tirés de cette activité enrichirent l’abbaye, dont les possessions foncièrent s’accrurent en outre durant tout le XIIe siècle, au point que les comptes de l’abbaye étaient bénéficiaires en 1198. La situation ne devait pourtant pas durer.

Vézelay - Le site vue depuis la route de Clamecy
Vézelay - Le site vue depuis la route de Clamecy

L’abbé Hugues (1198-1207) semble avoir été dispendieux, puisque l’abbaye se retrouve en grande difficulté financière sous son abbatiat. Le XIIIe siècle apporte encore bien des contrariétés aux moines de Vézelay : la « découverte » du corps de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume (Provence) partage le flot des pèlerins. Deux procès, en 1267 et 1279, amènent les moines à défendre leurs prétentions, mais le mal est fait. Le coup a d’ailleurs été rude. Le pèlerinage végète, désormais. En 1279 et en 1295, les reliques de Saint-Maximin, à la Sainte-Baume, sont authentifiées. C’est la fin des "riches heures" de Vézelay. L’abbaye est ensuite contrainte d’accepter la protection du roi de France (1280), confirmée au XIVe siècle. Le bourg continue d'être actif d'un point de vue économique, cependant, autour de l'activité des changeurs et du commerce du vin, notamment. De nombreuses maisons de pierre ou à pans de bois (XIIIe-XVe siècle) l'attestent encore. Dans le cadre troublé de la guerre de Cent Ans, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi fait fortifier le bourg en l’enveloppant d’une enceinte (1372), celle que l’on voit encore aujourd’hui et qui comporte plusieurs portes et tours équipées de canonnières, dont la Porte Neuve.

Vézelay - Rempart du XIVe siècle
Vézelay - Rempart du XIVe siècle
Vézelay - Rempart du XIIVe siècle : archère-canonnière
Vézelay - Rempart du XIIVe siècle : archère-canonnière
Vézelay - Remparts : le "Guichet", porte d'entrée (tarifée) de la ville au XIVe siècle
Vézelay - Remparts : le "Guichet", porte d'entrée (tarifée) de la ville au XIVe siècle
Vézelay - La Porte Neuve (XIVe-XVIe siècle) : tour à bossage
Vézelay - La Porte Neuve (XIVe-XVIe siècle) : tour à bossage

En 1458, le pape Pie II accorde encore des privilèges aux pèlerins de Vézelay, mais cela ne suffit pas à faire revenir les foules et la manne financière. En 1537, l’abbaye est sécularisée par François Ier, qui subsitue un collège de quinze chanoines aux moines, collège supprimé à la Révolution (1790). Du XVe au XVIIIe siècle, les bâtiments du monastère, à commencer par l’église abbatiale, avaient eu le temps de souffrir bien des dégradations, à commencer par celles que leur infligèrent les Huguenots en 1569, avant que la fureur révolutionnaire ne s’acharne davantage encore, sans toutefois détruire l’abbatiale, devenue église paroissiale du village, ni les portails et les chapiteaux.

Vézelay - Arc roman dans une maison de Vézelay (XIIe siècle)
Vézelay - Arc roman dans une maison de Vézelay (XIIe siècle)
Vézelay - Maison romane (caves) et gothique, ancien temple protestant puis couvent des ursulines, à présent maison privée (v. 1200-milieu du XIIIe siècle)
Vézelay - Maison romane (caves) et gothique, ancien temple protestant puis couvent des ursulines, à présent maison privée (v. 1200-milieu du XIIIe siècle)
Vézelay - Baies en plein cintre d'une maison romane (fin du XIIe siècle), rue de l'Hôpital
Vézelay - Baies en plein cintre d'une maison romane (fin du XIIe siècle), rue de l'Hôpital
Vézelay - Centre Sainte-Madeleine : baies de différentes époques (romane du XIIe siècle, gothique du XVe et moderne du XVIIe siècle)
Vézelay - Centre Sainte-Madeleine : baies de différentes époques (romane du XIIe siècle, gothique du XVe et moderne du XVIIe siècle)
Vézelay - Maison à pans de bois (XIVe-XVIe siècle)
Vézelay - Maison à pans de bois (XIVe-XVIe siècle)

Enfin, la présence à Vézelay de Jules Roy (1907-2000), de Romain Rolland (1866-1944), mais aussi du legs des époux Christian (1889-1970) et Yvonne (1905-1970) Zervos dont rend compte le Musée Zervos, ont justifié l'inscription de Vézelay sur la liste des sites labellisés "Maisons des Illustres". Nombreux furent les auteurs et intellectuels à fréquenter Vézelay. Il faut bien entendu mentionner aussi l'écrivain Max-Pol Fouchet (1913-1980) et le philosophe Maurice Clavel (1920-1979).

Bibliographie

Sur le développement économique de la ville et les tensions associées à la tentative d'établissement d'une commune à Vézelay au XIIe siècle, lire :

-Jean Lestocquoy, « Vézelay. Mise au point », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 7/1 (1952), p. 65-74. Article en ligne sur Persée.

-Monumenta Vizeliacensia. Textes relatifs à l'histoire de l'abbaye de Vézelay, édités par R.B.C. Huygens, Turnhout, 1976.

-Yves Sassier, "Conflit de juridiction et contestation sociale à Vézelay : reflets des tensions idéologiques du XIIe siècle", dans Figures de justice, Études en l’honneur de Jean-Pierre Royer, Lille, 2004, p. 697-703.

-Voir la page consacrée à Vézelay sur le site bourgogneromane.com.