Flavigny : l'abbaye Saint-Pierre (VIIIe-XIIIe siècle)
Fondée par le noble Widerad ou Widerard (acte de fondation du 27 mai 719), l'abbaye bénédictine connut son apogée à l'époque carolingienne. C'est d'ailleurs l'une des premières abbayes bourguignonnes à avoir adopté la règle bénédictine, rédigée par Benoît de Nursie en Italie vers 530-540. Cette règle était cependant déjà observée à Autun au VIIe siècle, l'évêque saint Léger (v. 663-677) l'ayant préconisée lors du synode tenu dans cette cité sous son épiscopat. L'église fut consacrée par le pape Jean VIII, de passage en Gaule, le 28 octobre 878. D'importantes reconstructions sont ensuite effectuées au XIe et au XIIIe siècle. Malgré les aléas, la communauté monastique se maintient jusqu'en 1789.
Les cryptes à deux niveaux (28 m x 27 m), dont il reste des vestiges conséquents, forment un ensemble particulièrement précieux, puisqu'il offre un témoignage sur l'architecture du haut Moyen Âge en Bourgogne. Le plan s'inspire de celui des cryptes de Saint-Germain d'Auxerre édifiées peu avant (841-859). La construction a débuté à l'occasion de la translation des reliques de sainte Reine depuis Alise-Sainte-Reine, très proche (Alésia), entre 860 et 878, à l'initiative d'un abbé proche du pouvoir carolingien et nommé Eigil. On sait par la documentation que le pape Jean VIII (872-882) consacra sept autels le 28 octobre 878. Il faut rappeler que le terme "cryptes", associé au Moyen Âge à un espace voûté et souvent même au simple fait de voûter une chapelle (pas forcément souterraine), ne peut être considéré indépendamment des nécessités liturgiques imposées par la présence de reliques et par l'organisation de processions. Celles-ci expliquent à Auxerre comme à Flavigny l'existence d'un large couloir de circulation et de chapelles latérales. L'aménagement, réalisé à partir de la confession encore visible (v.864), consiste en un déambulatoire coudé que prolonge trois nefs terminées, à l'est, par une rotonde appelée la Chapelle Notre-Dame des Piliers. Les cryptes furent remaniées au début du XIe siècle, sous les abbatiats d'Heldric (990-1010) et surtout d'Amédée (1010-1038) probablement. On peut encore voir, notamment, l'escalier ménagé au sud, qui permettait d'accéder à la crypte supérieure. Les chapiteaux sont en outre des témoins de la sculpture des IXe et XIe siècles. Dans un cubicule d'angle du couloir de circulation, au sud, on peut admirer un beau pilier avec chapiteau et tailloir ornés sur leurs quatre faces de motifs végétaux sculptés en méplat (IXe siècle), pour lesquels l'archéologue Christian Sapin évoque l'existence d'une réalisation comparable, mais plus adroite, dans la crypte de Saint-Irénée à Lyon (La Bourgogne préromane, p. 215-216). L'abbatiale a été reprise à l'époque romane sous l'abbatiat de Gaucher dans les années 1170, puis à l'époque gothique (nef des années 1250). La nef de cette abbatiale comptait dix travées.
Le propos serait incomplet s'il n'évoquait pas un autre type de patrimoine, celui des manuscrits médiévaux. Nous conservons en effet plusieurs manuscrits de l'époque carolingienne copiés ou provenant de Flavigny. Ils témoignent non seulement du dynamisme du scriptorium monastique, mais aussi de l'existence d'un centre d'étude. Il est vrai que dès 796, Flavigny eut pour abbé Alcuin (v. 735-804), l'un des principaux acteurs de la réforme culturelle carolingienne et proche conseiller de Charlemagne. On copie à Flavigny des formules juridiques (Paris, BnF, lat. 2123, fin VIIIe-début IXe siècle), des livres de liturgie, ou bien on les y conserve, comme cet évangéliaire copié à la fin du VIIIe siècle dans un centre de la vallée de la Loire et portant une magnifique table des canons (Autun, Bibliothèque municipale S4), dit Évangiles de Flavigny. On peut admirer les compositions peintes qui en décorent certaines pages sur la base Initiales de l'IRHT..
On peut également visiter à Flavigny l'église Saint-Genest (XIIIe siècle, avec des modifications ultérieures). Cette église paroissiale construite dans les années 1250-1260 comporte un choeur, un transept non saillant et une nef de six travées. Les restes de l'enceinte médiévale (XIIIe-XIVe siècle) et ses trois portes, dont la "Porte de Barme", ainsi que de belles maisons civiles de la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècle) ont également été conservés. Parmi ces demeures, il faut citer un témoin remarquable de maison du deuxième quart du XIIIe siècle, la "Maison au Loup", ainsi qu'une maison de la fin du XVe siècle, dotée d'une très belle façade : la "Maison du Donataire". Ce mystérieux "donataire" serait peut-être le personnage agenouillé aux pieds de la statue de la Vierge à l'Enfant placée dans la niche de la façade. La maison abrite aujourd'hui l'accueil touristique de Flavigny, assuré par la Société des Amis de la Cité de Flavigny. D'autres demeures, du XVIe siècle, ajoutent au cachet de ce bourg pittoresque.
Bibliographie
-Christian Sapin, "L’abbaye Saint-Pierre de Flavigny à l’époque carolingienne", Cahiers du Centre de Recherche sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, 2, 1977, p. 47-61.
-Id., "Flavigny-sur-Ozerain, haut-lieu de l’architecture médiévale", Archeologia, avril 1981, p. 30-40.
-Id., "Saint-Bénigne de Dijon, Saint-Pierre de Flavigny et les ateliers de sculpture de la première moitié du XIe siècle", Mémoire de la Commission des Antiquités de Côte-d’Or, t. XXXV, 1987-1989, p. 215-242.
-Id., "Saint-Pierre de Flavigny : l'ancienne abbatiale et ses cryptes", Société française d'archéologie, Congrès archéologique de France, 144e session (1986) : Auxois - Châtillonnais, Paris, 1989, p. 97-109.
-Id., "La crypte de Flavigny, "un reliquaire" pour sainte Reine ", dans Philippe Boutry, Dominique Julia, Reine au Mont Auxois, Le culte et le pèlerinage de sainte Reine des origines à nos jours, Paris, 1997, p. 81-94.
-Id., Les cryptes en France. Pour une approche archéologique, IVe-XIIe siècle, Paris, 2014.
-Madeleine Blondel, Flavigny et le Haut-Auxois : étude des spécificités entre architecture rurale et architecture du bourg, Paris, 1983.
-Vanessa Hontcharenko, "Flavigny-sur-Ozerain. Façades de la Maison des baillis, XIIIe siècle", Bulletin Monumental, 168 (2010), p. 163-167. En ligne sur cette page.
-Lire également les observations d'Antoine Lacaille sur les maisons médiévales de Flavigny sur cette page.