Le monastère, puis prieuré de Moutiers-en-Puisaye dans l'histoire
On conserve peu de vestiges de ce monastère fondé, selon une tradition que rapporte la Geste des évêques d'Auxerre (rédigée dès 873), par l'évêque d'Auxerre Quintillien (716-728 ?). L'établissement est intégré dès 864 dans les possessions de l'abbaye Saint-Germain d'Auxerre et devient donc un prieuré. Ce dernier subit comme beaucoup d'autres établissements religieux de nombreuses avanies durant le Xe siècle, avant de bénéficier du mouvement de réforme qui touche Saint-Germain d'Auxerre au début du XIe siècle, à l'époque d'Heldric, abbé de Saint-Germain, et d'Hugues de Chalon, évêque d'Auxerre. Il semble que d'importants travaux aient notamment été réalisés à ce moment-là et que le prieuré ait été doté de reliques, ce qui a pu favoriser des pèlerinages locaux. Une église Saint-Pierre, paroissiale, est alors construite (elle est mentionnée dès 990) à côté de lieux de culte antérieurs qui dépendaient du prieuré. Ce dernier est fortifié vers 1280, ce qui ne l'empêche pas de subir les saccages des Armagnacs en 1410 et ceux de la soldatesque pendant les guerres de Religion (1587), puis d'être victime de l'incurie des prieurs commendataires, responsables, finalement, de l'interruption de la vie conventuelle en ce lieu dès le début du XVIIe siècle.
Église Saint-Pierre (XIe-XVe siècle)
Il arrive que les restaurations d'édifices médiévaux réservent de belles surprises. Ce fut le cas à l'église Saint-Pierre où, en décapant le badigeon dont avaient été recouverts les murs, on découvrit en 1982 ce qui constitue aujourd'hui encore l'un des décors médiévaux peints les plus vastes de Bourgogne (200 m2).
L'édifice lui-même date de plusieurs époques. La partie la plus ancienne est la nef. La présence d'un appareil en arêtes de poisson (opus spicatum) permet de penser qu'elle fut érigée dès le début du XIe siècle et pourrait donc correspondre aux campagnes de restauration et de constructions évoquées par les textes en ce qui concerne cette période. Le petit narthex ajouré, doté de baies à claire-voie du XVe siècle, a sans doute été construit au XIIIe siècle. Tout le massif oriental (choeur et chapelles) a été reconstruit entre 1460 et 1469.
Le mur nord de la nef, le revers de façade et une partie de la première travée du mur sud sont occupés par un décor peint à la fin du XIIe siècle. Deux registres décoratifs encadrent un registre médian où figurent des scènes de la vie du Christ : Annonciation, Visitation, Nativité, Annonce aux Bergers, le Christ ressuscité au milieu des anges et montrant ses plaies.
Au mur sud, les peintures sont moins anciennes, mais parfois, les deux couches, romane et gothique, voisinent ou se superposent. Les scènes de la première travée sont romanes, par exemple. Cependant, les peintures du mur sud sont surtout gothiques. Leur style se rapproche de celui de l'école de Paris à la fin du XIIIe siècle. La datation proposée par la plupart des spécialistes se situe d'ailleurs autour de 1300. Les scènes sont disposées sur quatre registres superposés et se déploient surtout au niveau des 2e, 3e et 4e travées. On distingue une procession (très effacée) au registre supérieur et le cycle de la Genèse au registre médian. Au registre inférieur, tout un cycle est consacré à saint Jean-Baptiste et au Déluge. Des peintures de l'époque moderne (XVIe et XVIIe siècle) couvrent aussi des parties de mur dans le choeur et les chapelles. C'est en tout cas un trésor pictural exceptionnel, aux tonalités ocres (l'ocre est très abondant à proximité), qui mérite absolument le détour par ce petit village de Puisaye, au passé médiéval prestigieux.
Bibliographie et ressources en ligne
-Lydwine Saulnier-Pernuit, René Pélissier, Suzanne Pélissier, "Les peintures murales de Moutiers (Yonne)", Archéologia, 236 (Juin 1988), p. 30-39.
-Sophie-Sarah Gasnier, "Les peintures murales de Moutiers", Archéologia, 309 (Février 1995), p. 34-41.
-René et Suzanne Pelissier, Moutiers (Yonne). Son histoire, ses peintures murales, Moutiers-en-Puisaye, 2007.