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Vic-sous-Thil

Château de Thil (XIIIe-XVe siècle)

La forteresse peut être aperçue à plusieurs kilomètres, sise comme elle l'est au sommet d'une butte dominant l'Auxois et offrant une très belle vue sur le Morvan. En ce qui concerne ce château, bien des éléments fournis par les sources secondaires méritaient d'être mieux étayées. C'est chose en grande partie faite depuis les conclusions proposées par Georges Thiéry dans un mémoire de Master préparé en 2001-2003 à l'Université de Bourgogne. Il faut donc désormais partir de cette étude précise et fort bien documentée.

Vic-sous-Thil - Château de Thil : la Tour de guet (v. 1300)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : la Tour de guet (v. 1300)

On lit couramment qu'une occupation celtique ou romaine a précédé celle du haut Moyen Âge et du Moyen Âge central ou tardif. Rare est en réalité le matériel recueilli au cours des déblaiements, qui soit de nature à justifier cette assertion. Cela reste une possibilité, sans preuve formelle qui, a fortiori, permettrait aux archéologues de dresser le moindre plan desdites occupations. De fait, rien n'indique l'existence d'un habitat en ce lieu avant le XIe siècle, même si l'on peut tout de même supposer que cela devait être le cas un peu auparavant (au Xe siècle ?), dans la mesure où le premier sire connu, Miles de Thil, fonde un prieuré à Précy-sous-Thil dès 1007 et où un castellum (tout type d'habitat fortifié) est attesté sur la butte en 1016. Thil est une vicomté du XIe au début du XIVe siècle. Il est indiqué comme comté en 1310 avant de devenir une baronnie à la fin du XVIe siècle. On suit assez bien la trajectoire de la famille féodale de Thil jusqu'en 1582 à l'aide de la documentation. Jusqu'à cette date, le château fut constamment habité et aménagé. En 1112, Gislebert de Thil donne des dîmes à l'abbaye de Fontenay toute proche. Une lettre du pape Eugène III, datée du 19 décembre 1152, cite un Eudes de Thil ; une autre, de son successeur Anastase IV et datée du 25 décembre 1153, cite le même personnage, toujours dans le cadre des affaires relatives aux difficultés relationnelles entre l'abbaye de Vézelay et les bourgeois de cette ville (Monumenta Vizeliacensia. Textes relatifs à l'histoire de l'abbaye de vézelay, édités par R.B.C. Huygens, Corpus christianorum, Continuatio mediaevalis, 52, Turnhout, 1976 : lettre 37, p. 332 ; lettre 59, p. 368). Aux XIIIe et XIVe siècles, la maison de Thil n'a cessé de prendre de l'importance et, sans surprise, cette affirmation politique s'est traduite par l'agrandissement du noyau seigneurial primitif et à vrai dire non repérable des XIe-XIIe siècles (usage de matériaux périssables comme le bois ?). Un personnage au relief particulier a beaucoup compté dans l'histoire de Thil : il s'agit de Jean Ier. Ce dernier devient vers 1340 connétable héréditaire du duc de Bourgogne. Le connétable est un grand officier attaché à la maison du duc. Au service d'Eudes IV (1315-1349), Jean Ier a même été promu parmi les conseillers du roi Philippe VI de Valois (1328-1350) et mourut en 1354.  Vers 1400, le comte de Thil possède une vingtaine de vassaux et à peu près autant de villages des environs dépendent de lui. Son fief avait été déclaré "jurable et rendable au duc" au début du XIVe siècle.

Vic-sous-Thil - Château de Thil : pan de mur du rempart (reconstruit)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : pan de mur du rempart (reconstruit)

Le château se présente aujourd'hui comme une structure fortifiée de quelque 125 mètres sur 70 mètres, de forme grossièrement ovoïde, ou plutôt pentagonale. Il faut contourner le rempart pour entrer dans le château. Sur ce trajet, le visiteur est d'abord impressionné par la haute tour de guet (25 mètres) qui permet d'embrasser du regard un large panorama. Une fois entré dans la cour, il se trouve face à la porte voûtée qui permet d'accéder au réduit seigneurial. À droite, l'habitation actuelle des propriétaires est un bâtiment de plan à peu près carré, très restauré. Le visiteur peut entrer ensuite dans le cellier, qui est est partie la plus ancienne (vers 1200). Il s'agit d'une belle salle voûtée d'ogives. Ce cellier était associé à un logis de la même époque, plus tard augmenté, à proximité, d'une tour-résidence dans laquelle on peut voir une salle d'apparat (fin du XIVe siècle). Des latrines de la même époque sont conservées près de cette partie. La tour de guet, quant à elle, daterait apparemment plutôt de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle, non de 1366 comme on peut le lire également çà et là. À la fin du XIIIe siècle a aussi été construite la tour carrée au nord et à la fin du XIVe siècle la "salle des gardes" aujourd'hui en ruines, mais dans laquelle on peut encore apercevoir les restes de cheminées. Si le rempart sud fut établi dès le début du XIIIe siècle puis complété à la fin de ce même siècle, le rempart nord équipé de canonnières ne fut édifié qu'à la fin du XVe siècle, date à laquelle l'habitation actuelle fut également construite. En somme, nous avons affaire ici à un témoin de l'architecture militaire et féodale des XIIIe-XVe siècles.

Vic-sous-Thil - Château de Thil : rempart sud (début et fin du XIIIe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : rempart sud (début et fin du XIIIe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : latrine (fin du XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : latrine (fin du XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : habitation actuelle (fin XVe siècle, restaurée)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : habitation actuelle (fin XVe siècle, restaurée)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : voûte d'ogive (XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : voûte d'ogive (XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : meurtrière (XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : meurtrière (XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : rempart équipé de canonnières (fin XVe-début XVIe siècle)
Vic-sous-Thil - Château de Thil : rempart équipé de canonnières (fin XVe-début XVIe siècle)

Il s'agit pourtant d'un témoignage parfois décrié, car le château a effectivement fait l'objet de campagnes de restauration vraiment drastiques au XXe siècle (en 1928 et entre 1975 et 1978 notamment). L'ensemble, dont les anciennes photographies démontrent l'état de ruine avancé, a en effet donné lieu à certaines reconstructions. Çà n'est pas un cas unique. Les châteaux du Moyen Âge nous sont parvenus dans un état de conservation très variable. Celui de La Rochepot, par exemple, a dû être pratiquement reconstruit, comme le prouvent, là encore, les photographies anciennes. Il n'en reste pas moins que le site de Thil et son château offrent au visiteur un aperçu remarquable de l'architecture castrale au sein du maillage féodo-vassalique en Bourgogne. Avec détermination, les propriétaires actuels poursuivent cette mise en valeur.

Il faut enfin signaler l'existence, à proximité du château, sur la butte, de la belle collégiale fondée en 1341 par Jean Ier de Thil et consacrée le 12 août 1344. Monument privé, celle-ci ne se visite pas. Il s'agit d'une église au clocher fortifié et à chevet plat, dont le choeur est couvert de voûtes d'ogives. Étrangement, la nef de trois travées a quant à elle reçu une voûte en berceau qui l'apparenterait plutôt à un édifice du XIIe siècle. D'autres exemples régionaux confortent cependant la date ordinairement admise pour la construction de la collégiale (années 1340). Le chapitre a été en fonction jusqu'à la Révolution.

Vic-sous-Thil - Collégiale de Thil (milieu du XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Collégiale de Thil (milieu du XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Collégiale de Thil (milieu du XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Collégiale de Thil (milieu du XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Collégiale de Thil (milieu du XIVe siècle)
Vic-sous-Thil - Collégiale de Thil (milieu du XIVe siècle)

Bibliographie et ressources en ligne

-Jean-Pierre Ravaux, "La collégiale de Thil-en-Auxois", Société française d'archéologie, Congrès archéologique de France, 144e session (1986) : Auxois - Châtillonnais, Paris, 1989, p. 203-209.

-Georges Thiéry, Le château de Thil-en-Auxois (XIe-XXe siècle), Mémoire de Master préparé sous la direction de Denis Cailleaux et Daniel Russo, Université de Bourgogne, années universitaires 2001-2003. Volume 1 : Textes ; volume 2 : Annexes.

-En ce qui concerne les activités culturelles proposées au château de Thil, voir le site du château.