Église Notre-Dame (XIIe et XIIIe siècle)
Cet édifice considérable dans l'histoire de la Bourgogne romane est très marqué par l'influence de Cluny III. Les chanoines ont en effet retenu une élévation à trois étages, le pilastre cannelé et la voûte en berceau brisé pour leur nouvelle collégiale, construite au milieu du XIIe siècle, mais achevée seulement au début du XIIIe siècle si l'on en croit l'usage de la bretture (outil du tailleur de pierres appelé taillant bretté ou bretture) qui se répand peu avant 1200 en Bourgogne et qui est attesté dans les travées occidentales de la nef. Vers 1250, un narthex gothique a été adjoint à l'ensemble et les parties hautes du choeur également refaites à l'époque gothique. Dans l'abside de la collégiale, on peut admirer une grande tapisserie (laine et soie), réalisée en 1500 (la date figure sur la tapisserie). Celle-ci comporte dix-huit scènes inspirées de la Légende dorée de Jacques de Voragine (1228-1298), un dominicain devenu archevêque de Gênes, et illustrent la vie de la Vierge. Le grand abbé Hugues de Cluny (1024-1048-1109) y a été représenté.
Maison du chapitre des chanoines de la collégiale (XIIIe siècle) :
Église Saint-Nicolas (fin XIIe-XVe siècle)
Cet édifice paroissial est le lieu de culte d'un tout nouveau village établi à la fin du XIIe siècle par la volonté du duc de Bourgogne Hugues III à proximité de Beaune. Il date en grande partie de la moitié du XIIIe siècle (nef et transept), mais a gardé un portail d'esprit encore roman et un clocher au style de transition édifiés durant les premières années du XIIIe siècle. Le tympan est illustré par la légende de saint Nicolas.
Bibliographie
Raymond Oursel, "Une église-porche en Bourgogne au XIIIe siècle", Mémoire de la Commission des Antiquités de la Côte d'Or, 23 (1947-1953), p. 205-207.
Les Hospices de Beaune (1443-1451)
La carrière illustre, l'influence politique auprès du duc de Bourgogne et l'enrichissement du chancelier Nicolas Rolin (1376-1462) expliquent l'ampleur de cette fondation. On pourrait bien sûr évoquer la piété du fondateur, mais tout est relatif. Dans sa thèse sur les structures d'assistance en Bourgogne, Aurore-Diane Simon observe que la charte de fondation de l'hôtel-Dieu (4 août 1443) ne mentionne même pas les souffrants ! Nicolas Rolin accomplit surtout par cette fondation un acte politique et de représentation sociale. Mais il ne faut pas oublier non plus qu'il s'agit aussi d'une fondation pro remedio animae ("pour le salut de l'âme"), dans la plus pure tradition médiévale : on donne aux autres en espérant gagner davantage au Ciel. Au fond, peu importe. Cela valut à Beaune de posséder l'une des institutions sanitaires les plus prestigieuses du duché, pour laquelle le fondateur ne lésina pas devant la dépense. Tout ce que l'on pouvait trouver de plus luxueux pour l'époque a été réuni, et ce, au bénéfice des pauvres. C'est le cas de la préoccupation pour l'hygiène : un bief de la rivière locale (la Bouzaise) a même été créé pour alimenter le complexe. L'hôtel-Dieu conserve des coffres, qui constituaient une part importante du mobilier à cette époque : l'un d'eux, à pieds montants, porte même les armoiries de Guigone de Salins (années 1460), épouse de Nicolas Rolin. Les premiers malades sont accueillis en 1452. On sait par l'inventaire de 1501 que l'hôtel-Dieu proposait alors 31 lits, soit un peu moins que l'hospice Notre-Dame des Fontenilles à Tonnerre (40 lits). L'intuition fut en tout cas assez bonne pour durer des siècles : l'activité de l'hôtel-Dieu ne s'interrompit qu'en 1971 ! D'une certaine manière, elle se prolonge encore à travers le nouvel hôpital de la ville.
Les travaux durèrent de 1443 à 1451, pour l'essentiel, et furent surtout confiés à des maîtres-artisans locaux tels que Jean Ratheau et Guillaume La Rathe. On doit à cette tranche du chantier la construction de la grande "salle des pôvres" couverte de sa magnifique charpente en carène du XVe siècle et prolongée par la chapelle, ainsi que la plupart des bâtiments sur cour aujourd'hui couverts de tuiles vernissées de couleur, une tradition qui pourrait provenir d'Europe centrale et dont on ne sait guère à quelle époque elle est venue agrémenter (mais avec quel bonheur !) les toitures de l'hôtel-Dieu. Cette superbe "salle des pôvres" s'inspire de celle de l'hôtel-Dieu Notre-Dame des Fontenilles à Tonnerre. Nicolas Rolin et Guigone de Salins (1403-1470), sa troisième épouse, fondent donc cette institution en 1443. Guigone n'est pas explicitement mentionnée dans l'acte de fondation, mais la devise que l'on peut lire dans la "salle des pôvres" : "Seule", montre assez qu'elle est associée de coeur par son mari. Nicolas Rolin lui-même n'en était d'ailleurs pas à sa première donation. Il avait ainsi doté de quarante livres tournois l'église Notre-Dame-du-Châtel à Autun en 1426 pour le repos de son âme et de celle de son épouse, Guigone déjà, épousée en 1424.
En 1441, Nicolas Rolin obtient un privilège du pape Eugène IV : ce dernier l'autorise à fonder un hôpital. La nouvelle fondation de Beaune bénéficie d'immunités fiscales et d'exemptions de l'autorité de l'ordinaire : elle ne dépendra donc que du pape. Placée d'abord sous le vocable de saint Antoine, elle l'est dès 1452 sous celui de saint Jean-Baptiste. L'institution est aussi richement dotée. Les historiens ont la chance de pouvoir encore exploiter les 346 liasses d'archives de l'hôtel-Dieu et notamment l'inventaire de 1501, un document unique dans l'histoire médiévale d'Occident. Évidemment, un tel complexe a subi des remaniements et aménagements au cours des siècles, notamment l'adjonction de salles (Sainte-Anne et Saint-Louis au XVIIe siècle, notamment), mais dans son équilibre général, nous avons bien affaire ici à un témoin exceptionnel de structure d'assistance du XVe siècle. L'hôtel-Dieu conserve en particulier son apothicairerie et ses cuisines. S'inspirant de l'hôpital de Valenciennes fondé peu avant par le duc Philippe le Bon (1419-1467), la communauté féminine soignante était composée de religieuses et de femmes laïques qui s'engageaient non pas dans des voeux de religion, mais promettaient quand même par serment public chasteté, pauvreté et obéissance. Le traitement réservé aux soignantes était très dur, la discipline rigoureuse.
La piété du fondateur était réelle : on la perçoit notamment au travers d'oeuvres de commande, comme la Vierge d'Autun, statue polychrome sculptée vers 1450 dans un bloc de calcaire et qui est conservée au Musée Rolin à Autun, la Vierge du chancelier Rolin, un tableau de Jan van Eyck (v. 1435) conservé au Louvre, mais surtout le retable polyptyque composé de neuf panneaux lorsqu'il est déplié et qui a été réalisé vers 1450 par Rogier van der Weyden (v. 1400-1464), peintre officiel de la ville de Bruxelles. Nicolas Rolin passe donc commande auprès des meilleurs artistes des "Pays de par deçà", comme on appelle alors les territoires septentrionaux de l'immense duché de Bourgogne. Le retable polyptyque est une oeuvre majeure des Primitifs Flamands. Elle était jadis proposée à la vue des malades dans la chapelle de la grande "salle des pôvres". L'artiste a illustré le Jugement dernier. Il fallait rappeler aux malades l'inéluctable et surtout l'essentiel : le salut de l'âme. Au revers, les portraits des fondateurs, Nicolas Rolin et son épouse Guigone de Salins, ont été peints.
Bibliographie et ressources en ligne
Ouvrage général sur Beaune :
-Guy Renaud, Histoire de Beaune, Châtillon-sur-Chalaronne, 2005.
Sur la collégiale, voir :
-Éliane Vergnolle, Renaud Benoît-Cattin et alii, La collégiale Notre-Dame de Beaune, Paris, 1997.
Sur les Hospices et le mécénat des Rolin, voir :
-Inventaire général, Les tapisseries des Hospices de Beaune, Dijon, 1993.
-Hermann Kamp, Memoria und Selbstdarstellung. Die Stiftungen des burgundischen Kanzlers Rolin, Sigmaringen, 1993.
-Marie-Thérèse Berthier, Le chancelier Rolin (1376-1462). Ambition, pouvoir et fortune en Bourgogne, Précy-sous-Thil, 1998.
-Brigitte Maurice-Chabard (dir.), La splendeur des Rolin. Un mécénat privé à la cour de Bourgogne, Paris, 1999.
-Claudine Hugonnet et alii, L'Hôtel-Dieu de Beaune, Paris-Sology-Beaune, 2005.
-Didier Sécula, "L'Hôtel-Dieu de Beaune (1443-1451) : regard sur un projet architectural hospitalier dans la Bourgogne ducale", Recueil des travaux du Centre beaunois d'études historiques, 26 (2008), p. 37-73.
-Bruno François, Les Hospices de Beaune en dates et en chiffres, Paris, 2012.
-Marie-Thérèse Berthier, John-Thomas Sweeney, Guigone de Salins (1403-1467) : une femme de la Bourgogne médiévale, Précy-sous-Thil, 2003.
-Consulter le site des Hospices de Beaune.
Concernant les structures d'assistance, la maladie et la mort au Moyen Âge, notamment en Bourgogne, voir :
-Cécile Treffort, L'Église carolingienne et la mort. Christianisme, rites funéraires et pratiques commémoratives, Lyon, 1996.
-François-Olivier Touati, Maladie et société au Moyen âge : la lèpre, les lépreux et les léproseries dans la province ecclésiastique de Sens jusqu'au milieu du XIVe siècle, Paris, 1998.
-Id. (dir.), Archéologie et architecture hospitalières de l'Antiquité tardive à l'aube des Temps modernes. Colloque international, Université de Paris 12, Créteil, 7-8 octobre 1999, Paris, 2004.
-Jean-Pierre Deregancourt, La mort au Moyen Âge : les hommes et la mort à la fin du Moyen Âge, Paris, 2007.
-Danièle Alexandre-Bidon, La mort au Moyen Âge, XIIIe-XVIe siècle, Paris, 2008.
-Aurore-Diane Simon, Implantations, activités et relations des établissements d’assistance en Bourgogne à la fin du Moyen Âge (thèse soutenue en 2012 à l'Université de Dijon), consultable sur ce lien.