L'abbaye de Tournus dans l'histoire
Origines
L'abbaye de Tournus, bien connue des historiens de l'art et des nombreux touristes qui la visitent à juste titre, ainsi que le bourg qui s'est développé à proximité, ne sont pas nés de rien. Des traces de stations néolithiques ont été identifiées dans les environs proches et ce site de gué sur la Saône, que fut d'abord Tournus, a justifié la création d'un castrum (camp fortifié) à l'époque romaine : le Castrum Trinorciense mentionné par l'évêque Grégoire de Tours au VIe siècle. D'après des recherches récentes, les vestiges de la muraille antique remonteraient à la fin du IIIe siècle ou au début du siècle suivant. Sans entrer dans des précisions sur ses limites, disons que le castrum a précédé le quartier localisé autour de l'église de la Madeleine (XIIe siècle), non loin des bords de Saône. Plus au nord, sans doute dès le VIe siècle, une basilique avait été établie pour accueillir les reliques de Valérien, victime supposée de l'une des persécutions romaines du IIe siècle contre les chrétiens.
Christianisation et récits légendaires
Il faut rappeler que c'est surtout à cette époque, au VIe siècle, qu'un cycle de récits des origines chrétiennes est produit en Bourgogne, d'autant que la fragmentation du vaste diocèse d'Autun en trois ensembles (les diocèses d'Autun, Chalon et Mâcon) vers l'an 500 a pu contribuer au fait que chacun d'entre eux se cherche les racines les plus prestigieuses. C'est ce qui se produit au même moment à Langres-Dijon avec l'invention (le terme latin inventio signifie "découverte") des reliques de saint Bénigne. On cherche en particulier à relier les débuts de la christianisation à la prestigieuse Église lyonnaise. Au même titre qu'Irénée de Lyon, Valérien devient ainsi sous la plume de l'hagiographe un envoyé de Polycarpe, évêque de Smyrne en Asie mineure et lui-même disciple de l'apôtre Jean. Grégoire de Tours ne fait que mentionner ce bâtiment à Tournus ainsi que l'existence du prêtre Epirechius, chargé du culte local, dans La gloire des martyrs (De gloria martyrum, I, 54).
Saints et reliques : Philibert et les autres
Ensuite, cependant, les sources sont totalement muettes pendant trois-cents ans et il faut attendre le IXe siècle pour que le site soit de nouveau évoqué, dans le cadre, cette fois-ci, des menaces que faisaient peser les Vikings sur la région. Depuis l'an 677, les moines de l'île de Noirmoutier (alors appelée Herio), bien loin de là, possédaient à peu de distance de Tournus la villa de Venière, qui leur avait été donnée par l'évêque de Poitiers Ansoald. Est-ce pour cette raison que les religieux de cet établissement insulaire, fuyant les Vikings, se lancèrent dans un périple qui finirait par les conduire à Tournus ? C'est possible. Il faut cependant compter aussi avec les réalités politiques de l'époque. Le premier abbé, Geilon, qui était arrivé à la tête de sa petite troupe de moines en 875 avec les reliques d'un saint de l'ouest, Philibert (v. 616-685), un évangélisateur formé à la cour de Dagobert Ier et un proche de saint Ouen, pouvait compter sur le soutien d'un homme à la puissance montante : Boson, grand aristocrate, beau-frère du roi Charles le Chauve qui, après la mort de ce dernier, entra en réaction contre le successeur carolingien avant de se faire couronner lui-même roi à Mantaille, puis d'être expulsé de la région de Mâcon par son propre frère Richard le Justicier, premier duc de Bourgogne (880). C'est sans doute par son intermédiaire que la petite communauté obtient la Turnutium villa (villa de Tournus) en 875. Boson, de son côté, honora la jeune abbaye par une politique de donations (Uchizy en 878), en particulier dans la vallée du Rhône.
La politique avisée des premiers abbés
Cette vague discontinue de donations prit de l'ampleur au fil des siècles, surtout à la charnière des XIe et XIIe siècles, sous l'abbé Pierre Ier (1066-1105). Benjamin Saint-Jean Vitus, à qui l'on doit une thèse remarquable sur l'abbaye et la ville de Tournus du XIe au XIVe siècle, observe que les possessions passent de 50 à 165 entre 1059 et 1119. L'établissement sut établir de bonnes relations avec les souverains carolingiens puis capétiens, les comtes et les évêques de Chalon, dont il dépendait, et constitua un réseau de prieurés dépendants. Il avait obtenu un droit de monnayage dès 889, l'immunité fiscale, des droits sur des marchés locaux régulièrement tenus et, finalement, le privilège d'exemption de l'autorité de l'ordinaire (l'évêque de Chalon), décerné par le pape Calixte II en 1121. L'abbaye acquiert des reliques aux Xe-XIe siècles et les pèlerinages, le premier, ancien, à saint Valérien, et le second sur la tombe de l'abbé Ardain (1028-1056) à partir du XIIe siècle, contribuent à l'enrichissement du monastère. Ce dernier peut aussi compter sur d'importantes ressources foncières et la perception de droits de justice conséquents : les églises, notamment Cluny et Tournus (en concurrence entre elles à la fin du XIe siècle), apparaissent ainsi comme des acteurs majeurs de la mise en place des structures de la seigneurie dans le sud de la Bourgogne actuelle.
Au temps des difficultés, encore de l'éclat
La deuxième moitié du XIIe siècle est plus difficile pour Tournus d'un point de vue économique et les dettes s'accumulent, mais c'est le cas de beaucoup d'abbayes bénédictines, comme Cluny et Vézelay au tournant du siècle. Le XIIIe siècle est plus serein, en particulier sous l'abbé Bérard (1223-1245). Les malheurs de la guerre de Cent Ans (XIVe-XVe siècle) nécessitent ensuite des travaux importants de fortification, auxquels nous devons plusieurs tours qui existent encore et scandent le périmètre de l'abbaye. En 1422, les Armagnacs saccagent la ville. Des efforts de réforme sont consentis à la fin du XVe siècle, tandis que la population urbaine, qui dépendait en tout de l'autorité de l'abbé, cherche à s'émanciper de celle-ci. Sécularisée en 1627 (des chanoines remplacent les moines), l'abbaye conserve des religieux jusqu'à la Révolution française, qui met fin au culte. Fort heureusement, l'abbaye de Tournus ne connut pas le triste sort de celle de Cluny, quant à elle littéralement dépecée par les marchands de biens. À Tournus, c'est à un complexe monastique bénédictin absolument remarquable, parce que presque complet et aussi l'un des plus anciens de France, que l'on a affaire.
Le complexe monastique
Il doit son existence à la plus forte période de croissance économique de l'abbaye, entre le XIe et le XIIIe siècle. Il témoigne aussi d'une bonne résistance à ce véritable empire monastique que fut celui de Cluny à la même époque. Les relations entre les deux établissements ont parfois été tendues, mais généralement bonnes au XIe siècle, quand les abbés édifient l'essentiel des bâtiments encore en élévation.
L'abbatiale
Elle résulte pour l'essentiel de quatre campagnes de construction réparties entre les années 1010 et le milieu du XIIe siècle.
La crypte
Elle se compose d'une salle apparentée au type crypte-halle ; elle est formée de trois nefs couvertes de voûtes d'arêtes dont on aperçoit d'ailleurs encore les coffrages de planchettes de bois qui en assuraient la stabilité avant séchage du mortier. Cette salle est terminée par trois petites conques, à l'ouest, et notamment par un puits. Les voûtes sont portées par des colonnes surmontées de chapiteaux à décor de feuillages inspirés par le type corinthien. La salle est séparée d'un large déambulatoire par un mur épais et s'ouvre sur cinq chapelles rayonnantes voûtées de berceaux longitudinaux. Le plan de la crypte est repris à l'étage supérieur par celui du chevet. On date à présent cette crypte des années 1110 aux années 1020 approximativement. Une consécration intervenue en 1019 pourrait en tout cas suivre de près le début des travaux, initiés par l'abbé Bernier (1008-1028).
Chevet et nef
Les parties basses du chevet ont été implantées dans la foulée, c'est-à-dire dès les années 1020. L'ancienne nef du Xe siècle existait encore. On lui accole un choeur de deux travées. Ce choeur à déambulatoire et à cinq chapelles rayonnantes apparaît alors comme le résultat d'un chantier d'expérimentation novateur. Il traduit la montée en importance d'un monachisme de plus en plus sacerdotalisé (les messes votives sont nombreuses) qui, de plus, veut attirer les pèlerins auprès des reliques placées dans certains autels. Il faut donc songer à la logistique des processions. L'enveloppe du transept est également plantée à cette époque. Ainsi se met au point à Tournus un véritable modèle qui se diffuse largement durant la seconde moitié du XIe siècle. Le moellon et le moyen appareil en chaînage sont utilisés, mais aussi l'opus spicatum, visible dans les murs du chevet à l'extérieur. Les modes constructifs sont donc multiples. Les voûtes du chevet et du transept ont cependant été reprises entre 1120 et 1130 environ et l'on jeta alors la coupole sur trompes sur la croisée, probablement à la suite d'un incendie, et ce n'est pas avant les années 1140 que l'on édifia le clocher de la croisée, où la grammaire décorative est celle d'un art roman à son apogée. Les chapiteaux de la croisée sont d'ailleurs à mettre en relation avec ceux de la nef de la priorale d'Anzy-le-Duc, dans les années 1120, selon Éliane Vergnolle.
Au même moment, le maître-d'oeuvre entamait l'enveloppe du porche actuel, aux proportions considérables. Celui-ci fut achevé autour de 1040 avec l'érection des tours occidentales. On s'intéressa ensuite seulement à la nef, qui fut l'objet d'une campagne assez longue. Celle-ci ne s'acheva pas avant les années 1080, voire un peu plus tard. Il semble que l'architecture obéisse ici à une recherche systématique de la lumière : des piles rondes de petit appareil maçonné supportent le départ des arcs-diaphragmes, sur lesquels retombent des berceaux transversaux, et les demi-piles engagées qui les soutiennent. Le choix de voûtes en berceaux transversaux permet d'ouvrir des baies à l'étage et donc de favoriser l'apport d'un éclairage optimal. Les collatéraux sont quant à eux couverts de voûtes d'arêtes, donc l'intérêt est également ici, précisément, de permettre l'ouverture de baies dans le mur gouttereau en répartissant sur les supports d'angle les poussées consécutives au poids de la voûte. Ce choix du berceau transversal sur nef centrale ne sera repris, à l'échelle régionale, que dans l'église clunisienne de Mont-Saint-Vincent vers 1100-1120. L'usage des grosses piles rondes maçonnées également présentes dans le narthex est quant à lui surtout attesté au scriptorium et au chapitre de l'abbaye Saint-Bénigne à Dijon, à l'église de Chapaize toute proche, au chevet de l'église de Combertault, des édifices antérieurs à 1050, ainsi que, vers la fin du XIe siècle, dans la salle basse des Écuries de saint Hugues à Cluny. En revanche, la sculpture est réduite à sa plus simple expression dans la nef.
Les mosaïques du déambulatoire
Il fallait probablement que les travaux de réfection du chevet soient terminés pour que l'on pense à la décoration des sols. Or, le chantier paraît avoir pris fin autour de 1150 seulement. La découverte de mosaïques de sol dans le déambulatoire en 2001 a été un événement important du point de vue de l'histoire de l'art, car la France possède peu de mosaïques romanes. Les parties conservées, et désormais exposées, représentent le cavalier du moins de mai (un fauconnier), les gémeaux et le cancer. Si l'épigraphie trahirait volontiers une date un peu antérieure à 1150, certains spécialistes font observer que le traitement stylistique des vêtements, en particulier, désignerait plutôt une date tardive dans le XIIe siècle, par exemple les années 1180-1190, sans qu'il soit toutefois nécessaire de descendre plus bas dans la datation. Nous avons donc probablement affaire ici à un témoignage exceptionnel de mosaïque romane de la seconde moitié du XIIe siècle.
Le narthex
Après avoir présenté brièvement le chevet, il aurait fallu directement poursuivre avec l'avant-nef, avant d'évoquer la nef, puisque le narthex fut construit juste après le chevet, selon un programme modifié et amplifié probablement sous l'influence de l'abbé Ardain (1028-1056). Ce massif de trois nefs de trois travées chacune forme un quadrilatère de plus de vingt mètres de côté. C'était sans doute un espace dévolu aux stations prévues pour certaines processions liturgiques et pour l'accueil des pèlerins, l'étage du narthex étant, lui, plutôt réservé à la prière pour les défunts (une chapelle Saint-Michel y a été établie pour cela). Symboliquement, cette avant-nef pouvait également figurer le passage d'une vie terrestre au Ciel ou même, avant cela, celui d'une existence pécheresse à la conversion qui ouvre les portes du paradis au terme d'un long chemin que matérialisent successivement la nef et le sanctuaire, lieu réservé aux moines (les anges, selon une comparaison empruntée au Pseudo-Denys l'Aréopagite). En tant que lieu de passage, cette partie de l'édifice était désignée sous le terme "galilée" à Cluny, tout comme à Vézelay et à Tournus au XIIe siècle. Or c'est bien dans cette région, la Galilée, que la vie du Christ s'est d'abord développée avant son ministère public et sa Passion à Jérusalem.
Le vaisseau central est vouté d'arêtes et les bas-cotés de voûtes en berceaux transversaux, une solution reprise sur la grande nef quelque vingt ans plus tard, à plus de 18 mètres de hauteur. La salle de l'étage, couverte d'un berceau longitudinal dont la stabilité est assurée par des traves (trabes en latin) de bois, s'ouvre à l'est sur une petite abside où réapparaît la figure humaine au chapiteau de la retombée de l'arc dit "de Gerlannus" (v. 1040), à gauche. Tournus innove aussi en cela. À l'extérieur, le décor d'arcatures aveugles, d'arcs en chevron, de bandes de moellons disposés en dents de scie et en dents d'engrenage sont des éléments qui appartiennent à la grammaire stylistique et au mode de bâti de ce que l'on appelle parfois le premier art roman, autrefois art roman lombard. On aperçoit très bien ce décor sur les photographies de la tour sud du narthex, ci-dessous. En revanche, la décoration du grand portail ouest et surtout de la tour nord désigne une grammaire bien différente : la profusion des petits chapiteaux, d'une décoration animalière fantastique, des colonnes torsadées, des pilastres cannelés et des arcs polylobés est à comparer avec la sculpture qui s'épanouit dans le Lyonnais à la même époque (v. 1150), plus précisément à Saint-Martin d'Ainay (à Lyon, sur la Presqu'île), et dans le Brionnais, à la collégiale de Semur-en-Brionnais.
Les bâtiments conventuels
Ils sont conservés, de manière assez complète, dans un état du XIe siècle modifié parfois au XIIe ou au XIIIe siècle. Manquent la cuisine et surtout le dortoir en son état originel, au-dessus de la salle capitulaire. On peut distinguer notamment les restes du cloître, la salle du chapitre, le parloir (locutorium), le cellier, le réfectoire et le Palais des abbés derrière le chapitre, de l'autre côté de la rue.
Le cloître
Du cloître roman du XIe siècle, il ne reste, intacte, que la galerie nord. Celle de l'est a été modifiée au XIIe siècle et à l'époque gothique (réfection des arcatures communiquant avec la salle capitulaire). Les supports de cette galerie ont été plantés dès les années 1040 et les chapiteaux qui décorent les piliers cruciformes datent de cette époque aussi.
La salle capitulaire
Cette salle semble être une innovation à Tournus vers 1100. C'est en tout cas l'une des plus anciennes de Bourgogne avec celle de Saint-Bénigne de Dijon et celle de Charlieu (dans la Loire). Certes, le Plan de Saint-Gall (v. 820) prévoit une salle du chapitre dans laquelle les moines, après l'office de prime, se réunissent pour lire un chapitre de la Règle de saint Benoît, d'où le nom de cette salle. Cependant, tous les monastères n'en ont pas, avant le XIIe siècle. Cette salle capitulaire a été restaurée du temps de l'abbé Bérard (1223-1245), qui en a fait refaire les supports, les chapiteaux et le voûtement (d'ogives) en 1239.
Réfectoire
C'est une très belle salle de 42 mètres de longueur qui a reçu sa voûte en berceau brisé vers 1150. Elle abrite, fait relativement rare, une loge du lecteur, depuis laquelle un moine faisait la lecture pieuse à ses frères durant le repas pris en silence.
Cellier
Compris dans un bâtiment construit au XIe siècle, il a aussi été modifié au siècle suivant (v. 1140).
Le Palais abbatial
Ce dernier a été construit par l'abbé Jean de Toulonjon (1471-1498). Le bâtiment ne se visite pas.
Le bourg
L'église Saint-Valérien
Il s'agit, comme pour Saint-Laurent, d'une église stationnale des environs de l'abbaye. De style roman, elle a été construite durant le deuxième quart du XIIe siècle. La nef et le choeur sont voûtés en berceaux brisés.
L'église Sainte-Madeleine
Jusqu'au XVe siècle, cette église était dédiée à Saint-Marie du Châtel. C'est sans doute la toute première église paroissiale du bourg, dès le début du XIIe siècle. L'édifice a été construit durant le troisième quart du XIIe siècle, mais modifié par la suite, avec un voûtement d'ogives jeté sur la nef en 1445. Une baie gothique a aussi été percée dans le mur de l'abside. Dans son équilibre général, c'est cependant une église romane.
La chapelle Saint-Laurent
L'abbaye Saint-Philibert possédait quelques oratoires dispersés autour du périmètre monastique. C'est le cas de cette chapelle, peut-être une chapelle stationnale desservie lors de certaines processions. C'est en tout cas l'édifice chrétien le plus ancien de Tournus, à 400 mètres au nord de l'abbaye. Presque entièrement construite en opus spicatum, la chapelle Saint-Laurent date des environs de l'an mil, mais elle a été remaniée au XIIe siècle (baies, clocher, portail). Sa nef est charpentée.
L'enceinte médiévale
Les deux tours d'entrée du monastère datent du début du XIIIe siècle, les autres tours sont du XIIIe au XVe siècle. L'enceinte elliptique, encore bien peu dissuasive au XIIe siècle, a été considérablement renforcée à partir du XIIIe siècle.
Maisons médiévales
L'un des mérites de la thèse de Benjamin Saint-Jean Vitus est d'avoir autant que faire se peut, s'agissant bien souvent de bâtiments privés, analysé le bâti civil du Tournus médiéval. Six maisons du XIIe et début XIIIe siècle forment un corpus très intéressant, notamment la demeure de la Rue du Passage Étroit (milieu du XIIe siècle), remaniée au siècle suivant. Un autre ensemble, composé d'une quarantaine de maisons des XIIIe-fin XIVe siècles, constitue un échantillon remarquable de maisons civiles de la fin du Moyen Âge. Il semble qu'un type particulièrement répandu aux XIIe-XIIIe siècles soit la maison haute, du type maison-tour, sur un cellier sans fenêtre. La maison noble avec cour centrale ne semble guère attestée avant la fin du XIVe siècle. Les grands serviteurs de l'abbaye (ministériaux) ou les nobles des environs qui occupaient probablement ces maisons dans un premier temps ont peu à peu laissé place à des bourgeois associés à l'artisanat et au commerce à partir de la fin du XIIIe siècle, au fur-et-à-mesure que se développaient les quartiers occupant les espaces intercalaires. La cheminée, un équipement de luxe, existe déjà dans certaines de ces maisons civiles au XIIe siècle, mais ne se répand vraiment qu'à la fin du Moyen Âge. On estime que Tournus pouvait abriter une population d'environ 1000 personnes au XIe siècle, et sans doute guère plus de 1500 au XVe. La communauté monastique, quant à elle, pouvait compter jusqu'à 80 ou 100 membres au XIIe siècle, à peine une cinquantaine à la fin du Moyen Âge.
Bibliographie
La bibliographie concernant Tournus est considérable, mais on peut désormais s'appuyer sur la thèse suivante :
-Benjamin Saint-Jean Vitus, Tournus. Le castrum, l'abbaye, la ville, XIe-XIVe siècle et prémices. Analyse archéologique d'un développement monastique et urbain, présentée et soutenue à l'Université Lumière-Lyon 2 en 2006. En ligne sur le site de l'Université Lyon 2.
-On peut compléter, sur un plan assez général en ce qui concerne le milieu urbain médiéval, par la lecture du livre de Jean-Pierre Leguay, Vivre en ville au Moyen Âge, Paris, 2012.
Sur les origines de l'abbaye et les pérégrinations des reliques de saint Philibert :
-Isabelle Cartron, Les pérégrinations de Saint-Philibert. Genèse d’un réseau monastique dans la société carolingienne, Rennes, 2009.
Lire aussi :
-Jean-Denis Salvèque, Pierre Garrigou Grandchamp, L’architecture des XIIe-XIIIe et XIVe siècles à Cluny et Tournus, dans Saint-Philibert de Tournus : histoire, archéologie, art. Actes du Colloque International d’Études romanes. Tournus, 15-19 juin 1994, Tournus, 1995, p. 347-375.
-Christian Sapin (dir.), Les prémices de l'art roman en Bourgogne, Auxerre, 1999.
-Id. (dir.), Avant-nefs et espaces d'accueil dans l'église entre le IVe et le XIIe siècle. Actes du colloque international du CNRS (Auxerre, 17-20 juin 1999), Paris, 2002.
-Guy Lobrichon, Bourgogne romane, Lyon, 2013.
Sur les mosaïques, voir notamment :
-Benjamin Saint-Jean Vitus, "Découverte d'une mosaïque romane à Saint-Philibert de Tournus, Bulletin Monumental 160/4 (2002), p. 399-400. En ligne.
-Le décor retrouvé à Saint-Philibert de Tournus. Regards sur la mosaïque médiévale, actes du colloque du Centre international d’études romanes de Tournus des 18-19 septembre 2003, Tournus, 2004.
Ressources en ligne
-Consulter la page sur l'abbaye de Tournus dans bourgogneromane.com.