Ancienne priorale Notre-Dame (Basilique de Paray) : un chef-d'oeuvre d'architecture clunisienne du XIIe siècle
Aux origines du prieuré clunisien
Du prieuré bénédictin fondé par Lambert († 978), comte de Chalon, en 973, il est bien difficile de se faire une idée précise, mais les archéologues progressent dans la compréhension du site, surtout depuis les six campagnes de fouilles préventives effectuées entre 1997 et 2005 dans la basilique. Celles-ci ont en effet donné lieu à d'intéressantes découvertes. En 999, le nouveau comte de Chalon, Hugues, fils de Lambert et nouvel évêque d'Auxerre, vient nourrir le mouvement de donations à l'abbaye de Cluny en plaçant le monastère sous l'autorité de celle-ci, dont l'abbé était alors Odilon de Mercoeur (962-1048). C'est bien sur le site actuel, le Val d'Or, entre la Bourbince et un ruisseau, que cette première implantation avait été réalisée, contrairement à une ancienne tradition localisant le premier monastère sur les hauteurs de Paray. Il se pourrait d'ailleurs que le site ait été occupé de manière plus ou moins continue depuis l'Antiquité, Paray devant en pareil cas être rangée dans l'une des catégories les plus répandues à cette époque : celle d'un établissement issu d'une villa (grand domaine rural) devenue site de fondation religieuse ou donnée, en tout ou partie, à un monastère.
Une première église avait été consacrée en 977 et c'est elle que le comte Lambert choisit pour y élire sépulture. Cette église, aux proportions sans doute modestes, fut reconstruite après 999 et consacrée en 1004. Longue au total d'une quarantaine de mètres, elle comportait une nef unique de trois travées charpentées, un transept très saillant également charpenté et un chevet tripartite voûté. Au-delà de la travée de choeur, l'abside principale était flanquée de deux absidioles. Chaque croisillon était prolongé par une absidiole. L'axe de l'église était dirigé un peu plus vers le sud-est, ce qui explique que celui de l'église romane qui lui a succédé soit décalée par rapport à l'axe du narthex venu s'accoler à l'ancienne nef vers 1080, et qui existe encore. C'est probablement vers la seconde abbatiale de Cluny, dite Cluny II, qu'il convient de se tourner pour découvrir l'origine du plan adopté. On sait que cet édifice était décoré de vitraux et de peintures murales, du moins dans sa partie orientale. Vers la fin du XIe siècle, on entreprit donc la construction d'un narthex, conçu comme une extension de Paray II. Peu après, un projet d'une tout autre ampleur devait donner naissance à un bâtiment bien plus conséquent : l'actuelle basilique romane de Paray-le-Monial, élevée à l'intérieur d'une tranche chronologique assez longue (des années 1110 ou 1120, si ce n'est un peu plus tard, à 1220 environ), même si les maîtres d'oeuvres successifs restèrent fidèles au plan initial.
La deuxième priorale romane (église Notre-Dame et basilique actuelle)
C'est cette construction dont l'architecture peut être qualifiée de typiquement clunisienne, au point que l'on a souvent présenté la priorale comme un Cluny III en modèle réduit. On lit cette filiation dans l'adoption de la voûte en berceau brisé, dans l'élévation tripartite : grandes arcades, galerie de triforium aveugle et baies de l'étage supérieur, dans le décor des arcades (oves, chevrons), dans le décor également des colonnes des portails nord et sud (damiers de billettes, torsades, entrelacs, roses, serviettes repliées...), dans les chapiteaux corinthiens et les pilastres cannelés.
Les travaux ont progressé d'est en ouest, fort lentement. L'ancien massif du XIe siècle fut progressivement abattu pour laisser place aux constructions actuelles. D'abord, le chantier édifia le chevet à chapelles rayonnantes, en se concentrant progressivement sur les supports intérieurs du sanctuaire ; il se transporta au nord pour bâtir l'absidiole du croisillon, puis au sud, pour construire l'absidiole du croisillon sud. Ce n'est que lors d'une troisième campagne, durant la seconde moitié du XIIe siècle, que l'on planta le mur gouttereau nord de la nef, avant de refermer le croisillon nord du transept (avec son portail) et de terminer l'enveloppe de la nef et du croisillon sud, enfin les parties hautes de la nef et du croisillon sud, mais pas avant le début du XIIIe siècle. Il y eut donc quatre campagnes de construction principales. La nef actuelle étant plus longue que la précédente, il fallut amputer le narthex d'une travée orientale, de sorte que ce dernier n'en possède plus que deux aujourd'hui, sur les trois d'origine. Les collatéraux ont reçu des voûtes d'arêtes. Au-delà du sanctuaire, le chevet se compose d'une abside enveloppée d'un déambulatoire que jouxtent trois chapelles rayonnantes. Le narthex lui-même n'appartient pas entièrement au XIe siècle. En effet, les étages de la tour nord n'ont été terminés qu'au début du XIIe siècle, comme l'indique le style des baies ajourées. Cette avant-nef à deux étages (le second est occupé par la chapelle Saint-Michel) doit être comparée avec celles de Tournus et de Vézelay, donc les fonctions étaient diverses (liturgiques surtout).
L'aspect du clocher octogonal surmontant la croisée du transept a changé au cours des siècles. Des incendies, à la fin du XIVe siècle, obligèrent à reconstruite le dernier étage (en style gothique). L'architecte Eugène Millet lui a rendu son aspect roman au milieu du XIXe siècle. L'absidiole échelonnée du croisillon sud a laissé place vers 1470 à une chapelle funéraire en gothique flamboyant édifiée par Robert de Damas-Digoine. Le narthex ayant déjà été consolidé au XVIIIe siècle, il l'est de nouveau, comme les parties basses de l'abside, par Millet, qui reprend complètement les piliers du narthex. Après avoir été dédiée au Sacré-Coeur en 1873 (la religieuse Marguerite-Marie Alacoque est à l'origine de cette dévotion à Paray-le-Monial au XVIIe siècle), l'ancienne priorale, devenue église paroissiale en 1792 après le départ des derniers moines, est élevée au rang de basilique mineure par le pape Pie IX en 1875.
Puisque l'incurie et la cupidité transformèrent la grande abbatiale Cluny III en carrière de pierres (de 1798 à 1823), ne laissant subsister que le clocher de l'Eau Bénite et quelques autres vestiges, l'ancienne priorale de Paray permet au moins d'imaginer ce que put être l'église-mère, qui inspira sa propre architecture. La basilique abrite également une collection de 365 chapiteaux romans. Dans leur grande majorité, ils ont reçu une décoration végétale ou animale, rarement historiée, mais forment tout de même un ensemble remarquable et lui-même très influencé par Cluny. Le Christ en Gloire qui décore la voûte du sanctuaire date du XIVe siècle. Il faut redécouvert en 1935.
Le prieuré
Du Moyen Âge et du début de la Renaissance (1480-1516) date la Tour des Chapelains, seul reste du château des abbés de Cluny, édifié par Jean de Bourbon et Jacques d'Amboise. Les bâtiments du prieuré, endommagés lors des guerres de Religions au XVIe siècle, furent reconstruits durant la première moitié du XVIIIe siècle en style classique et ont été récemment restaurés.
Bibliographie
-Christian Sapin (dir.), Bourgogne romane, Dijon, 2006.
-Paray-le-Monial : Basilique du Sacré-Coeur, Archéologie en Bourgogne, 6, DRAC Bourgogne, 2006.
-Nicolas Reveyron (dir.), Hugues de Cluny 1024-1109. Lumières clunisiennes : exposition, Paray-le-Monial, basilique, cloître, musée du Hiéron, 11 juillet-11 octobre 2009, Cluny, 2009, p. 101-127.
-Guy Lobrichon, Bourgogne romane, Lyon, 2013.
La Tour Saint-Nicolas (XVe siècle)
C'est le clocher et seul vestige d'une église paroissiale dédiée à Saint-Nicolas, édifiée à la fin du XVe et au début du XVIe siècle en style gothique flamboyant et consacrée en 1535. Le clocher lui-même fut achevé en 1549. Des expositions y sont organisées, de nos jours.
Chapelle Notre-Dame (XIIe siècle)
Cette chapelle romane de la fin du XIe ou du début du XIIe siècle, ancienne église paroissiale dédiée à Notre-Dame, est localisée dans le cimetière, sur la colline des Grainetières. Elle a perdu sa nef et les croisillons du transept qui, à la croisée, porte encore une belle coupole sur trompes. Elle remplace un édifice mentionné déjà au IXe siècle. Sa fonction paroissiale ne s'est interrompue qu'au XVIIe siècle.
Il faut évidemment visiter aussi à Paray-le-Monial le Musée du Hiéron où l'on peut notamment admirer le tympan d'Arcy provenant du prieuré d'Anzy-le-Duc, et présenté dans l'article concernant cette commune. Le visiteur s'attardera enfin avec bonheur devant la façade admirablement sculptée de l'hôtel de ville (XVIe siècle).