Nevers dans l'histoire
Nevers a été le siège d'un évêché dès le début du VIe siècle. On a d'ailleurs retrouvé les vestiges du baptistère de cette époque. Il faut rappeler qu'en principe, l'administration du sacrement du baptême se faisait une fois par an, à Pâques, durant les premiers siècles de l'ère chrétienne, l'utilisation des baptistères s'étant prolongée jusqu'à la période carolingienne pour être ensuite remplacée par celle des fonds baptismaux. Le catéchumène recevait le baptême plongé dans une cuve qu'abritait un bâtiment indépendant de la cathédrale. En France, on peut voir de tels baptistères des IVe-VIIe siècles ou ce qu'il en reste à Fréjus, Poitiers, Lyon et Venasque, par exemple. Durant la période carolingienne, l'évêque Jérôme (795-815) met en oeuvre dans son diocèse de Nevers la réforme religieuse, administrative et culturelle carolingienne exprimée par les termes d'un capitulaire, c'est-à-dire d'un ensemble de dispositions de portée générale, à savoir l'Admonitio generalis (23 mars 789). Il reconstruit notamment la cathédrale. Celle-ci a été remplacée par un autre édifice au XIe siècle, lui-même modifié à l'époque gothique. La cité de Nevers comptait au XIIIe siècle plus d'une dizaine d'établissements religieux et de paroisses dont plusieurs ont laissé des vestiges. C'est notamment le cas du monastère Saint-Etienne qui, au VIIe siècle, fut d'abord un monastère féminin soumis à la règle irlandaise de saint Colomban, puis devint au XIe siècle un prieuré clunisien. On y a d'ailleurs découvert trois sarcophages mérovingiens du début du VIIe siècle lors de fouilles en 1974 (voir le compte-rendu en ligne de May Vieillard-Troïekouroff extrait du Bulletin Monumental, 138/2, 1980, p. 221-227).
Un comté de Nevers est créé au Xe siècle. Passé en 1369 dans les possessions des ducs capétiens, il échoit au XVIe siècle à la maison de Clèves. Le duché de Nevers se maintient jusqu'à la Révolution. C'est le comte Guillaume Ier (mort v. 1098) qui a donné des terres au moine clunisien Gérard pour qu'il y établisse le prieuré de La Charité-sur-Loire (1052). Au XIIe siècle, l'histoire des comtes de Nevers est marquée par un interminable conflit de juridiction avec l'abbaye de Vézelay. L'écho en est donné par la Chronique d'Hugues le Poitevin, un moine de Vézelay dont la partialité est un modèle du genre. Cette chronique s'interrompt en 1167. Le conflit commença sous Guillaume II de Nevers (1083-1148), qui s'était d'abord rendu célèbre pour avoir dirigé une armée vers la Terre Sainte, armée défaite en Anatolie par les Turcs (1101). Le conflit entre l'abbaye de Vézelay et le comte de Nevers atteint son apogée sous Guillaume III (1110-1161) et Guillaume IV (1130-1168). Guillaume IV est même visé par une procédure d'anathème lancée par le pape Alexandre III à son encontre (1165) pour l'inviter à abandonner ses prétentions. En s'attaquant aux pèlerins cheminant vers Vézelay qui traversaient ensuite ses terres pour traverser la Loire à La Charité et en soutenant les bourgeois de Vézelay contre l'abbé de ce lieu, Guillaume IV est allé au-delà des moyens mis en oeuvre par son aïeul et par son père pour mettre la main sur une partie des revenus de l'abbaye et pour y imposer sa propre juridiction féodale. En novembre 1166, la médiation du roi Louis VII permet d'imposer la paix du roi entre le comte et l'abbaye. Les comtes de Nevers possédaient plusieurs châteaux, comme celui de Druyes-les-Belles-Fontaines, édifié à partir de la fin du XIIe siècle. L'actuel Palais ducal a été construit par Jean de Clamecy entre 1464 et 1491 dans un style Renaissance qui en était à ses débuts. Il est considéré comme le premier château de la Loire et en tant que tel, il ne relève plus vraiment de la période médiévale, bien qu'il conserve encore deux tours édifiées antérieurement, au XVe siècle également.
La cathédrale Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte (XIe-XVIe siècle)
La première cathédrale édifiée à l'époque tardo-antique avait été placée sous le patronage des saints Gervais et Protais. Toutes les églises n'étaient pas orientées alors, bien que cette tradition s'affirme dès le Ve siècle pour n'être plus systématiquement respectée après le XVe siècle. La cathédrale a été rebâtie à l'époque carolingienne, puis au XIe siècle, date à laquelle furent construits dans le style roman, à l'ouest, une abside semi-circulaire et un transept toujours en place. Cette église, peut-être commencée avant 1029, fut consacrée en 1058. La voûte en cul-de-four de l'abside romane est couverte d'une fresque figurant le Christ en gloire entouré par le Tétramorphe et les Vieillards de l'Apocalypse (Apoc. chap. 4 et 5). cette fresque a été exécutée dans la seconde moitié du XIIe siècle ou, selon Barbaré Franzé, peut-être beaucoup plus tôt, dans la seconde moitié du XIe siècle. Le choeur roman auquel on accède en gravissant douze marches d'escalier surmonte une crypte aménagée vers 1100. En 1211, un grave incendie endommage la cathédrale. L'évêque Guillaume prend la décision de la reconstruire selon les techniques et le style du gothique. La nef est élevée au XIIIe siècle, puis flanquée de chapelles latérales aux XIVe-XVe siècles. Enfin, le choeur gothique rayonnant a été commencé à la fin du XIIIe siècle. Puis un nouvel incendie est intervenu en 1308. Les travaux du choeur se sont ensuite poursuivis. Ce choeur est doté de quatre travées et de sept chapelles. La construction du massif oriental s'est donc étalée de la fin du XIIIe au début du XVe siècle. La Tour Bohier a quant à elle été édifiée du XIVe (étage inférieur) au XVIe siècle (étages supérieurs). La statuaire de la cathédrale, partiellement refaite ou restaurée, est particulièrement riche. Il faut noter que la cathédrale a beaucoup souffert des bombardements de 1944 (tous les vitraux ont été détruits, notamment), qui ont nécessité une campagne de reconstruction de certaines parties.
Bibliographie et ressources en ligne
Sur la cathédrale et la vie religieuse en général, voir :
-Marcel Anfray, La cathédrale de Nevers et les églises gothiques du Nivernais, Paris, 1964.
-Christian Sapin (dir), La cathédrale de Nevers du baptistère paléochrétien au chevet roman (VIe-XIe siècles), Paris, 1995.
-Fabrice Cayot, "Le château et la topographie ecclésiale de Nevers", dans Hervé Mouillebouche (dir.), Châteaux et prieurés. Actes du premier colloque de Bellecroix, 15-16 octobre 2011, Chagny, 2012, p. 338-343.
Sur le baptistère, voir :
-Christian Sapin, "Baptistère de la cathédrale Saint-Cyr et Sainte-Julitte", Les premiers monuments chrétiens de la France, 3 : Ouest, Nord et Est, Paris, 1998, p. 57-63.
Sur les fresques romanes de la cathédrale, voir :
-Juliette Rollier-Hanselmann, "D'Auxerre à Cluny : techniques de la peinture murale entre le VIIIe et le XIIe siècle en Bourgogne", Cahiers de civilisation médiévale, 40 (1997), p. 57-90 (article en ligne).
-Ead.,"Étude des peintures murales romanes dans les anciens territoires de Bourgogne : de Berzé-la-Ville à Rome et d’Auxerre à Compostelle", In Situ. Revue des patrimoines, 22 (2013), p. 1-18.
-Barbaré Franzé, "Des peintures de Nevers aux œuvres de la réforme du XIIe siècle : les témoins d’une tradition iconographique", Bulletin du Centre médiéval d'Auxerre, 12 (2008), p. 169-175 (Article en ligne).
La cathédrale (bon article dans Wikipedia)
Sur les fresques romanes en Bourgogne, on peut consulter la contribution de Juliette Rollier-Hanselmann ici.
La priorale Saint-Étienne (fin du XIe siècle)
L'intérêt considérable de ce monument a été perçu très tôt, puisque l'église Saint-Étienne a été classée sur la liste des Monuments historiques dès 1840. Peut-être fondé dès le VIIe siècle mais donné à Cluny en 1063, le monastère devient alors un prieuré clunisien pour lequel le comte Guillaume Ier s'est montré très généreux. La construction relativement rapide de la priorale (1068-1097 pour l'essentiel), qui est venue remplacer un édifice plus ancien dont on a retrouvé des traces de fondation sous le chevet actuel, contribue assurément à l'impression d'unité architecturale qui s'en dégage. C'est l'un des édifices romans les mieux conservés de France. Construit en calcaire ocre, il comprend trois niveaux d'élévation. Dans la nef de six travées voûtées en plein cintre (18 mètres de hauteur !) et dotées de collatéraux couverts de voûtes d'arêtes, une tribune, à l'étage, contrebute à peine la voûte, car il ne semble pas qu'à l'origine il ait été prévu de voûter cet espace. Le transept est largement saillant et le déambulatoire donne accès à trois chapelles absidiales. La décoration est d'une grande sobriété et se limite à un seul chapiteau à feuillage en dehors des chapiteaux épannelés. Toute l'attention semble s'être fixée sur les volumes de cette architecture très pure et qui désignent cette priorale comme une sorte de modèle d'église de pèlerinage. Un narthex et une façade ont été ajoutés au XIIe siècle. Le narthex n'existe plus et le portail a perdu son tympan autrefois orné d'un Christ en majesté. Il faut noter que les étages supérieurs des clochers (façade et tour de la croisée) ont eux-aussi été démolis.
Bibliographie
-Francis Salet, "Saint-Étienne de Nevers", dans Nivernais. Congrès Archéologique de France, Société Française d'Archéologie, 1970, p. 162-184.
-Catherine Chevochot, "La priorale Saint-Étienne de Nevers (Nièvre)", Dossiers d'Archéologie, 275, juillet - août 2002, p. 66-71.
-Christian Sapin (dir.), Bourgogne romane, Dijon, 2006.