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Chassignelles

Église Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe siècle)

Situé à l'écart du village, l'édifice agréablement environné d'arbres s'impose sur une faible éminence. De ses toits de laves et de ses proportions ramassées se dégage une impression de solidité et d'austère beauté. On ne sait pas grand-chose de ses origines. Les terres de plusieurs seigneuries étaient en effet imbriquées localement lorsque fut posée la première pierre dans le second quart du XIIe siècle. L'église dépendait toutefois de Sainte-Colombe d'Ancy-le-Franc tout proche. Les deux premières travées de la nef jusqu'au clocher, que l'on peut lire à l'extérieur d'après les contreforts, appartiennent à cette première campagne, suivie au début de la seconde moitié du siècle par une seconde phase durant laquelle la nef fut allongée et se prolongea par un choeur à chevet plat, selon une tradition bien attestée en Bourgogne du nord au XIIe siècle. Quatre chapelles ont été ajoutées aux XVe-XVIe siècles. Le clocher date du XIIe siècle et le porche est venu compléter l'ensemble au XVe siècle, comme l'indique le style du lavabo inséré dans l'épaisseur du mur gouttereau à droite. L'entrée dans l'église se fait par l'ouest, le portail étant agrémenté de corbeaux dont une tête humaine et un motif réduit à deux V superposés, à gauche et à droite sous le linteau, respectivement.

Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.)
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.)
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.)
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.)
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.)
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.)

On est obligé de s'arrêter un moment sur la question de ce petit porche, puisque ses murs, comme le reste de l'église, avaient été décorés autour de 1500 au moyen de peintures murales que l'on ne voit encore vraiment que du côté gauche, au nord. Le sujet représenté n'est pas sans intérêt : il s'agit du Dict des trois morts et des trois vifs. Les chevaux des cavaliers, avec de bons yeux et un peu d'imagination, sont encore discernables. L'épisode édifiant est beaucoup mieux conservé à La Ferté-Loupière, en Puisaye, où les trois cavaliers, dans l'insolence de leur jeunesse et de leur panache, rencontrent leurs doubles sous la forme de squelettes qui leur indiquent l'inéluctable issue de l'existence. À Brianny, en Auxois, près de Saulieu, un sujet similaire a aussi été traité en peinture murale : celui de la Danse macabre, dont l'inspiration traduit la même morale égalitariste et l'omniprésence de la mort en ces sociétés fragilisées par la guerre, les épidémies de peste et les mauvaises récoltes, même si, à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, un relatif apaisement et des équilibres nouveaux paraissent s'installer sous les règnes de Charles VIII et de Louis XII.

Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.) : le porche du XVe siècle
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.) : le porche du XVe siècle
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.) : le Dict des trois morts et des trois vifs peint sur les voûtes du porche.
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.) : le Dict des trois morts et des trois vifs peint sur les voûtes du porche.

Mais la surprise intervient surtout en entrant dans la nef couverte d'un berceau brisé. L'oeil est immédiatement attiré vers un programme très varié de décoration peinte qui concerne pratiquement tout l'édifice, notamment au dessus de la litre funéraire matérialisée sous la forme d'un bandeau noir. Très nombreux sont les motifs végétaux ou géométriques décoratifs : faux appareil, fleurettes, entrelacs, hexagones, losanges, fleurs de lys, croix ancrées, galons de grecques, médaillons plus ou moins élaborés. On note aussi la présence de sujets figuratifs : la Flagellation, à gauche en entrant dans l'église derrière l'escalier de la tribune en bois, saint Jean dans un médaillon, la Vierge en majesté...L'ensemble est datable de la seconde moitié du XIIIe siècle pour l'essentiel. Dans le choeur, d'autres peintures sont un peu plus tardives (XVe-XVIe siècle). Dans les parties hautes du choeur, côté est, le Christ en majesté (XIIIe siècle) dominait jadis ce programme coloré. Des apôtres figurent dans des médaillons : Matthieu, Thomas, André, peints vers 1480. Dans la chapelle nord, une peinture montre la Vierge de l'Annonciation (seconde moitié du XVe siècle). Une Vierge en majesté des années 1490-1520 complète la thématique mariale. On ne peut dire que cet ensemble traduise l'état le plus abouti de la peinture murale gothique : il n'en est pas moins agréable et très émouvant. Il montre en effet que la couleur se déployait alors équitablement dans des édifices à la vocation diverse : monastique, canoniale ou paroissiale. Ce programme décoratif accueillait le petit peuple qui pouvait se reconnaître dans ses goûts esthétiques tout en côtoyant l'expression picturale de la doctrine.

Chassignelles - Eglise Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe s.) : peintures murales (l'Annonciation, fin du XVe s.)
Chassignelles - Eglise Saint-Jean-Baptiste (XIIe-XVe s.) : peintures murales (l'Annonciation, fin du XVe s.)

L'église Saint-Jean-Baptiste de Chassignelles occupe de toute évidence un site privilégié pour sa quiétude et constitue un témoignage plutôt rare d'église paroissiale presque intégralement peinte dans la région. Sa visite s'impose ; elle est assurée par des membres des Amis de l'église Saint-Jean-Baptiste de Chassignelles, très dévoués pour l'entretien et la mise en valeur de ce beau patrimoine. Pour la visite du monument, ouvert tous les jours en été et, en dehors, certains dimanches entre Pâques et la Toussaint, il convient de s'adresser à la mairie, qui communique les coordonnées des responsables de l'association.

Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.) : peintures murales
Chassignelles - Eglise Saint-Jean Baptiste (XIIe s.) : peintures murales

Bibliographie

-Robert Biton, L'église Saint-Jean-Baptiste de Chassignelles (Yonne), Ahuy, 2010.