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Mâcon

Mâcon - Vieux-Saint-Vincent : le portail (v. 1120)
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent : le portail (v. 1120)

Ancienne cathédrale dite "le Vieux-Saint-Vincent" (XIe-XIIe siècle)

C'est probablement autour de 530 que Matisco (nom latin de Mâcon) fut érigé en diocèse. En 581, un synode (assemblée d'évêques) s'est tenu dans cette cité, puis en 585 un second. Ces assemblées, notamment, se préoccupèrent du niveau moral du clergé. Elles édictèrent aussi des mesures antijuives. Le premier synode interdit aux chrétiens de partager le repas des juifs (Mâcon I, canon 15), aux juifs de posséder des esclaves chrétiens (Mâcon I, canon 16) ou d'exercer toute forme de prosélytisme à l'égard des chrétiens (Mâcon I, canon 17). Signalons au passage cette présence juive attestée dès les premiers siècles du Moyen Âge en région mâconnaise et que démontrent les inscriptions funéraires juives conservées au Musée des Ursulines de cette ville. La deuxième assemblée exige des chrétiens qu'ils respectent le repos dominical (Mâcon II, canon 1), versent les dîmes des récoltes aux églises (Mâcon II, canon 5) et interdit à un prêtre de consacrer l'eucharistie en étant saoûl, preuve que cela devait arriver ! Le canon 8 du même synode (Mâcon II) demande que l'on respecte le droit d'asile, qui permettait aux fugitifs de se mettre sous la protection du clergé dans l'église. ce synode prohibe aussi le fait, pour un clerc, d'assister au châtiment public d'un coupable (Mâcon II, canon 19). Ce sont là quelques exemples d'une législation conciliaire qui est à la base de ce que l'on appelle le droit canonique, le droit de l'Église. Celle-ci encadre le peuple des fidèles d'une manière de plus en plus étroite, et parfois contraignante, il est vrai, tout au long du Moyen Âge. Les relations entre l'abbaye de Cluny et les évêques de Mâcon, dont Cluny dépendait nominalement, ont été souvent très mauvaises, jusqu'à provoquer une brouille sévère entre Hugues de Semur, abbé de Cluny (1049-1109) et l'évêque de Mâcon Drogon (1059-1073), puis de nouveau entre les deux autorités au début des années 1120. Cela n'a apparemment pas empêché les influences de circuler largement entre les deux sites en matière d'architecture et de sculpture à l'époque romane.

Un groupe épiscopal fut bâti, avec sans doute un baptistère et un cloître canonial au sud de la cathédrale, dès le VIe siècle. Mais la cathédrale fut reconstruite à plusieurs reprises durant le haut Moyen Âge, puis à l'époque romane par l'évêque Gauzlin de Vienne (1019-1030) selon les techniques de bâti que l'on appelait jadis "art roman lombard". D'ailleurs, le parement extérieur de ce qu'il reste de la travée occidentale, près du narthex, et de l'étage abritant la chapelle Sainte-Marie-de-la-Porte entre les deux clochers porte de nombreuses arcatures lombardes ou lésènes. C'est une réalisation contemporaine de Saint-Bénigne de Dijon et de Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine. La cathédrale a été complétée durant les deux premières décennies du XIIe siècle par la construction d'un narthex d'un style plus évolué, puis fut de nouveau reconstruite en gothique à partir des années 1240 environ, après que la voûte centrale du narthex a elle-même reçu des ogives (v. 1220). En outre les tours octogonales de la façade ont été surélevées à l'époque gothique.

Mâcon - Vieux-Saint-Vincent : narthex (XIIe siècle)
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent : narthex (XIIe siècle)
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - Chapiteau du narthex
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - Chapiteau du narthex
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - base de colonne dans le narthex
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - base de colonne dans le narthex
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - clé de voûte (début du XIIIe siècle)
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - clé de voûte (début du XIIIe siècle)
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent : sarcophage dans le narthex
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent : sarcophage dans le narthex
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent : sarcophage dans le narthex
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent : sarcophage dans le narthex

Le narthex, aujourd'hui Musée lapidaire, est donc la partie principale encore en élévation à dater de l'époque romane. Il abrite un portail qui compte parmi les principales réalisations de la sculpture romane en Bourgogne et l'on estime que ce dernier a pu être assemblé aux environs de 1120-1130, au moins partiellement sous l'abbatiat de l'évêque Bérard de Châtillon (1097-1124). Le tympan est d'une facture inhabituelle en Bourgogne. Il se compose d'une figure centrale qui représente le Christ de l'Ascension, aujourd'hui disparu, environné par des scènes disposées sur cinq registres superposés. Le premier registre illustre à gauche les élus et à droite les réprouvés. Au second registre se déploie la résurrection des morts. Au troisième, les vingt-quatre personnages sont sans doute les vingt-quatre Vieillards de l'Apocalypse. Les quatrième et cinquième registres montrent des apôtres et la figuration du paradis, tandis que les chapiteaux des piédroits, où l'on croit reconnaître le coup de ciseaux d'un sculpteur du portail de Perrecy-les-Forges, sont eux-mêmes décorés, notamment l'un d'eux où l'on voit l'archange saint Michel luttant contre le démon. L'archivolte, autour du tympan, est ornée d'un décor végétal très abouti. Les artistes sont très influencés par la sculpture de Cluny, mais plusieurs mains sont décelables dans cette oeuvre.

Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - détail du tympan
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - détail du tympan
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - détail du tympan
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - détail du tympan
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - chapiteau : l'archange Saint-Michel combat le démon
Mâcon - Vieux-Saint-Vincent - chapiteau : l'archange Saint-Michel combat le démon

Bibliographie

-Henri Gaillard de Sémainville, "Les Burgondes", Archéologia, 290 (Mai 1993), p. 50-63.

-Pierre Goujon (dir.), Histoire de Mâcon, Toulouse, 2000.

-Marcello Angheben, "L'iconographie du portail de l'ancienne cathédrale de Mâcon : une vision synchronique du jugement individuel et du jugement dernier", Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 32 (2001), p. 73-87.

-Nathanaël Nimmegeers, « L’Église et le château en Mâconnais (Xe-XIIIe siècles) », dans G. Auloy, M. Maerten (dir.), Chastels et maisons fortes. Actes des journées de castellologie bourguignonne 1994-1998, Montceau-les-Mines, 2001, p. 211-221.

-Id., « L’Église de Mâcon au haut Moyen Âge », dans Annales de l’Académie de Mâcon, 5e série, t. 7 (travaux 2013), 2014, p. 106-119.

-Christian Sapin (dir.), Bourgogne romane, Dijon, 2006.

-La section archéologique du Musée des Ursulines concentre des collections qui permettent d'apprécier l'évolution du développement urbain depuis l'époque gallo-romaine ainsi que la production artistique locale.

-Voir la page consacrée à Mâcon sur le site bourgogneromane.com.

 

Nécropole de Saint-Clément (haut Moyen Âge)

Alors qu'un projet de destruction de l'église Saint-Clément (XIXe siècle), désaffectée, se précisait, des fouilles furent réalisées entre 1985 et 1992 sous la nef. Elles révélèrent la présence d'une nécropole de l'époque mérovingienne (milieu du VIe siècle) où furent inhumés les premiers évêques de la cité, si bien que le site archéologique fut aménagé pour montrer au public les résultats de la découverte.