L'église Saint-Gengoux (XIIe siècle et époque moderne)
La légende de Gengoux, à l'origine Gangulf ou Gangolf, que l'on trouve également sous la forme Gengoult ou bien encore Gengoul, raconte qu'un miles (homme d'arme) du roi Charles Martel, justement appelé Gengulf, né dans la région de Langres vers 700, se maria à une femme du nom de Ganéa. En l'absence de son époux, celle-ci prend un amant. Gengulf l'apprend et soumet sa femme à l'épreuve de l'eau froide afin de lui extorquer la vérité. Il s'agit d'une ordalie. Dans le droit germanique, l'accusé pouvait subir une épreuve physique normalement traumatisante, surtout en cas de culpabilité. N'oublions pas qu'au contraire du droit romain, il ne s'agit pas de démontrer la culpabilité de l'inculpé, mais son innocence. Or, Galéa n'était manifestement pas innocente, puisque lorsqu'elle eut retiré son bras, tout le monde put constater que le membre était endommagé, preuve de la culpabilité de l'épouse infidèle (Dieu, évidemment, ne peut permettre qu'un innocent soit injustement châtié, selon les mentalités du temps). Gengulf pardonne à sa femme, qui ne lui en sait pourtant pas gré, puisqu'avec la complicité de son amant, elle fait assassiner son mari, apparemment en 760. D'assez nombreuses églises du nord-est de la France, mais également d'Allemagne et de Suisse sont placées sous le patronage de Gengoult ou Gengon.
Saint-Gengoux-le-National ("le Royal" à l'époque moderne, avant la Révolution), situé en fond de vallée au croisement de deux anciennes voies romaines encore empruntées au XIIe siècle et qui reliaient Chalon à Mâcon par Cluny et Cluny à Autun, a accueilli un prieuré clunisien dès le début du XIe siècle. L'église priorale encore debout, qui a gardé une fonction paroissiale même dans le cadre du prieuré-doyenné clunisien, a subi plusieurs remaniements. Ne subsiste du XIIe siècle que le transept dont la croisée est couverte d'une coupole sur trompe et comporte quelques chapiteaux romans à décor végétal ou figuratif (vers 1120), ainsi que le très beau clocher octogonal d'une facture indiquant un XIIe siècle déjà avancé. Le choeur a été reconstruit en gothique flamboyant au XVIe siècle après un incendie. Les travées de la nef ont quant à elles été rebâties au XVIIIe siècle en imitant le style roman de la nef d'origine. Le prieuré, reconstruit à la fin du XVe siècle, existe encore près de l'église, mais ne se visite pas.
On notera également dans le village médiéval la présence d'un donjon, celui du château édifié par Philippe-Auguste en 1206, qui rappelle que Saint-Gengoux fut une enclave royale dotée d'un sergent nommé par le roi dès 1166, sous le roi Louis VII, ce dernier protégeant l'établissement religieux. Saint-Gengoux possède aussi des maisons des XVe-XVIe siècles dont l'une, à pans de bois et typique de ce genre de maison bourgeoise en Bourgogne à la fin XVe siècle, se trouve rue du Moulin à Cheval.
Saint-Gengoux est un très joli bourg qui conserve d'importants vestiges de l'époque médiévale, y compris au travers de plusieurs maisons civiles et d'une architecture militaire toujours présente. Ce qui est devenu aujourd'hui un gros village a constitué dès le XIIe siècle l'une des pièces maîtresses qui permirent au roi capétien de prendre pied en Bourgogne et d'y étendre son influence. La présence d'un prieuré clunisien, dont l'église est venue remplacer l'ancienne église de la Madgeleine (Xe s.), fait de Saint-Gengoux un témoin régional typique de l'expansion clunisienne au Moyen Âge classique (Xe-XIIe s.).
Bibliographie
-Pierre Garrigou Grandchamp, "Saint-Gengoux-le-National, bourg clunisien et prévôté royale, du début du XIe au début du XVIe siècle, dans Monuments de Saône-et-Loire, Congrès archéologique de Saône-et-Loire 2008, Paris : Société française d'archéologie, 2010.
-Voir la page consacrée à Saint-Gengoux sur le site bourgogneromane.com.