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Saint-Julien-de-Jonzy

Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail : le tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail : le tympan

Ancienne église priorale Saint-Julien, aujourd'hui église paroissiale

Le village de Saint-Julien-de-Jonzy, si modeste soit-il, possède deux églises romanes. Celle que l'on peut visiter est actuellement l'église paroissiale de Saint-Julien-de-Jonzy. Cette commune résulte de la réunion, en 1860, de deux villages : Saint-Julien-de-Cray et Jonzy. C'était l'église de Saint-Julien-de-Cray. En 1865-1868, l'église paroissiale étant devenue trop petite pour la communauté, on détruisit la nef (qui était dépourvue de collatéraux) et on la remplaça par celle que l'on peut voir actuellement, édifiée en style néoroman. Le portail de l'ancienne nef fut remonté sous l'arc qui donnait auparavant accès à la croisée et au chevet. Le clocher, qui surmonte la croisée, se retrouva donc en position de façade, puisque la nouvelle nef et le nouveau choeur furent construits plus à l'est, si bien que la nef actuelle se trouve dans une position inverse par rapport à l'ancienne nef. Les parties romanes se réduisent donc au clocher et à la façade avec tympan, oeuvre du même atelier que celui auquel on doit les tympans de la façade nord du porche de l'église Saint-Fortunat de Charlieu (Loire), à 17 kilomètres de Saint-Julien-de-Jonzy. Le tympan de Saint-Julien montre le Christ en gloire entre deux anges, un thème que l'on rencontre également à Montceaux-l'Étoile et à Perrecy-les-Forges, notamment. Le linteau est occupé par la représentation de la Cène : on observera que le vandalisme (un néologisme attribué à l'abbé Grégoire) des révolutionnaires n'a épargné que la tête de Judas. L'actuel porche de l'église comprend aussi des chapiteaux à décor zoomorphe et des bases de colonne d'un style différent, beaucoup moins abouti, probablement le travail d'un atelier local, peut-être même plutôt l'oeuvre d'un tailleur de pierre que d'un sculpteur, et sans doute un peu plus ancien, vers 1130-1140 selon Christian Sapin. Dater les tympans de Charlieu, c'est dater celui de Saint-Julien-de-Jonzy. Or Matthias Hamann propose de dater ce programme sculpté des années 1130 et Neil Stratford plutôt vers 1160, sans doute doute avec raison. Le tympan de Saint-Julien-de-Jonzy date donc des années 1160 au plus tôt, si l'on retient la date proposée par Stratford pour Charlieu. C'est d'ailleurs l'une des dernières grandes oeuvres sculpturales du Brionnais, si l'on excepte le tympan de Semur-en-Brionnais tout proche, puisque distant de seulement 5 kilomètres, mais sans doute plus tardif et d'un atelier encore différent.

Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail : le tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail : le tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise Saint-Julien - Le tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise Saint-Julien - Le tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Ange au tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Ange au tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Ange du tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Ange du tympan
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Linteau : la Cène
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Linteau : la Cène
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Linteau : la Cène
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Linteau : la Cène
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Linteau : la Cène
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Linteau : la Cène
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail : chapiteau
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail : chapiteau
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail : chapiteau
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Portail : chapiteau
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Le clocher
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Le clocher
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Le clocher
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Le clocher
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Baies du clocher
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Baies du clocher
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Coupole sur trompes de l'ancienne croisée (porche)
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Coupole sur trompes de l'ancienne croisée (porche)
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - chapiteau du porche : les bouviers
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - chapiteau du porche : les bouviers
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - chapiteau du porche
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - chapiteau du porche
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - chapiteau du porche
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - chapiteau du porche
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - chapiteau du porche
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - chapiteau du porche
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Base de colonne
Saint-Julien-de-Jonzy - Eglise saint-Julien - Base de colonne

L'ancien village de Jonzy possédait lui-aussi son église paroissiale, et celle-ci existe encore, mais c'est aujourd'hui un bâtiment privé, qui ne se visite pas. Elle a été bâtie durant la seconde moitié du XIIe siècle. Sa nef unique est plafonnée. Des relevés récents indiquent toutefois une épaisseur anormale du mur sud, qui pourrait être attribué à un édifice antérieur appartenant probablement au Xe siècle, mais cette interprétation ne fait pas consensus. L'édifice comporte des éléments sculptés dont le style est compatible avec une datation qui renvoie aux dernières décennies du XIIe siècle. Ajoutons que le clocher, du début du XIIIe siècle, a été rehaussé plus tardivement d'un étage.

Saint-Julien-de-Jonzy - Ancien village de Jonzy et son église paroissiale aujourd'hui privée (XIIe et début XIIIe siècle)
Saint-Julien-de-Jonzy - Ancien village de Jonzy et son église paroissiale aujourd'hui privée (XIIe et début XIIIe siècle)

Bibliographie

-Christian Sapin (dir.), Bourgogne romane, Dijon, 2006.

-Anelise Nicolier, La construction d'un paysage monumental religieux en Brionnais à l'époque romane, Thèse (2015), Tome III, vol. 3, Corpus : Saint-Julien-de-Cray, p. 113-127 : p. 114-127.

Les portails de la face nord du narthex de l'église priorale de Saint-Fortunat de Charlieu (milieu du XIIe siècle)

Il s'agit là d'une oeuvre majeure de l'art roman brionnais. La proximité de Charlieu, bien que situé dans le département de la Loire, nécessite évidemment un traitement spécial ici et justifie, selon une méthode comparatiste, que quelques explications et des photos de Charlieu soient proposées après celles de Saint-Julien-de-Jonzy. Le prieuré Saint-Fortunat de Charlieu a été fondé en 872 par un évêque de Valence du nom de Radbert. L'établissement a immédiatement après bénéficié de la protection du roi Boson, vers 880. Ces deux personnages sont d'ailleurs vraisemblablement représentés au grand portail nord du narthex de l'église actuelle. Le prieuré a été affilié à Cluny dès 932. Il y eut ensuite une deuxième église, puis une troisième, celle-ci en partie conservée et édifiée dès la fin du XIe siècle. Pour le plan du chevet de cette troisième église autant que pour la sculpture des chapiteaux, le parallèle avec le chevet d'Anzy-le-Duc est évident ; ce sont à tout le moins deux chantiers concomitants et très liés. La nef devait être terminée vers 1115-1120 puis l'on entreprit, sans doute quelques décennies plus tard, la construction d'un narthex imposant qui reçut, côté nord, une décoration remarquable, à savoir deux portails, dont les programmes sont intimement liés sur le plan du sens.

Charlieu - Portails nord du narthex (v. 1160)
Charlieu - Portails nord du narthex (v. 1160)
Charlieu - Portails nord du narthex (v. 1160)
Charlieu - Portails nord du narthex (v. 1160)

Le petit portail est orné d'un tympan qui représente les Noces de Cana (Jean 2, 1-12) et surmonte une scène de sacrifice animal, sans doute une allégorie de l'Ancienne Alliance. Le grand portail est pour sa part constitué d'un tympan où prend place le Christ, entouré du Tétramorphe et de deux anges, un thème très clunisien. Ce tympan surmonte un linteau occupé par la Vierge, qu'accompagnent les disciples. Les roses des voussures, 24 au total, symbolisent les 24 Vieillards de l'Apocalypse (deux sont toutefois représentés à la base de la voussure, de part et d'autre). Le fondateur (Radbert) et le protecteur initial (Boson) sont peut-être figurés respectivement à droite et à gauche du linteau. Le portail est dominé par l'Agneau de Dieu, un thème eucharistique courant. La profusion du décor (roses, grecques, damiers de billettes, serviettes repliées...) en particulier travaillé au trépan, frise la surcharge. Elle caractérise un atelier que l'on retrouve après 1160 dans le choeur de Semur-en-Brionnais.

Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : tympan et linteau
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : tympan et linteau

À la réalisation de la sculpture de Saint-Fortunat contribua notamment le fameux, mais également non moins mystérieux Atelier du Donjon, qui s'est illustré aussi, sans doute au même moment, à Neuilly-en-Donjon tout proche (Allier) et au tympan de Chassenard (Allier), redécouvert en 2001. S'y déploie une théologie que combattirent dans les années 1120-1140 un certain Pierre de Bruys et ses émules, les Pétrobrusiens. Il s'agit de mettre en lumière l'importance de l'eucharistie dans l'économie du salut, donc la place, évidemment, du sacerdoce dans l'Église. Or précisément, Pierre de Bruys s'était attaqué aux sacrements et à une vision cléricale et plus précisément sacerdotale de l'Église. En matière d'Écriture sainte, l'hérésiarque privilégiait l'autorité des quatre évangiles au détriment des autres livres néotestamentaires. Pierre le Vénérable (1122-1156), abbé de Cluny, dont dépendait le prieuré de Charlieu, répondit vers 1141 aux arguments de Pierre de Bruys dans un ouvrage intitulé Contre les hérétiques pétrobrusiens.

Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : détail du linteau
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : détail du linteau
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : un Vieillard de l'Apocalypse (?)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : un Vieillard de l'Apocalypse (?)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : un Vieillard de l'Apocalypse (?)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : un Vieillard de l'Apocalypse (?)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : La luxure
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : La luxure
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : décor du piédroit de gauche
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : décor du piédroit de gauche
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : décor du linteau (à comparer avec celui de Saint-Julien-de-Jonzy)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : décor du linteau (à comparer avec celui de Saint-Julien-de-Jonzy)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : Le roi Boson porte l'église nouvellement fondée (?)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : Le roi Boson porte l'église nouvellement fondée (?)
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : Jean-Baptiste (à droite) et Radbert (?) à gauche
Charlieu - Grand portail nord du narthex (v. 1160) : Jean-Baptiste (à droite) et Radbert (?) à gauche
Charlieu - Portails nord du narthex (v. 1160) : chapiteau à comparer avec ceux de Saint-Julien-de-Jonzy
Charlieu - Portails nord du narthex (v. 1160) : chapiteau à comparer avec ceux de Saint-Julien-de-Jonzy
Charlieu - Petit portail nord du narthex (v. 1160)
Charlieu - Petit portail nord du narthex (v. 1160)
Charlieu - Petit portail nord du narthex : les Noces de Cana (à comparer avec la Cène de Saint-Julien-de-Jonzy)
Charlieu - Petit portail nord du narthex : les Noces de Cana (à comparer avec la Cène de Saint-Julien-de-Jonzy)

Il était donc très délicat de présenter les réalisations architecturales et artistiques majeures en Bourgogne durant le Moyen Âge sans évoquer ces portails de Charlieu. Sans rien enlever à la richesse de la toute nouvelle Région Auvergne - Rhône-Alpes, le site bourguignon de Saint-Julien-de-Jonzy était l'occasion toute trouvée pour une telle évocation. Mais on aura bien compris que les limites des régions et des départements sont sans valeur pour juger des ensembles de l'époque romane. En outre, il ne faut pas oublier que pour expliquer la présence à Cluny de sculpteurs capables de réaliser les chapiteaux du rond-point (à une date très débattue, mais qu'il convient probablement de situer vers 1105, selon Sébastien Biay, ou vers 1115-1118 selon l'hypothèse plus ancienne de Francis Salet, sans ignorer des datations encore plus tardives qui nous emmènent jusque vers 1130 pour d'autres), les spécialistes ont avancé l'hypothèse de liens avec le Lyonnais et la Vallée du Rhône, la Bourgogne actuelle n'en possédant pas de cette envergure à pareille époque. De tels liens n'ont d'ailleurs jamais été rompus : il suffira de dire que l'abbé de Vézelay Renaud de Semur (1106-1128), petit-neveu de saint Hugues de Cluny, devient archevêque de Lyon en 1128 (avant de mourir dès l'année suivante) et que Benjamin Saint-Jean Vitus n'hésite pas à établir une comparaison entre la sculpture de Saint-Martin-d'Ainay (Lyon) et celle des tours romanes de l'abbatiale de Tournus au milieu du XIIe siècle. La Bourgogne a bien sûr fait fructifier l'héritage en l'enrichissant d'apports multiples et complexes, écrivant ainsi une page remarquable de l'histoire de l'art et de l'architecture à l'époque romane. Encore un point sur la sculpture de Charlieu : Neil Stratford la date des environs de 1160 au plus tôt, ce qui recule d'autant la date proposée pour nombre d'édifices romans qui s'inscrivent manifestement dans le sillage de ce bâtiment. C'est l'opinion retenue par Anelise Nicolier dans sa thèse. Dès lors, une observation s'impose : l'efflorescence romane en Brionnais date en grande partie de la seconde moitié du XIIe siècle et s'exprime encore vers 1200-1220 à Paray-le-Monial et à Saint-Yan. Le langage gothique fait seulement alors sa timide apparition en Brionnais-Charolais. Il y a bien une Bourgogne du Nord et, dans une moindre mesure, de l'est d'un côté, et une Bourgogne du sud de l'autre. L'ogive fait son apparition à Vézelay dès les années 1160 (au chevet et dans l'avant-nef) et à Fontenay, mais ne s'exporte que 50 ans plus tard au bas mot en Bourgogne du sud, tout juste précédée par les techniques nouvelles de maçons, comme la bretture.

Il faut encore ajouter que Charlieu conserve de nombreuses maisons médiévales dont le recensement et l'étude a été faite.

Bibliographie

-Daniel Pouly, Jean-Denis Salvèque, Pierre Garrigou Grandchamp, Maisons de Charlieu, XIIIe-XIVe siècles, Charlieu, 1998.

-Christian Sapin (dir.), Bourgogne romane, Dijon, 2006.

-Guy Lobrichon, Bourgogne romane, Lyon, 2013.

-Anelise Nicolier, La construction d'un paysage monumental religieux en Brionnais à l'époque romane, Thèse (2015), Tome III, vol. 1, Corpus : Charlieu : p. 266-286 : p. 268-283.