Gourdon dans l'histoire
Le visiteur du département des Monnaies, Médailles et Antiques de la Bibliothèque nationale de France, à Paris (rue de Richelieu), peut y voir le fameux trésor de Gourdon : il s'agit d'un service eucharistique (une patène, ce plat sur lequel on dispose les hosties à distribuer lors de la messe, et un calice). La patène est un tout petit plat (210 x 130 mm) rectangulaire en or, au décor géométrique de filigranes et d'émaux verts et rouges cloisonnés. Le calice en or, inspiré du canthare gréco-romain, est quant à lui orné de filigranes également, mais aussi de turquoises et de pâte de verre bleu. Il ne mesure que 7,5 cm de haut. Ces objets sans doute enfouis vers 524 (avec 104 monnaies en or), tandis que la menace d'une guerre entre Francs et Burgondes se faisait plus inquiétante, témoigne d'influences diverses : antiques, orientales et gothiques. Il a été découvert dans un champ en 1845. Ces pièces d'orfèvrerie sont caractéristiques d'un art de synthèse entre les traditions antiques, byzantines, barbares et chrétiennes.
Un oratoire, ou peut-être un petit monastère dépendant du Puy-en-Velay, est signalé à Gourdon par l'historiographe Grégoire de Tours (538-594). En 570, il évoque en effet un ermite nommé Desiderius (Didier) dans le De gloria confessorum (La gloire des confesseurs), un ouvrage consacré à des saints essentiellement tourangeaux et auvergnats. On peut penser que le trésor de Gourdon a été enfoui par des membres de cette petite communauté, sur laquelle règne après le VIe siècle un profond silence documentaire, et ce, jusqu'au début du XIIe siècle, en 1104 précisément, date à laquelle l'église de Gourdon est de nouveau mentionnée.
Église Notre-Dame de l'Assomption (v. 1100-v.1125)
Architecture
L'église de Gourdon est remarquable à tout point de vue : architectural, sculptural et pictural. Son architecture associe des éléments clunisiens (notamment l'élévation exceptionnelle à trois étages dans la nef, comme à Toulon-sur-Arroux), arcatures aveugles dans la nef également, éclairage direct par des fenêtres hautes situées au dessus des arcatures, ainsi que des marqueurs d'un mode constructif du groupe d'églises voûtées d'arêtes sur nef centrale (Anzy-le-Duc, Vézelay, Toulon-sur-Arroux, Issy-l'Évêque). L'ensemble produit un effet de synthèse particulièrement heureux qui nécessite une visite attentive. Du reste, le cadre rural dans lequel cet édifice a été planté est très beau. Juché au sommet d'une colline près de Mont-Saint-Vincent, l'église Notre-Dame de l'Assomption affirme avec fierté ses volumes de grès. Les quatre travées de la nef se prolongent par un transept peu saillant, un choeur voûté en berceau brisé, dans la tradition clunisienne là-encore, et une abside dotée de deux absidioles latérales. Les constructeurs ont commencé à travailler au croisillon nord et au choeur, ensuite au croisillon sud et à la croisée, puis dans la nef. Les parties hautes appartiennent à la dernière phase d'un chantier relativement rapide, une vingtaine d'années environ (v. 1100-v.1120).
Un ensemble sculpté très important
Les 98 chapiteaux qui coiffent les demi-colonnes engagées des piliers cruciformes sont l'oeuvre d'un atelier constitué sans doute de quatre équipes. Le style d'une l'une d'elles est reconnaissable dans l'église de Mont-Saint-Vincent toute proche. Ce décor est très riche, mais à l'intérieur d'un répertoire essentiellement décoratif : feuillages, animaux affrontés, aigles, monstres, atlantes...
Le décor peint
Les fresques romanes, redécouvertes au milieu du XXe siècle, sont un véritable trésor, pour un petit village qui en compte par conséquent plusieurs. Sur plus de 150 mètres carrés, l'atelier catalan qui les a produites livre un programme remarquable : on reconnaît notamment le Christ en gloire entouré du Tétramorphe dans la conque absidiale, mais aussi, dans le choeur, à gauche, l'Annonciation et la Nativité, et à droite le Christ entouré par les pèlerins d'Emmaüs. Si le grand Christ n'a conservé que les couches de tons préparatoires, celui d'Emmaüs présente encore sa palette d'origine. Dans les parties hautes, les signes du zodiaque, les travaux des mois et quelques scènes bibliques se déploient de manière plus discrète. C'est là une oeuvre qui date probablement des années 1120. Elle est contemporaine des fresques de Curgy, en Autunois, que l'on doit au même atelier. Les deux Christ présentent notamment des traits stylistiques qui permettent sans trop de difficultés de les attribuer au même artiste apparemment formé dans les Pyrénées catalanes. Le badigeon rose dont les murs de l'église ont été recouverts ne date en revanche que du XVIe siècle. L'historien des arts possède un témoignage écrit du Moyen Âge occidental particulièrement précieux pour comprendre les techniques employées : il s'agit du traité du moine Théophile intitulé De diversibus artis (1ère moitié du XIIe siècle), qui traite essentiellement de la peinture, du vitrail et de l'orfèvrerie. On sait par exemple que l'emploi du lapis-lazuli, une roche métamorphique importée à grand prix d'Orient pour faire un certain bleu, est plutôt réservé aux chantiers prestigieux : son emploi est attesté à Berzé-la-Ville et, dans une mesure bien moindre, à Gourdon dans l'auréole du Christ d'Emmaüs.
Bibliographie
-Juliette Rollier-Hanselmann, "D'Auxerre à Cluny : techniques de la peinture murale entre le VIIIe et le XIIe siècle en Bourgogne", Cahiers de civilisation médiévale, 40 (1997), p. 57-90. Article en ligne.
-Ead.,"Étude des peintures murales romanes dans les anciens territoires de Bourgogne : de Berzé-la-Ville à Rome et d’Auxerre à Compostelle", In Situ. Revue des patrimoines, 22 (2013), p. 1-18. Article en ligne.
-Jens Reiche, Le décor sculpté de Gourdon et de Mont-Saint-Vincent : un atelier charolais du début du XIIe siècle, Bonn, 1998.
-Daniel Russo (dir.), Peintures murales médiévales, XIIe-XVe siècles. Regards comparés, Dijon, 2005.
-Voir les contributions de Jens Reiche (Gourdon. Église Notre-Dame) et Juliette Rollier-Hanselmann (Gourdon. Église Notre-Dame, les peintures romanes) dans Monuments de Saône-et-Loire, Congrès archéologique de Saône-et-Loire 2008, Paris : Société française d'archéologie, 2010.