Historique
La villa mérovingienne de Perrecy, qui dépendait de l'évêque de Bourges au début du VIIIe siècle et fut confisquée par Charles Martel, a été donnée par ce dernier à son demi-frère Childebrand, l'un des continuateurs de la Chronique de Frédégaire (613-658) entre 736 et 751 et aussi l'un des ancêtres de la famille des Nibelungides. Son descendant Eccard, comte de Mâcon et fils de Childebrand III, en hérite vers 838 et en fait don en 876 aux moines de l'abbaye de Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire). Des résistances locales n'ont pas permis aux religieux de s'y installer avant une dizaine d'années environ, mais ils y fondèrent finalement un prieuré qui dura jusqu'en 1780. Passé le XVe siècle, commença une période marquée par un déclin ponctué de reprises, qui aboutit à la fermeture du prieuré en 1784. L'église priorale est alors devenue une église paroissiale. Celle-ci a nécessité dès 2008 de lourds travaux de consolidation destinés à conforter l'équilibre général de l'édifice, menacé. Un projet de numérisation laser 3D de la façade a été conduit par les soins de l'École Nationale Supérieure des Arts et Métiers ParisTech (Cluny), de l'Institut Image (Cluny-Chalon), de l'Institut National du Patrimoine et de l'Université Lyon II à partir de 2013 dans le cadre d'une campagne de numérisation qui concerne également d'autres grands tympans romans bourguignons et dont rend compte le site de l'heSam. La découverte de traces de polychromie sur le tympan et le linteau confirme encore une fois le goût médiéval pour la couleur, qui agrémente alors volontiers portails et chapiteaux.
Église Saint-Pierre-et-Saint-Benoît (XIe-XVe siècle)
L'église priorale
Architecture
L'édifice a été construit en plusieurs phases. Tout d'abord, vers 1030-1040, on a édifié la nef plafonnée, inspirée de l'architecture ottonienne (moins la première travée, qui date du début du XIIe siècle), puis le transept (le croisillon nord a cependant été repris dans ses parties hautes à la fin du XIe siècle après un incendie) et la croisée dotée d'arcs diaphragmes, dans la tradition carolingienne, et surmontée d'une coupole lanterne. Ensuite, vers 1120-1130, un narthex ajouré aux dimensions remarquables, à deux travées et à tribunes, est venu prolonger l'église vers l'ouest. Sans doute prévoyait-on de reconstruire entièrement l'édifice. Les moyens auront peut-être manqué : seule la tour nord de façade a été bâtie, vers 1140, pas la tour sud. Le choeur primitif comportait deux absidioles. Ce massif oriental a disparu et fut remplacé de 1487 à 1491 par le choeur actuel, en style gothique flamboyant.
Sculpture
Elle est surtout réunie au niveau du portail et des chapiteaux du narthex et s'avère d'emblée remarquable. Il existe un rapport étroit entre les chantiers du Portail de la Nativité de la nef de Vézelay, du portail de Montceaux-l'Étoile, en Brionnais, et de celui de Perrecy-les-Forges. Francis Salet l'a bien étudié en détail. Le style du tympan et celui du linteau sont différents. Le tympan présente le Christ en gloire encadré de deux anges aux paires d'ailes ocellées. Francis Salet est sévère sur le sculpteur (différent de celui du linteau) : "le tympan n'est qu'une oeuvre médiocre, de facture incertaine et d'une grandeur un peu froide" (Vézelay et Cluny, p. 129). Il est certain, pour Francis Salet, que l'on a affaire à deux mains différentes et il semble aussi que les éléments (tympan et linteau) aient été superposés sans idée programmatique très élaborée. Cependant, toujours selon l'historien de l'art, on peut aussi se laisser émouvoir par la caractère "graphique" des personnages de ce tympan, en particulier les séraphins aux ailes ocellées. Au linteau que prolonge de part et d'autre la frise courant au dessus des chapiteaux qui surmonte les piédroits, on peut voir des scènes de la Passion. Dans ce linteau, il faut peut-être reconnaître le coup de ciseau d'un maître-sculpteur ayant travaillé à Vézelay (le "second sculpteur de Vézelay et Cluny", selon Francis Salet, celui du portail sud de la nef de Vézelay) et à Montceaux-l'Étoile. On identifie également dans l'oiseau tricéphale du chapiteau de la première colonne de droite un élément présent à Cluny et à Vézelay. Le portail roman de Perrecy-les-Forges a sans doute été sculpté durant les années 1130, d'après les hypothèses de Francis Salet. D'autres historiens de l'art se sont également penchés sur cette oeuvre, à commencer par le Professeur Masuyo Tokita-Darling (Université d'Hokkaido) depuis une vingtaine d'années. Une autre datation a été proposée, plaçant cette réalisation aux environs de 1115, donc un peu avant les portails de la nef de Vézelay.
La décoration sculptée
Les vestiges du prieuré
On peut encore voir près de l'église la porte d'entrée du prieuré (de l'époque romane), le logis du prieur (XVe siècle), les anciennes écuries, la boulangerie et la tour-prison.
Bibliographie et ressources en ligne
-Masuyo Tokita Darling, The Romanesque Architecture and Sculpture of Perrecy-les-Forges, Thèse de doctorat, Université de Michigan, 1994.
-Ead., "The Foliate capitals of Perrecy-les-Forges : Implications for Cluny", Current Studies on Cluny, Gesta, 27/1 et 2 (1998), p. 73-82.
-Ead., "Les sculptures du portail de Perrecy-les-Forges, sources brionnaises et innovations", Actes du colloque Le Renouveau des Études romanes, Paray-le-Monial, 2000, p. 213-226.
-Francis Salet, Cluny et Vézelay. L'oeuvre des sculpteurs, Paris, 1995.
-Christian Sapin, Bourgogne romane, Dijon, 2006.
-Olivier Bruand, Les origines de la société féodale : l'exemple de l'Autunois, France, Bourgogne, Dijon, 2009 (de longs développements y sont consacrés par l'auteur à la villa de Perrecy-les-Forges).
-Sébastien Biay, Les chapiteaux du rond-point de la troisième église abbatiale de Cluny (fin XIe-début XIIe siècle). Étude iconographique. Thèse soutenue à l'Université de Poitiers en 2011. Cette thèse consacrée aux chapiteaux du rond-point de Cluny III exploite des données qui sont relatives à la sculpture du portail de Perrecy-les-Forges. Texte en ligne.
-Guy Lobrichon, Bourgogne romane, Lyon, 2013.
-Très bonne présentation de l'ancien prieuré de Perrecy-les-Forges sur bourgogneromane.com.